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1 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
2 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
Français :
La production audiovisuelle a énormément évolué depuis quelques décennies. Après
le cinéma et la télévision, c’est aujourd’hui le web qui offre un terrain d’expression
aux créateurs de contenus audiovisuels. Un terrain encore fertile et vaste qui promet
de nouveaux horizons à un secteur en crise. Au point de se demander si l’avenir
n’est pas dans cet espace de liberté que commencent à coloniser certains
précurseurs. D’abord amateurs autodidactes puis professionnels avisés, ces
prophètes du web dessinent une création native web ambitieuse et qualitative.
Ce mémoire propose des interrogations sur l'état actuel du secteur et sur le futur de
la production audiovisuelle. Des questionnements d’actualités puisqu’ils rejoignent le
mouvement de convergence des supports, connectés et sociales.
English :
Audiovisual production has evolved enormously in recent decades. After theatre and
television, Today the web provides an expression field for creators of audiovisual
content. A fertile and vast land that promises new horizons for a sector in crisis. The
future is probably in this space of freedom that begin to colonize some precursors.
Initially self-taught amateur then aware professional, these prophets of the web start
to design a big and qualitative native creative web is.
This thesis proposes questions about the actual health and the future of audiovisual
production. Topical questions as they join the movement of media convergence,
social and connected.
3 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
Introduction ---------------------------------------------------------------- p.05
I - Interrogations sur les frontières entre les médias
A - Au cœur du sujet : Le conflit des contenus par leur support --------- p.07
 Le recyclage des créations et créateurs du web
 Méthodologie de recherche
 L'approche difficile des médias classiques par les créateurs du web
 Une mauvaise adaptation au support ?
B - Les sources de ces collaborations houleuses --------------------------- p.12
 Des caractéristiques créatives proches
 Les modes de consommation de contenus vidéo par l'internaute
 Le degré d'implication de l'internaute
 La qualité initiatrice du succès
 L'ajout progressif d'amateurs au secteur professionnel
II - Les caractéristiques de la création sur internet
A - La mise en place de « règles » de réussite --------------------- p.18
 Les indispensables de la vidéo web
 La vidéo native web : des créations amateurs en formation
 L'arrivée de plateformes professionnelles dans le laboratoire de
création du web
B - Une liberté esclave du marché --------------------------- p.26
 L'origine amateur des créateurs du web
 L'autonomie de la création sur internet
 L'intrusion de la publicité dans la création web
 La complexification du système de création
 Une liberté temporelle relative
 Des circuits de promotion empruntés par les médias classiques
4 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
III – Participation à la création sur internet
A - L’apport grandissant des internautes dans le financement --------- p.33
 Le principe du crowdfunding
 Un moyen de financer des projets indépendants
 Le détournement des plateformes de financement participatif
 L'intelligence émotionnelle de l'internaute
B - Vers un système de financement normalisé --------------------------- p.41
 Des professionnels au secours de l'univers créatif connecté
 Au delà du financement, des acteurs de la création
 Youtube, une participation accru à la création
 Des formats publicitaires innovants au centre du modèle
économique
IV – Participation à la diffusion et promotion
A – Le rôle de l'internaute dans la relation entre diffusion, ---------------- p.50
revenu et amateurisme
 Comportement de l'internaute face à l'utilisation de la publicité
comme mode de revenu
 L'internaute au cœur de la distinction amateur/professionnel dans le
cadre des revenus générés
 Utilisation des produits dérivés dans l'industrie du web
 Internet, liberté et gratuité
B – La transformation des canaux de diffusion ------------------------ p.56
 Des offres foisonnantes, légales et payantes
 Les plateformes existantes face à l'exception française
 Aperçu de l’offre vidéo de demain
Conclusion ---------------------------------------------------------------- p.66
Bibliographie ---------------------------------------------------------------- p.68
Webographie ---------------------------------------------------------------- p.69
Références sites internet -------------------------------------------------------- p.72
Annexes ---------------------------------------------------------------- p.75
5 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
Avec l’implantation progressive du haut débit et la révolution du Web 2.0, l'ancrage
d'une économie participative de l'audiovisuel sur internet est devenu une réalité à ne
pas négliger. L’augmentation des capacités de stockage offertes et la rapidité des
connexions a permis de mettre en ligne des fichiers vidéos lourds. Avec l'arrivée de
l'internet participatif, c'est désormais chaque internaute qui peut librement
communiquer au public ses vidéos. C’est à ce moment que des œuvres
audiovisuelles ont commencé à être diffusées à grande échelle sur Internet.
Depuis c'est la multiplication et la mutation des supports d'accès au contenu internet
qui a de nouveau redistribué les cartes. Tablettes, smartphones, télévisions
connectées et ordinateurs utilisent massivement la technologie streaming pour le
visionnage de vidéos en ligne. La lente adaptation des intervenants de la sphère
audiovisuelle à ces bouleversements dans la création, production et diffusion de
contenus audiovisuels a poussé le secteur à revoir sa copie. Et les créateurs de
contenus à étudier ces nouvelles possibilités, qu'ils soient professionnels ou
amateurs.
