1. 1
LE TELETRAVAIL
Contexte juridique et état de la jurisprudence:
Quels points de vigilance pour négocier ou renégocier un accord?
Christine Baudoin
Avocat au Barreau de Paris
Associée du cabinet Lmt Avocats
Spécialiste en droit social
Anvie,
Le 25 septembre 2014
2. PLAN
INTRODUCTION : L’ETAT ACTUEL DU DROIT : LES SOURCES JURIDIQUES
1.DÉFINITION DU TÉLÉTRAVAIL 1.1 Définition juridique du télétravail 1.2 Définition fonctionnelle du télétravail 2. CHAMP D’APPLICATION 3. CONDITIONS DE MISE EN OEUVRE DU TÉLÉTRAVAIL 3.1 Dispositions auxquelles on ne peut déroger par accord collectif ou individuel 3.2 Modalités de mise en oeuvre susceptibles d’une adaptation par accord collectif en fonction des caractéristiques de la branche ou de l’entreprise 4. PRINCIPES DIRECTEURS RÉGISSANT LE TÉLÉTRAVAIL 4.1 Mise en place du télétravail et consensualisme 4.2 Responsabilité de l’employeur 4.2.1 Le temps au télétravail 4.2.2 Lieu de télétravail 4.2.3 Les coûts (article L.1222-10 1er CT et article 7 ANI) 4.2.3.1 L’équipement du télétravailleur 4.2.3.2 Vers une indemnisation de la sujétion que représente l’occupation du domicile? 4.2.4 Les accidents de télétravail 4.3 Egalité de traitement du télétravailleur avec les salariés travaillant dans les locaux de l’entreprise CONCLUSION
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3. INTRODUCTION
L’ETAT ACTUEL DU DROIT : LES SOURCES JURIDIQUES
Accord cadre européen du 16 juillet 2002
Accord National Interprofessionnel du 19 juillet 2005
(arrêtés ministériels des 30 mai et 15 juin 2006)
Loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 (article 46) relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives - dite Loi « Warsmann »
introduisant trois nouveaux articles au Code du travail : L.1222-9 à L.1222-11
Entrée en vigueur de la loi le 24 mars 2012 sous réserve des dispositions de l’article L.1222-11 dont les modalités de mise en oeuvre devront faire l’objet d’un décret d’application à paraître
Loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 (article 133) relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique - dite Loi « Sauvadet »
Décret d’application : à paraître…
Les dispositions du droit commun du travail
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4. 1. DÉFINITION DU TÉLÉTRAVAIL
1.1 DÉFINITION JURIDIQUE DU TÉLÉTRAVAIL Définition de l’article L. 1222-9 CT : « Le télétravail désigne toute forme d'organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l'employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon régulière et volontaire en utilisant les technologies de l'information et de la communication dans le cadre d'un contrat de travail ou d'un avenant à celui-ci ». Définition de l’ANI (article 1er) : « Le télétravail est une forme d’organisation et/ou de réalisation du travail, utilisant les technologies de l’information dans le cadre d’un contrat de travail et dans laquelle un travail, qui aurait également pu être réalisé dans les locaux de l’employeur, est effectué hors de ces locaux de façon régulière. » Le télétravail se caractérise ainsi par :
•une organisation pérenne du travail (travail effectué « de façon régulière »),
•l’utilisation des NTIC (ordinateur, téléphone, base de données partagées…),
•le lien de subordination et le pouvoir disciplinaire de l’employeur (« dans le cadre du contrat de travail »),
•l’exercice d’une activité hors les murs de l’entreprise (peu importe le lieu/peu importe la durée, d’où un certain flou). Le Code du travail reprend donc en substance la définition de l’ANI
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5. 1.2 DÉFINITION FONCTIONNELLE DU TÉLÉTRAVAIL le télétravail au domicile :
•à distinguer du travail à domicile (article L.7412-1 du CT) exclusif du lien de subordination et pour lequel les Technologies de l’Information et de la Communication (TIC) ne sont pas toujours utilisées
•activités exercées en tout ou partie au domicile du salarié les télécentres :
•activités exercées hors des locaux de l’entreprise dans des bureaux dédiés équipés d'outils informatiques
•dans certaines entreprises, les télécentres sont des « établissements » le travail en réseau :
•activités exercées au sein d’une équipe virtuelle « éclatée », chez le client le « nomadisme », l’itinérance : télétravail ou non?