Ainsi, alors que les prix des tickets de cinéma ne font qu'augmenter pour palier
l'embarras du secteur du cinéma, ce sont les solutions de "Home entertainment" qui
montrent la voie réduisant les écarts entre les différents médias. Elles répondent aux
nouvelles attentes des consommateurs de contenus sur internet : Une offre
foisonnante, rapidement accessible et sur plusieurs interfaces, de qualité et à
moindre coût.
Avec ces turbulences récentes dans l'économie de l'audiovisuel, le déversement des
professionnels dans le secteur web est omniprésent. Au point qu'il est actuel de se
questionner sur la fin de l'indépendance dans le divertissement vidéo sur le web,
suite à l'intervention de plus en plus pressante de ces professionnels de la vidéo
dans des contenus autrefois réservés aux amateurs. Sans parler de fin d’une
époque, il ne semble pas prématuré d’évoquer l'amenuisement d’une frontière
virtuelle entre professionnels et apprentis, aux initiatives indépendantes. Qui sera
l'objet d'une réflexion générale sur la distinction entre ces deux termes.
Avec l'établissement d'une nouvelle organisation de la création audiovisuelle
s'impose la question des moyens de financement offerts à ceux qui créent pour le
web. Mais la production c’est également un aspect de création et développement qui
ne saura être négligé.
6 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
Deux types de contenus, symptomatiques, seront étudiés : les fictions (web-séries,
court métrages, films) et les émissions (divertissements, informations, astuces). Ce
mémoire est un essai de photographie de l'état actuel du secteur et de ce qu’il pourra
être demain. En France, en particulier. Certaines spécificités de notre pays (légales
notamment) font que le marché de l'audiovisuel sur le web est encore en pleine lutte.
Alors que nos homologues américains proposent déjà une offre riche.
Le web est-il condamné à un format et un ton précis ? Quels sont les mécanismes de
financement et de diffusion qui régissent ces créations ? Quel est l’état des frontières
entre les médias et que peut-on envisager pour l’avenir ? Comment la création web
s’intègre dans un marché audiovisuel multi-support ?
7 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
Jusqu'il y a peu, internet n'était qu'un sous-média dans le domaine de la production
audiovisuelle. Le petit frère pauvre du cinéma et de la télévision. Ainsi aux premières
prémisses, à l'aube des changements, les réfractaires peuvent penser que les
productions audiovisuelles du web ne proposent que des compléments aux contenus
délivrés par d'autres médias. Et que les créations du web ne sont faites qu'avec
l'espoir d'attirer d'autres médias. En clair, les contenus audiovisuels sur internet ne
seraient que des annexes ou des introductions aux médias traditionnels. Il est
également souvent affirmé que la vidéo web n’est qu’une sous forme de création.
Mal imaginées, réalisées, elles souffriraient du manque de compétences et de
moyens de ses créateurs. Mais face aux changements fondamentaux dans le
paysage de l’industrie des médias et la mise en place d'une véritable industrie de la
création sur internet, fondée sur le partage, peut-on aujourd'hui soutenir ces propos
sans rougir ?
Le recyclage des créations et créateurs du web
Aujourd'hui, les vidéos destinées à internet, qui rencontrent une large adhésion du
public, sont souvent récupérées par d'autres médias. Pour exemple, les émissions
reprenant les vidéos qui font le "buzz" sur internet pullulent sur les chaînes de
télévision. De même, comme nous verrons plus tard, les chaînes de télévision
n'hésitent pas à approcher ces internautes créateurs avec l'objectif de mettre en
place des collaborations. Ces constatations pourraient effectivement faire penser
qu'internet n'est qu'une échelle permettant l’ascension vers d’autres médias, mais ce
serait faire une analyse bien superficielle que d'en rester là. La relation des médias
classiques avec la communauté créative du web est beaucoup plus complexe.
Qu'il s'agisse du programme dans son ensemble ou bien de la réaffectation des
personnes à l'origine du succès (comédiens, créateurs...) sur d'autres projets,
l'intrusion des acteurs du web vers d'autres médias est donc souvent expérimentée.
Et il s'agit bien là de tentatives car il est courant que la greffe ne prenne pas.
8 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
En effet, ce n'est pas parce qu'une célébrité du web, avec sa base de fans,
s'approche d'un autre média que la réussite du projet est garantie. Le public habituel
ne regardera pas forcément la personne qu'elle suit sur internet dans un contenu
différent et sur un autre média.
Méthodologie de recherche
C'est la raison pour laquelle j'ai décidé, dans le cadre de ce mémoire, de sonder les
ressentis et apprécier les usages de ces personnes à l'origine de ces changements :
le public internaute. Ces derniers, friands de créations audiovisuelles et visiteurs
réguliers des plateformes de partage de vidéos, ne sont pas nécessairement des
professionnels du web. Cependant ils s'y intéressent, en sont les décideurs et parfois
les créateurs. C'est leur ressenti, vierge de toute analyse, qui sera le fondement des
conclusions faites. Ce sont eux qui font la réussite ou non d'un projet audiovisuel sur
internet.
Dans cette optique, j'ai choisi de créer un questionnaire en ligne à destination
principalement d'une population jeune et connectée. J'ai utilisé Google Doc. Pour
obtenir un maximum de réponses, j'ai opté pour un questionnaire assez court, sur les
thèmes forts de ce mémoire : la concurrence du web face aux autres médias, les
catégories de contenus propre à remporter du succès sur internet, la participation
des internautes à la création sur internet, le financement participatif et la
rémunération des contenus audiovisuels sur internet de manière plus générale. J'ai
choisi de poser des questions qui s’intéressent à des aspects précis et moins
exploités de ce mémoire. J'ai fait ce choix afin de faire de ce questionnaire une
matière secondaire pour enrichir ces points complémentaires, mais cependant
importants, du sujet principal. La connaissance des sites de financement participatif
par la génération dites Y, leurs habitudes de consommation et création ainsi que leur
opinion sur le financement par la publicité.
De même, les études de cas concrets ponctueront les différentes parties. En effet,
beaucoup d'entre eux me semblent symptomatiques des changements importants
dans l'usage d'internet et des médias en général. Ainsi, ils serviront à étayer ou
réfuter les hypothèses prononcées.
9 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
L'approche difficile des médias classiques par les créateurs du web
Pour en venir à l'intrusion parfois ratée de ces créateurs du web dans d'autres
médias, plusieurs cas se détachent. Pour commencer, le premier rôle de Norman
Thavaud, le célèbre Youtubeur, au cinéma dans le film "Pas très normales activités".
Adepte des podcasts, les vidéos postées sur sa chaine atteignent en moyenne 5
millions de vus. Pourtant il n'a pas permis au film de dépasser les 200 000 entrées
au cinéma. Des chiffres bien faibles comparés au nombre de fans et followers que le
jeune homme a su engranger sur Youtube et sur les différents réseaux sociaux. Mais
puisqu'il existe déjà un public comment peut-on expliquer cette difficulté à mobiliser ?
En premier lieu, on peut s’interroger sur le contenu du film en lui-même. C’est ici que
s’impose la difficulté de passer d’un média à l’autre. Le réalisateur, Maurice
Barthélémy, a fait le choix de puiser dans les codes de la production web, du moins
en apparence. D’abord, les vidéos sont censées être filmées avec des dispositifs
qu’on pourrait qualifier d’amateur (téléphones, Gopro). Dans l’aspect car ce n’est pas
le cas en vérité. Le spectateur assiste à des sketches en rafale, sur un ton décalé. Et
Norman reprend ici son rôle habituel largement exploité dans ses vidéos youtube : le
jeune moyen et maladroit féru de nouveautés, un peu à côté de ses pompes. En
bref, le film reprend quelques « normes » du web, qui seront étudiées dans la suite
de ce mémoire.
Mais ce n’est pas parce que l’on utilise les règles du web, un visage familier des
internautes et l’humour que l’on peut se
permettre de proposer un film reposant
sur un scénario douteux. De plus,
l'acteur principal du film a été pointé du
doigt car il n'aurait pas su persuader
l’audience de l’intérêt du projet sur les
plateaux télévision. Lors de la phase de
promotion, il aurait visiblement été peu
à l’aise dans l’exercice et ses passages
auraient été « mal calibrés » 1
(en illustration Norman et Stéfi Celma venues
défendre "Pas très normales activités" sur le plateau de "On n'est pas couché" sur
France 2 le 26 janvier 2013).
1
Mathieu Géniole – Le nouvel observateur - « Norman, Cyprien, 10 minutes à perdre : le naufrage des
"Youtubeurs" hors du web » - 01 février 2013
10 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
La raison principale des déboires du film semble être le langage adopté. Le ton
internet n’est pas forcément adapté à la télévision ou au cinéma. Pour le spectateur,
ce n’est pas la même démarche ni la même implication. Par conséquent, ce n’est pas
la même attente. Pour l’audiovisuel, comme pour les autres modes de
communication emportés par les évolutions d’internet (le journalisme en tête), le
contenu doit répondre aux attentes en coïncidant avec le format. Ce sont deux
médias où l’audiovisuel tient une place centrale mais avec des codes de
communication différents qui ne sont pas facilement interchangeables. Un film aux
ressorts web au cinéma et un acteur du web à la télévision ne seraient donc pas des
combinaisons gagnantes.
Une mauvaise adaptation au support ?
Ainsi l’échec du film pourrait en grande partie tenir à la difficulté d’adaptation des
contenus aux supports. Cependant, on ne peut pas tirer de conclusions de ce seul
exemple étant donné la qualité discutable du film examiné. L’échec pourrait en effet
être en très grande partie le résultat d’une réalisation et d’une écriture hasardeuse.
Proposer une production passable sous prétexte qu’il y a un public potentiel
nombreux, du fait de la présence de Norman et d’un membre des robins des bois à la
réalisation, n’était visiblement pas la stratégie à adopter.
La shortcom "La question de la fin",
qui a été diffusée dans le Grand
Journal de Canal +, a subit les
mêmes revers. C’est un projet issu de
l'imagination du collectif humoristique
10 minutes à perdre, sévissant sur
Youtube depuis plusieurs années.
C’est d’ailleurs l’un des premiers
collectif français lancé sur le site.