•Le nomadisme n’est pas prévu par la loi à la différence de l’ANI
•activités exercées par nature en dehors du lieu de travail commun
•usage de TIC dans les déplacements
•Mais : la condition de régularité exigée par la loi et l’ANI n’est pas remplie un travailleur nomade peut toutefois être télétravailleur, certains jours, si le contrat le prévoit
•Accord sur le télétravail de Coca cola Entreprise, 22 janvier 2014 estime que les salariés exerçant un métier par nature itinérant comme les activités commerciales n’entrent pas dans les conditions d’éligibilité du télétravail. Cet accord prévoit une indemnité de sujétion spécifique pour compenser la nécessité d’effectuer des tâches administratives au domicile.
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6. La Loi n°2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification du droit et à l'allégement des démarches administratives introduit les dispositions codifiées aux articles L.1222-9 à L.1222-11 du Code du travail qui s’appliquent à tous les salariés
L.1222-9 alinéa 2 CT : « Le télétravailleur désigne toute personne salariée de l'entreprise qui effectue, soit dès l'embauche, soit ultérieurement, du télétravail (…)». L’ANI du 19 juillet 2005 a fait l’objet d’un arrêté d’extension en date du 30 mai 2006 (JORF n°132 du 9 juin 2006 page 8771) - modifié par l’arrêté du 16 juin 2006 (JORF n°145 du 24 juin 2006 page 9555.
Champ d’application : entreprises dont l’activité est comprise dans les secteurs professionnels où les signataires patronaux (MEDEF, UPA et la CGPME) sont représentés
« Hors champ » : secteurs dont les employeurs ne sont pas adhérents au MEDEF, à l’UPA ou à la CGPME (professions libérales, agriculture, économie sociale, presse, audiovisuel, spectacle vivant…) Des accords d’entreprise peuvent néanmoins être négociés dans ces secteurs !
Réalité : tous les acteurs économiques s’inspirent de l’ANI y compris la fonction publique La Loi n° 2012-347 du 12 mars 2012 relative à l'accès à l'emploi titulaire et à l'amélioration des conditions d'emploi des agents contractuels dans la fonction publique, à la lutte contre les discriminations et portant diverses dispositions relatives à la fonction publique. L’article 133 prévoit que les fonctionnaires relevant de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 peuvent exercer leurs fonctions dans le cadre du télétravail tel que défini à l’article L.1222-9 du Code du travail. Il en est de même pour les agents publics non fonctionnaires et les magistrats. Pour mémoire: le décret d’application n’est jamais paru
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2. CHAMP D’APPLICATION
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7. 3. CONDITIONS DE MISE EN OEUVRE DU TELETRAVAIL
Un accord collectif n’est pas exigé
3.1 Dispositions auxquelles on ne peut déroger par accord collectif ou individuel : Dispositions de l’ANI aujourd’hui intégrées dans le Code du travail
•définition du télétravail (article 1 al 1er ANI et L. 1222-9 al 1er CT)
•caractère volontaire (article 2 ANI et L. 1222-9 al 1er CT)
•principe de réversibilité et d’insertion (article 3 ANI et L. 1222-9 al 4 CT)
•équipements de travail (article 7 alinéa 1er ANI et L. 1222-9 al 1er CT)
•organisation du travail (article 9 ANI et L. 1222-9 al 1er CT) Dispositions plus précises de l’ANI applicables aux entreprises relevant de son champ d’application
•conditions d’emploi (article 4 ANI) : égalité de traitement
•vie privée (article 6 ANI)
•santé et sécurité (article 8 ANI)
•formation (article 10 ANI)
•droits collectifs (article 11 ANI) L’article L. 1222-9 al 4 CT dispose que « Le contrat de travail ou son avenant précise les conditions de passage en télétravail (…) », ce qui laisse une plus grande souplesse que l’ANI. Néanmoins, toutes les fois où la loi ne prévoit rien, l’ANI reste le texte de référence pour mettre en place le télétravail. 3.2 Modalités de mise en oeuvre susceptibles d’une adaptation par accord collectif en fonction des caractéristiques de la branche ou de l’entreprise :
•équipements de travail (article 7 à l’exception de l’alinéa 1er et L. 1222-10 CT) : prise en charge des coûts, appui technique,…
•protection des données (article 5) : l’ANI renvoie aux prescriptions de la CNIL
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8. 4.1 MISE EN PLACE DU TÉLÉTRAVAIL ET CONSENSUALISME Comment mettre en place le télétravail ?
Pas de condition d’accord d’entreprise préalable – Obligation de contractualiser le passage au télétravail (L. 1222-9 al 1er CT)
Il s’agit d’une forme d’organisation du travail : consultation nécessaire des IRP (informer et consulter le CE, voire le CCE et le CHSCT)
Si des contrôles ou des méthodes d’évaluation des salariés sont mises en oeuvre (L. 1222-10 4° CT): atteinte possible aux libertés individuelles (porter à la connaissance des IRP et du salarié). Caractère volontaire : « Le télétravail revêt un caractère volontaire pour le salarié et l’employeur concernés » (article 2 de l’ANI) « Le refus d'accepter un poste de télétravailleur n'est pas un motif de rupture du contrat de travail » (L. 1222-9 al 3 CT). Le refus du salarié d’accepter le télétravail n’est pas en soi un motif de rupture du contrat de travail (Arrêt Abram, Cass. soc. 2 oct. 2001, n°99-42727 ; article 2, alinéa 4 de l’ANI) Intérêt de prévoir une période d’expérimentation pendant laquelle chacune des parties peut mettre fin au télétravail sous réserve d’un délai de prévenance préalablement défini. Réversibilité : Les conditions de réversibilité doivent être prévues contractuellement (L.1222-9 al4 CT). La Cour de cassation confirme pour sa part sa jurisprudence : « lorsque les parties sont convenues d’une exécution de tout ou partie de la prestation de travail au domicile du salarié, l’employeur ne peut modifier cette organisation contractuelle sans l’accord du salarié » (Cass. Sociale, 13 février 2013, n° 11.22-360 ; Cass. Sociale,12 février 2014, n°12-23051). L’employeur ne peut ainsi revenir unilatéralement sur la possibilité de travailler à domicile. La possibilité de mise en oeuvre du télétravail de manière unilatérale ? L’article L.1222-11 CT prévoit « en cas de circonstances exceptionnelles » la possibilité d’instaurer le télétravail de manière unilatérale, dans la mesure où il serait constitutif « d’un aménagement du poste de travail » Télétravail et obligation de reclassement en cas d’inaptitude Lorsqu’un avis d’inaptitude précise qu’un reclassement du salarié inapte à un poste en télétravail est possible, l’employeur doit justifier de ses démarches de reclassement et des éventuels motifs s’opposant à la préconisation du médecin du travail (Cass. Soc. 15 janvier 2014, n°11-28898). Il ne peut arguer de la petite taille de l’entreprise pour en déduire que le reclassement du salarié à un poste en télétravail est impossible (Cour d’appel Reims, 2 avril 2014, n°12/01973).
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4. PRINCIPES DIRECTEURS REGISSANT LE TELETRAVAIL
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9. 4.2.1 Le temps au télétravail Durée du temps de télétravail : Télétravail Autonomie Souplesse : attention cependant au télétravail gris L.1222-9 al.5 CT : « A défaut d'accord collectif applicable, le contrat de travail ou son avenant précise les modalités de contrôle du temps de travail ». L’arrêté d’extension de l’ANI impose le respect par l’employeur de la réglementation sur le temps de travail, notamment en s’assurant de la fiabilité du système de décompte des heures supplémentaires – La charge de travail doit être raisonnable, à défaut, il y a un risque d’atteinte à la vie privée, au principe d’égalité avec les autres salariés, mais surtout à sa santé. Comment prévenir le travail en dehors de la durée légale, le respect des temps de repos … ?
1.En amont, définition impérative des horaires/plages de travail (nécessité d’un accord consistant)
2.Interdire le travail en dehors de ces espaces (attention au respect des temps de repos pour les forfait jours – entretiens réguliers pour évaluer la charge de travail : Cass. soc. 29 juin 2011 n°09-71.107; Cass. Soc., 31 janvier 2012, n°10-19.807; Cass. Soc., 24 avril 2013, n°11-28.398)
3.Rendre inaccessible l’intranet, les serveurs, en dehors des horaires dédiés (d’où l’utilité de contrôle du matériel par l’employeur)
4.Si besoin, rappeler à l’ordre – l’employeur doit se ménager la preuve de ses instructions
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4.2 RESPONSABILITE DE L’EMPLOYEUR
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10. La distinction entre forfaits jours et horaires collectifs
Les salariés soumis aux horaires collectifs doivent respecter les mêmes horaires que ceux appliqués en entreprise. L’intérêt de ce système est de déterminer si le salarié se trouvait ou non dans le lien de subordination. Il y a en effet présomption d’accident du travail si celui-ci s’est produit lors des heures de travail.