Après deux mois d'antenne à la
rentrée 2012, la série est déprogrammé "pour permettre de développer" le concept
selon les producteurs de l'émission. Le groupe a récemment été dissous,
abandonnant un possible développement.
Là aussi c’est le support qui semble être en cause et le manque d’adaptation de
l’écriture au format télévisuel pointé du doigt. De même que l’abandon du volet web
de leur carrière, ainsi que toute la stratégie de communication qui l’entourait, suite à
leur arrivée à la télévision. C’est en effet une décision discutable étant donné que les
11 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
admirateurs du collectif sont fondamentalement des internautes. De plus, il est vrai
que c’est un programme qui aurait mérité d’être développé mais pour la télévision.
L’absurde des épisodes, diffusés sur la Canal +, n’avait d’égal que ses équivalents
web. Avec un humour particulier, vraisemblablement destiné à un public jeune et
masculin, mais qui cependant rassemble sur le web. La différence c’est que, sur
internet, le contenu est laissé à la disposition de l’internaute qui est libre de regarder,
partager ou d’aller voir ailleurs. Les créateurs peuvent se permettre d’oser une
écriture particulière, de tester de nouvelles choses car ils ne sont pas étroitement liés
à des impératifs de résultats. Une liberté qui fait la richesse de la création internet. Et
qui en fait un adversaire de taille face aux autres médias, par son potentiel
d'innovation.
Au contraire, le Grand Journal est une émission grand public, avec des impératifs
d’audimat en lien direct avec la pérennité du programme. Et, s’ils sont habitués au
ton sarcastique, il faut néanmoins que les programmes proposés conviennent au
plus grand nombre. D’autant qu’avec des prédécesseurs comme "Bref" ou le "SAV
d'Omar et Fred", la barre semblait bien haute.
Ainsi, selon les médias, des enjeux différents existent et ils influent sur le contenu. Et
même si certains sont très proches (audimat, nombre de vues), ils n'ont cependant
pas le même degré d'importance car ils n'impliquent pas les même conséquences.
Cette constatation laisserait à penser que la création web est nettement moins
influencée par des impératifs extérieurs, ce serait de la création "pure". Et internet
serait le berceau de la diversité de contenus audiovisuels. Cependant, à mesure que
les professionnels s'emparent du terrain d'expression web se sont les mêmes
exigences qui s'installent. Financières surtout. Et c'est, peut être, le début d'une
uniformité de contenu. Ou du moins d'un polissage de celui-ci.
Faut-il pour changer sa ligne artistique pour répondre aux sirènes d'autres médias ?
Ne serait-ce pas perdre son identité et renier la particularité qui a fait le succès sur
internet ? Avec la mise en place progressive d’un écran unique, la distinction des
formats ne va t-il pas disparaître ? Est-ce que ce rapprochement va servir la création
sur internet ou provoquer la perte de sa richesse créative ? A l’image de séries
télévisées qui, à mesure que l’univers de la production réalise le potentiel créatif de
ces formats, approchent d’une qualité cinéma. Ces échecs ne seraient-ils pas les
prémisses de futures grandes réussites ? Ce sont des interrogations qui seront
abordées plus loin dans ce mémoire. En attendant, il serait judicieux de voir plus en
avant les sources de ces difficultés au crépuscule de la convergence des supports.
12 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
Les origines des difficultés ont été évoquées plus tôt, dans l’étude de cas concrets.
Mais il est important d’aller plus loin qu’une simple évocation pour pouvoir
comprendre les rouages de cette économie nouvelle. Comme on a pu le voir plut tôt,
la qualité des projets et l’adaptation au support est le premier point. Ce n'est pas
parce qu'il existe une base d’amateurs importante qu'ils sont prêts à tout voir
aveuglement.
Des caractéristiques créatives proches
Ainsi, on pourrait prendre comme exemple de
réussite la courte série "Groom service", avec
Jérôme Niel et diffusé au Grand Journal de Canal +.
Avant d’être diffusée sur cette chaîne, une première
"saison" de la série a été diffusé lors du Montreux
Comedie Festival. L'histoire prend place autour de 4
épisodes contant les péripéties d'un Groom dans un
grand hôtel durant cet événement. Plusieurs
célébrités font leur apparition dans cette série. Elle a
été imaginée pour une diffusion web sur Youtube et
Dailymotion. La série a d’ailleurs été sélectionnée
au Web Programme Festival de La Rochelle, festival
international de télévision sur internet. Son volet
télévisuel est donc une suite, une adaptation de
cette web-série pour la télévision et pour un autre
événement : le festival de Cannes. Elle répond à la
volonté de Canal + de créer des pastilles humoristiques autour de cet événement
alors que le plateau du Grand Journal a été délocalisé sur place et que les invités
prestigieux s'y bousculent.
La série est réalisée par Ludoc qui n’est autre que le réalisateur en chef du Studio
Bagel, chaîne web française de comédies créée à l’initiative de Youtube. On retrouve
également Monsieur Poulpe à l’écriture. Il a fait ses armes dans des émissions web
comme le célèbre Golden Show lancé sur Ankama et aujourd’hui repris par Golden
Moustache. Jérôme est lui un Youtubeur célèbre. Il a également participé aux vidéos
du Studio Bagel et fait des chroniques pour MTV où il décortique les clips vidéo.
C’est donc une équipe très web qui pilote le volet artistique de ce projet. Une équipe
13 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
qui s’imprègne ici d’un style différent de ce qu’ils ont l’habitude de faire. Même si on
retrouve le ton absurde qui les caractérise et une réalisation très reconnaissable.
Il est peu pertinent de comparer cette série à son homologue "La question de la fin"
précédemment évoqué. Car même si les programmes ont été diffusés dans la même
case horaire et pour la même émission, "Groom service" a été programmé sur une
période bien plus courte et dans le cadre d'un événement important pour le cinéma.
Cependant, cette production a su séduire le public contrairement à la première et
cette approche événementielle exceptionnelle ne saurait intégralement expliquer
cette différence de traitement. Ce nouveau programme court a pourtant lui aussi une
naissance web et les entités créatrices sont elles mêmes des enfants du web. Pour
la plupart autodidactes passionnés.
La différence tient probablement dans le fait que c’est ici un programme qui s’adapte
aussi bien au petit écran qu’à une diffusion en ligne. Il reprend les caractéristiques de
la série courte précédemment diffusées dans cette case horaire « Bref » qui avait
été plébiscitée par le public. Un format court et dynamique, un personnage central et
un ton décalé et absurde. Cet exemple va à l’encontre de l’hypothèse selon laquelle
une production doit avoir été imaginée pour son support pour pouvoir pleinement s’y
mouvoir. "Groom service" est une web-série cependant elle s'adapte très bien à la
télévision. Il existe des modalités d’écriture et de format (durée par exemple)
différentes d’un média à l’autre mais elles ne sont pas nécessairement incompatibles
et se recoupent parfois. Les programmes web tendent à rejoindre les programmes
télévisuels en termes de qualité, d’ambition et de moyens. La web-série n'est plus la
petite sœur désordonnée de la série télévisée. Elles se rejoignent dans leurs
caractéristiques alors que les attentes des internautes et des téléspectateurs
évoluent pour se croiser.
Les modes de consommation de contenus vidéo par l'internaute
Le second point est le changement du mode de consommation des spectateurs. Il
tient donc aux caractéristiques évolutives des internautes évoquées plus haut. Ceux
qui ont l'habitude de consommer du contenu audiovisuel sur internet n'iront plus
forcément faire l'effort d'allumer leur télévision ou de se déplacer au cinéma pour
pouvoir voir ce qu'ils pourront consommer devant leurs ordinateurs. Ils ont acquis de
nouvelles habitudes de consommation à mesure que les contenus convergeaient
vers un accès en ligne. Replay, live, téléchargement et streaming (légal ou non)
ponctuent désormais leurs habitudes quotidiennes concernant le visionnage de
contenus. Et c'est faire preuve d'une obstination enfantine que de fermer les yeux
14 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
face à ces changements irrémédiables. De même que de penser qu'un retour en
arrière est possible. Là où il y a quelques années les chaînes "émettaient sur Internet
un échantillon quotidien de leurs programmes" 2
, c'est aujourd'hui presque toute leur
grille que l'on retrouve en ligne.
Ces contenus sont donc accessibles en quelques secondes, ce qui demande une
implication et une réflexion moindre quand au choix de ces derniers. Il est plus
simple de voguer vers d'autres contenus lorsqu'il y a une offre foisonnante, diverse et
variée à portée de clic. Une facilité d'accès qui implique des conséquences sur les
caractéristiques des vidéos que nous verrons dans une autre partie. Elle oblige aussi
à la performance technologique des moyens de visionnement pour pouvoir garder un
internaute devenu impatient et spécialiste de la recherche de contenus vidéos. Cela
semble également obliger à une qualité grandissante des contenus pour se détacher
face à la multitude. Ainsi, les éléments dégagés peuvent être rangés dans un
principe unique : l'immédiateté. Immédiateté dans l'accès et immédiateté dans la
qualité et l'aptitude à convaincre.
Le degré d'implication de l'internaute
Le troisième point rejoint le précédent, il s'agit de l'implication financière et
personnelle que requiert cette nouvelle proposition. Faire une vidéo sur Youtube peut
rapporter de l'argent mais c'est une création qui sera vue gratuitement. "Et les
internautes ne sont pas des bienfaiteurs : il ne faut pas compter sur eux pour
dépenser 10 euros au cinéma alors que votre film sera disponible en torrent (ou en
streaming) dans les jours qui viennent." 3
Avec l'augmentation des prix des places,
aller au cinéma est devenu un acte réfléchi. Grâce à des plateformes comme
Allociné, le spectateur peut rapidement savoir si le film mérite le temps et l'argent qui
sera dépensé grâce aux avis postés par les internautes. C’est l'ère de la
recommandation sociale. De nouveaux comportements dû au web participatif qu’on
ne peut pas faire semblant d’ignorer. Ce sont des éléments concrets de la manière
de consommer des contenus aujourd’hui et le futur va vers d’avantage de ces
composantes plutôt qu’à leur diminution.