En revanche, concernant les salariés en forfait jours, ils disposent d’une plus grande liberté quant à leur choix d’horaires de travail. Mais, il convient au même titre que les salariés présents dans l’entreprise, de comptabiliser leurs journées travaillées et de repos (Cass. Soc., 31 janvier 2012, n°10-19.807). Cadres dirigeants et télétravail
Si les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions relatives à la durée de travail, les principes généraux de la protection de la sécurité sociale et de la santé des travailleurs leur sont applicables, le cadre dirigeant demeurant un salarié, dans un lien de subordination.
En conséquence, par hypothèse, un cadre dirigeant n’aurait pas à déclarer les journées pendant lesquelles il travaille depuis son domicile, dans la mesure où il est totalement libre de l’organisation de son travail. Cependant, les règles relatives à la conformité du lieu de travail lui restent applicables. Travail de nuit et télétravail
Aucune disposition légale ne réglemente cette situation. Il est donc recommandé de prévoir contractuellement qu’aucune tache ne pourra être effectuée entre 21 heures et 6 heures du matin afin d’éviter tout travail de nuit. Vers un droit à la « déconnexion » ?
Proposition visant les Cadres (cf accord Syntec)
Un certain nombre d’accords y font dorénavant référence
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11. 4.2.2 Lieu de télétravail: Obligations de contrôle par l’employeur de la mise en conformité du lieu de travail (installations électriques, lieux de travail (article 7 de l’ANI), éclairage (article R.4223-1 CT), risque d’incendie (article R.4227-1 CT)…) Principe de l’accès au lieu de télétravail par l’employeur, le CHSCT, le médecin ou l’inspecteur du travail (article 8 de l’ANI) Notification et accord préalable du télétravailleur nécessaires dès lors que le lieu de télétravail se situe au domicile du salarié. Si refus, il doit pouvoir être possible de mettre fin au télétravail. Une procédure de certification du lieu de travail ? (15 propositions Cadres CFDT sur le télétravail, déc. 2004, prop. n°6) : « Afin de garantir de bonnes conditions de travail et d'environnement au télétravailleur, une procédure d'agrément par un prestataire spécialisé serait la bienvenue ». Une procédure difficile à mettre en place (coût, en particulier pour les PME). Assurances:
Souscription par l’employeur d’une assurance spécifique dommages aux biens (incendies, vols, …) et d’une assurance responsabilité civile du fait du matériel.
Extension de l’assurance responsabilité civile du salarié avec justifications à l’employeur.
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12. 4.2.3 Les coûts (article L.1222-10 1er CT, Article 7 de l’ANI)
Le principe:
L’article du Code du travail reprend les principes de l’article 7 de l’ANI: les coûts découlant directement de l’exercice du télétravail sont à la charge de l’employeur.
4.2.3.1 L’équipement du télétravailleur:
La distinction entre données professionnelles et données personnelles :
Les dossiers, fichiers créés par un salarié grâce à l’outil informatique mis à sa disposition par son employeur pour l’exécution de son travail sont présumés, sauf si le salarié les identifie comme étant personnels, avoir un caractère professionnel de sorte que l’employeur peut y accéder hors de sa présence (Cass. Soc., 18 octobre 2006, n°04-48.025).
Sur ce point, les initiales d’un prénom ne peuvent donner un caractère personnel à un fichier informatique (Cass. Soc., 21 octobre 2009, n°07-43.877).
L’utilisation personnelle par le salarié de sa messagerie professionnelle, en violation de la charte informatique constitue un manquement délibéré et répété, constitutif d’une faute grave (Cass. Soc., 15 décembre 2010, n°09-42.691).
L’employeur a accès aux fichiers non identifiés comme personnels, contenus dans une clé USB personnelle connectée à un outil informatique mis à la disposition du salarié par l’employeur pour l’exécution de son travail (Cass. Soc., 12 février 2013, n°11-28.649).
Des courriels et fichiers intégrés dans le disque dur de l’ordinateur mis à disposition du salarié par l’employeur ne sont pas identifiés comme personnels du seul fait qu’ils émanent initialement de la messagerie personnelle du salarié (Cass. Soc., 19 juin 2013, n°12-12,138).
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13. La nécessaire protection des données professionnelles : Outils de protection :
Clause contractuelle de confidentialité
Règlement intérieur et charte informatique
La sécurisation de l’accès aux TICs utilisées dans le cadre du télétravail par l’utilisation de mots de passe (délibération CNIL 30 mai 2013, n°2013-139) La cybersurveillance de l’employeur dans le cadre du télétravail D’une manière générale, mais a fortiori dans le cadre du télétravail, la mise en place par l’employeur d’un dispositif particulièrement intrusif (« keyloggers »), ne saurait se justifier, à l’exception d’impératifs forts de sécurité et d’une information spécifique des personnes concernées (Communication de la CNIL du 20 mars 2013). La problématique du BYOD (Bring Your Own Device) :
Utilisation du matériel privé du salarié: souplesse d’utilisation, simplicité vs. confidentialité, sécurisation des données
Les PME françaises y sont majoritairement favorables (78% selon l’INSA de Rennes)
Les grandes entreprises y réfléchissent de plus en plus
Le BYOD risque d’accentuer le télétravail gris (nomadisme…) Lettre Innovation et Prospective n°7 de la CNIL de juin 2014 : Quid équilibre entre sécurité des données et protection de la vie privée (autonomie et indépendance vs contrôle nécessaire) Une piste à envisager : « conteneurisation » des données et espaces afin de ne contrôler que la partie professionnelle de l’appareil
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4.2.3.2 VERS UNE INDEMNISATION DE LA SUJÉTION QUE REPRÉSENTE L’OCCUPATION DU DOMICILE ?
Les frais liés au télétravail sont intégralement supportés par l’employeur (L1222 -10 CT/ article 7 de l’ANI/ Arrêté du 20 décembre 2002 modifié par arrêté du 25 juillet 2005) Cour d’appel de Douai, 30 mai 2008, chambre sociale, RG n°07/00009 : pas de redressement du chef des frais inhérents au télétravail, pour l’employeur qui verse à ses cadres en situation de télétravail une indemnité égale à 20% de la valeur locative de leur logement et plafonnée à 152 euros par mois. Cass, 2e chambre civile, 28 mai 2014, n° 13-18212 : L'indemnisation des frais engagés par le salarié à des fins professionnelles pour l'utilisation des outils issus des NTIC s'effectue uniquement sous la forme d’un remboursement des dépenses réellement exposées ou, lorsque l'employeur ne peut en justifier, d'après la déclaration faite par les salariés évaluant le nombre d'heures d'utilisation à usage strictement professionnel de ces outils, dans la limite de 50 % de l'usage total. L’indemnisation forfaitaire est donc exclue. L’occupation du domicile, emporte-t-elle des conséquences financières en elle-même ? « l'occupation, à la demande de l'employeur, du domicile du salarié à des fins professionnelles constitue une immixtion dans la vie privée de celui-ci et n'entre pas dans l'économie générale du contrat de travail ; […] si le salarié, qui n'est tenu ni d'accepter de travailler à son domicile, ni d'y installer ses dossiers et ses instruments de travail, accède à la demande de son employeur, ce dernier doit l'indemniser de cette sujétion particulière ainsi que des frais engendrés par l'occupation à titre professionnel du domicile. » (Cass. soc. 7 avril 2010, n°08-44865 08-44866 08-44867 08-44868 08-44869 ; Cass. soc. 8 juillet 2010, n°08-45287 et : Cour d’appel de Paris, Pôle 6 ch. 3, 6 septembre 2011 n°09/06075). Plus récemment, la Cour de cassation infléchissant sa position, a estimé qu’« un salarié peut prétendre à une indemnité au titre de l’occupation de son domicile à des fins professionnelles dés lors qu’un local professionnel n’est pas mis effectivement à sa disposition » (Cass. Sociale, 12 décembre 2012, n° 11.20-502 ; Cass. Soc. 4 déc, 2013 n°12-19667 a contrario). Prétendre cette jurisprudence extensible au télétravail est contestable:
La loi ne l’a pas prévue
Le télétravailleur par hypothèse dispose d’un bureau dans l’entreprise ou en tout autre lieu Conclusion: Le cas échéant, bien distinguer « l’indemnité d’occupation » qui consiste en un défraiement , de « l’indemnisation de la sujétion ». La négociation doit porter sur ces deux points.