2
Yves Thiran – « La télévision et Internet, entre concurrence et complémentarité » - 1996
3
Mathieu Géniole – Le nouvel observateur - « Norman, Cyprien, 10 minutes à perdre : le naufrage des
"Youtubeurs" hors du web » - 01 février 2013
15 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
Cependant il ne faudrait pas en déduire que l’internaute est allergique à toute forme
d’implication. Bien au contraire, l’internaute est un être fidèle à son contenu
audiovisuel favori dès lors qu’une proximité, un lien affectif s’est installé dans la
relation. Communauté d’intérêts, identification et échange en sont les maîtres mots.
Une fidélité qui peut sembler volatile au vu des exemples précédents.
En pleine mutation, on pourra bientôt en évaluer à nouveau la force dès lors qu'il y a
une transposition vers un autre média. En effet, Norman Thavaud travaille
actuellement sur un scénario destiné au cinéma, en collaboration avec un autre
youtubeur célèbre Cyprien Iov. Il s’agit, à priori, d’une histoire détachée de tout
contenu web déjà existant. Et il faudra voir si ces habitués du poadcast sauront faire
évoluer leur écriture pour un film de cinéma. Et sauront offrir un moment de qualité à
leurs spectateurs.
La qualité initiatrice de succès
Car au final, c'est peut être essentiellement le facteur de qualité qui fait la différence
entre réussite et échec. Sans considération du média d’origine, de l’entité créatrice
et de sa popularité : on attend des productions une qualité équivalente à leur média
de diffusion. Surtout que, à la faveur du regroupement vers l’écran unique, on
converge vers un niveau de qualité lui aussi unique. Les séries télévisées atteignent
la qualité des films de cinéma et les web-séries rivalisent avec les séries télévisées.
Mais il existe encore des différences dans la manière d’aborder la création, qui, sans
forcément jouer sur la qualité, font varier la forme.
Concernant les aspects de téléchargement et visionnement en ligne qui touchent à la
sphère légale de la création et la diffusion d'œuvres audiovisuels sur internet, j'ai
volontairement souhaité ne pas trop approfondir ces volets législatifs. En effet, le
sujet n'est pas l'encadrement des processus mais bien l'évolution de ces derniers.
Même si la législation joue et jouera un rôle important dans les mutations
prochaines, l'analyse de l'économie souterraine existante détachée des contraintes
légales me semble déjà révélatrice des habitudes des internautes et de ce qu’est
amenée à devenir la consommation légale de contenus audiovisuel dans le futur. De
plus, l'aspect légal pourrait faire l'objet d'un mémoire à lui seul tant le sujet est vaste
et ancré dans l'actualité. Ainsi, j'aborderai ces points seulement s’ils ont un rôle
primordial dans le jeu des hypothèses et je ne chercherai pas à être exhaustive sur
ce thème.
16 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
L'ajout progressif d'amateurs au secteur professionnel
Le quatrième point à prendre en compte dans le jeu des médias est le progressif
passage d’amateurs au rang de professionnels. Leur intégration dans un contexte
professionnel, avec des attentes précises et des enjeux financiers, prend du temps.
Nous en sommes encore à la phase d’expérimentation dans notre pays. Aux Etats
Unis, où le culte de la réussite et le storytelling sont rois, la production audiovisuelle
web est devenue un média de création à part entière. Professionnels et amateurs s’y
côtoient. Par exemple, nombre de chanteurs déjà signés sont lancés sur Youtube
avec des vidéos « covers », reprises de chansons accompagnées d’une guitare. Ce
processus est une technique de promotion empruntée aux musiciens amateurs
assoiffés de reconnaissance. Les histoires de jeunes artistes américains repérés par
des maisons de disques sur cette fameuse plate-forme vidéo sont monnaie courante.
"Les success stories de musiciens qui sortent de l'anonymat se multiplient"4
. Et sont
cultivées par la communauté qui pratique le culte de l’amateurisme.
Cependant le courant est parfois inversé puisque des artistes signés empruntent
cette technique, à l’initiative des maisons de disque, en postant des vidéos à l’aspect
amateur et spontané. Et les initiateurs de la vidéo, les décideurs du labels, sont
souvent volontairement oubliés. Pour laisser croire à une initiative amateur. Les
internautes s’approprient ainsi le personnage avant de le découvrir sur d’autres
médias dans un contexte plus professionnel. Ils ont l’impression d’avoir participé à sa
découverte, d’avoir été des acteurs de la réussite. Un sentiment important dans un
environnement internet participatif et social. Ces techniques provoquent parfois un
rejet du public car elles font entrer un professionnel diabolisé dans le processus. Il y
a suspicion de recherche de profit et d’entrave à la créativité. Ce qui va à l’encontre
des principes de base d’internet. Comme la gratuité et la liberté.
Ces méthodes ne sont pas seulement utilisées dans le domaine de la musique mais
aussi dans la création audiovisuelle (web-séries, courts métrages …). C’est une
manière de promouvoir un artiste, ou une marque, à moindre coût ainsi que de le
faire adopter par une communauté d’adeptes en recherche constante de
nouveautés, de talents inconnus et de qualité. Mais c’est aussi la disparition de la
frontière professionnel/amateur. Des amateurs sont élevés au rang de professionnels
et des professionnels se font passer pour des amateurs.