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15. Définition de l’accident du travail : « Est considéré comme accident du travail, quelle qu'en soit la cause, l'accident survenu par le fait ou à l'occasion du travail à toute personne salariée ou travaillant, à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit, pour un ou plusieurs employeurs ou chefs d'entreprise. » (Article L.411-1 du Code de la sécurité sociale) Présomption d’accident du travail : l’accident est présumé d’origine professionnelle lorsque le travailleur est soumis à l’autorité et à la surveillance de l’employeur (Cass. ch. réunies, 28 juin 1962, Bull. civ. 2002, ch. réunies p.4 ; JCP G 1962, II, 12822, concl. R. Lindon) Cette présomption peut sembler contestable dans le cadre du télétravail à domicile : l’employeur ne dispose d’aucune autorité sur le domicile du travailleur en principe. Vers une présomption du caractère professionnel de l’accident survenu au télétravailleur? (Objet de revendications syndicales actuelles) Présomption relative au lieu de travail : un grand nombre d’accords retiennent la présomption légale, appliquée au domicile ou tout autre lieu identifié pour l’exécution du télétravail. Une nouvelle fois, on relève tout l’intérêt de l’accord collectif. Ecarter cette présomption consisterait en une discrimination, contestable. Autre solution : la charge de la preuve du caractère professionnel de l’accident incomberait au travailleur sous réserve de l’enquête menée par la sécurité sociale. Solution faiblement satisfaisante.
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4.2.4 LES ACCIDENTS DE TÉLÉTRAVAIL
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16. La loi reste silencieuse concernant ce point. Il nous faut, néanmoins, garder à l’esprit que l’égalité de traitement vise tous les salariés d’une même entreprise, peu importe que ces derniers travaillent dans les locaux de l’entreprise ou en dehors de celle-ci. Le principe d’Egalité s’applique donc de plein droit (L.1131-1 et s. CT) ! En outre, les dispositions de l’ANI, plus précises sur cette question, peuvent trouver application. L’égalité de traitement concerne : La rémunération du salarié Le télétravailleur perçoit un salaire et bénéficie des mêmes avantages légaux ou conventionnels que ceux attribués aux salariés placés dans une situation comparable et travaillant dans les locaux de l’entreprise. Les conditions d’emploi (article 4 de l’ANI) : « Les télétravailleurs bénéficient des mêmes droits et avantages légaux et conventionnels que ceux applicables aux salariés en situation comparable travaillant dans les locaux de l’entreprise. Cependant, pour tenir compte des particularités du télétravail, des accords spécifiques complémentaires collectifs et / ou individuels peuvent être conclus ». L’organisation du travail (article 9 de l’ANI), notamment, s’agissant de la charge de travail, des normes de production, des critères de résultats exigés, des méthodes d’évaluation (L.1222-10 4°CT). La formation (article 10 alinéa 1er de l’ANI) : « Les télétravailleurs ont le même accès à la formation et aux possibilités de déroulement de carrière que des salariés en situation comparable qui travaillent dans les locaux de l’employeur ». Les droits collectifs (article 11 de l’ANI) : Concernant notamment : « leurs relations avec les représentants du personnel et l’accès aux informations syndicales, y compris par les intranet syndicaux », des « conditions de participation et d’éligibilité aux élections pour les instances représentatives du personnel ».
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4.3 EGALITE DE TRAITEMENT DU TELETRAVAILLEUR AVEC LES SALARIES TRAVAILLANT DANS LES LOCAUX DE L’ENTREPRISE
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Le 25 septembre 2014
17. La codification du télétravail a effectivement entraîné un développement de son usage et la signature de plusieurs dizaines d’accords Les dispositions légales énoncent quelques principes sans ajouter de règles spécifiques qui viendraient alourdir le socle juridique existant. Le droit commun du travail et les dispositions de l’ANI permettent toujours de nourrir les négociations entre les partenaires sociaux. La plus grande place doit en effet être réservée à la négociation dans la branche, mais également au sein de l’entreprise. Le cadre contractuel individuel doit être le plus précis possible, en distinguant une phase d’expérimentation et une situation définitive à l’issue de celle-ci.
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CONCLUSION
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LE TELETRAVAIL Contexte juridique et état de la jurisprudence: Quels points de vigilance pour négocier ou renégocier un accord?
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Christine Baudoin
Avocat associé
Spécialiste en droit social
cbaudoin@lmtavocats.com
www.lmtavocats.com