4
GERVAIS Jean-François, « Web 2.0 - Les internautes au pouvoir - Blogs, Réseaux sociaux, Partage de vidéos,
mashups… », Edition Dunod, 216 pages, 2006
17 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
En France, les débuts sont encore timides. Les précurseurs attisent la curiosité par
leur marginalité mais ils ne sont pas encore pris très aux sérieux par les décideurs
des médias classiques. Probablement de part l’origine amateur (ou apprenti) de ces
personnalités émergentes du web. C'est une distinction qui sera plus longuement
étudiée dans la suite de ce mémoire.
Ainsi les transpositions réussies de produits et acteurs d’internet vers d'autres
médias existent mais sont encore délicates au cœur d’un processus de
« convergence avec l'Internet »5
en pleine phase d’expérimentation. Aussi ceux qui
débutent sur internet reviennent souvent vers leur premier amour, emprunt de
liberté : l'espace web. Ils répondent ainsi aux sollicitations de leur premier public : les
internautes. Leur démontrant un attachement commun. Car, en effet, c’est un public
qu’il faut soigner. Sans eux ces artistes ne sont pas grand-chose. Et c’est ce que
dépeignent les exemples évoqués.
Ce qui est certain c'est que ces célébrités du web attirent vers eux d'autres médias
avides d’investir ce nouveau format et d’apprendre ces nouvelles règles dans un
intérêt économique commun. On assiste donc à la mise en place d'une véritable
économie de la production audiovisuelle en ligne qui effrite petit à petit le mur
séparant les médias. Des chaînes, comme M6, l'ont compris. Cette dernière a créé, il
y a quelques mois, le site Golden Moustache qui est voué à la création audiovisuelle
destinée à internet. Mais puisqu’il semble y avoir des règles d’écriture, de format et
de diffusion différentes d’un média à l’autre, qu’elles sont celles de la création web ?
Les exemples de réussite répondent-ils à un modèle précis ?
5
Léo Scheer – "Canal+ n'a plus 20 ans d'avance, mais 10 ans de retard !" - Le point – 23 Juillet 2013
18 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
Alors que les professionnels s’investissent d’avantage chaque jour dans l’avenir du
web en tant que vecteur de création, on assiste à la mise en place de règles de
réussite. Elles ne sont pas créées par ces nouveaux acteurs car elles étaient
auparavant tacitement suivies par les premiers artisans du contenu audiovisuel sur
internet. Mais avec l’établissement d’une économie de la création sur le web, elle est
aujourd’hui formulée et appliquée. C’est la théorisation du succès de la vidéo sur
internet, jusqu’à en faire une véritable discipline. En témoigne les livres, parus ces
dernières années, expliquant comment réussir son entreprise de vidéos sur internet.
"Le Web 2.0 est friand de concepts, plus pour rassurer les investisseurs que pour le
bien des internautes, soulignerons les mauvaises langues."6
Les indispensables de la vidéo web
Ainsi, il semblerait que les thèmes et formats développés sur le web doivent suivre
des standards pour espérer attirer un public devenu exigeant face à la quantité mais
désormais habitué à une certaine catégorie de contenus. Et ce sont les web-séries,
créatrices de véritables univers fictionnels, qui sont les plus plébiscitées. Ou des
successions de courts métrages avec des personnages et thèmes récurrents. Ils sont
généralement réalisés par une équipe identifiée faisant de ces travailleurs de l’ombre
de véritables célébrités. C’est un tout, un collectif qui permet d'envisager un public
plus nombreux car il réunit des personnalités distinctes.
Ce choix répond à un souci d’identification, d’appropriation en même temps qu’il met
en avant le talent multidisciplinaire des personnes qui composent le groupe. C’est la
valorisation du petit génie, artiste et disciple des nouvelles technologies.
6
GERVAIS Jean-François, « Web 2.0 - Les internautes au pouvoir - Blogs, Réseaux sociaux, Partage de vidéos,
mashups… », Edition Dunod, 216 pages, 2006
19 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
Autrefois moqué, il symbolise aujourd’hui une catégorie de jeunes. Ultra connectés,
acteurs du web et avides de nouveaux savoirs, ils sont le moteur du changement.
Dans leurs créations, on met en avant ces personnages centraux qui sont mis en
scène dans diverses situations. Et on n’oublie pas de filmer le processus de création
pour faire partager à l’internaute l’envers du décor. Jusqu’à faire des live de plusieurs
heures sur Youtube pour faire partager, en direct aux internautes, des moments de
complicité et de création. C’est encore une fois un moyen de créer une relation
privilégiée avec lui, de proposer un lien, une conversation sans intermédiaire. Même
si l’approche reste virtuelle.
C’est le cas du site Golden Moustache créé par la filière M6 Web. Pour fêter les
300 000 abonnés sur leur chaîne, la plate-forme a proposé un live de 10 heures, en
streaming sur Youtube. Golden Moustache propose des créations audiovisuelles
humoristiques avec un noyau de créateurs, bien connu des amateurs.
On citera notamment le collectif
"Suricate" formé par Raphaël
Descraques, Julien Josselin, Vincent
Tirel et Florent Bernard (Flober). Tous
issus du web, ils ont cependant chacun
fait leurs preuves dans des réalisations
financées par des chaines et sociétés
(Ankama, France Télévisions, M6).
Mais ces derniers restent de grands
débrouillards. Ils ont démarrés sur
internet avec des créations
personnelles, peu de moyens. Les
créations Golden Moustache utilisent
les codes récurrents de la vidéo web. A
juste titre puisque c’est un contenu
destiné à internet. Même si certaines
vidéos sont ensuite diffusées sur W9.
En effet les vidéos constituent des
courts métrages humoristiques à part
entière, même si ils sont calibrés pour
internet. Leurs vidéos sont courtes, de
nouvelles créations sont ajoutées
régulièrement, des personnages
identifiés sont présents à chaque vidéo.
Page d'accueil du site Golden Moustache
Page Suricate du site
20 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
On retrouve aussi un ton décalée et absurde. Puis, dans l’écriture, des thèmes
chers aux créations du web: cinéma, nouvelles technologies, culture geek et science
fiction. Une sorte de CollegeHumor à la Française.
C’est une véritable organisation autour de la création internet qui a été créée par M6
Web. Adrien Labastire, Directeur Général Adjoint chez Golden Moustache rencontré
en février dernier, a exprimé la volonté d’utiliser leur nombre de vues croissants, leur
visibilité et leur sympathie comme des arguments commerciaux. Proposant ainsi à
des marques leurs compétences audiovisuelles adaptées à internet et appréciées
des internautes à leurs fins. C’est l’espoir pour ces marques d’attendre un public
difficilement prévisible. Et, donc, un nombre de vues important pour un contenu qui
promeut, de manière plus ou moins direct, un produit. Ce vœu de la direction a été
exaucé puisqu’ils ont réalisé un véritable court métrage pour Orangina, « Mission
404 », en collaboration avec le Studio Bagel.
La recette, pour pouvoir s’adapter à internet et aux exigences internautes, semble
être celle-ci : un format court et feuilletonnant, une régularité d'ajout, une écriture fine
et décalée. Il est également primordial de créer des contenus percutants dès la
première minute car il faut savoir capter l’attention tout de suite sous peine d’être
zappé. Les premières images sont déterminantes.
Le public visé est en majorité jeune et présent sur les réseaux sociaux, dont il se sert
pour partager les contenus qu'il a apprécié. Twitter et Facebook sont ces outils de
communication favoris car ils permettent de partager les vidéos appréciés avec ces
amis proches tout en cultivant une certaine proximité avec les créateurs de contenus,
également présents sur ces sites communautaires. C'est d'ailleurs grâce à ces
plateformes que ces chaînes se font connaître, c'est ce que nous verrons dans la
partie suivante.
Concernant le genre dans lequel classer ces contenus, on remarque que les œuvres
de création plébiscitées sont souvent des comédies. Comme c'est le cas pour
Golden Moustache, Studio Bagel et autres Youtubeurs évoqués précédemment. De
même, le questionnaire réalisé pour ce mémoire montre que, pour plus de la majorité
des personnes interrogées, ce sont les clips musicaux puis les fictions humoristiques
qui sont leurs contenus favoris sur internet. Cette information recoupe celle donnée
21 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
par Youtube selon laquelle la catégorie la plus appréciée est « Humour ». « Car la
plupart des utilisateurs utilisent les plateformes de vidéos pour se divertir»7
.
La vidéo native web : des créations amateurs en formation
Selon certains, les plateformes de partage de vidéos proposent cependant du
divertissement de mauvaise qualité. Il est vrai qu'Internet ne propose pas que du
contenu de création "pure", comme nommé plus haut. Mais, les exemples
précédents tendent à prouver que les contenus qualitatifs sont une réalité et qu'il
existe même des festivals pour les récompenser. Il faut effectivement savoir faire le
tri dans cet océan de contenus. Mais, grâce aux réseaux sociaux, les initiatives de
qualité finissent par immerger. Le contenu audiovisuel web est également vecteur
d’apprentissage. Des connaissances nouvellement acquises qui vont elles même
nourrir la création web en terme de qualité.
En effet, le principe du « Do it yourself » est favorisé par cette offre foisonnante de
formations en ligne, dont une grande part est disponible en vidéo. Sur Youtube, les
vidéos astuces, tutoriels et démonstrations pullulent et remportent un certain succès.
Notamment dans le domaine de l'audiovisuel. Les formations, en libre accès,
permettent de maitriser les différents outils disponibles et proposent de créer du
contenu vidéos à moindre coût.
C'est le cas du site VideoCopilot, référence dans l'industrie des effets spéciaux mais
pourtant accessible à tous. Le site propose des tutoriels et des outils d'une qualité
impressionnante pour des logiciels permettant l'édition de contenus vidéos (After
effects ...). Ces ressources sont utilisés par les professionnels du film partout dans le
monde. Le fondateur du site n'est autre qu'Andrew Kramer. Web designer de
formation, il travaille aussi pour le cinéma et la télévision. Il a par exemple réalisé le
générique de la série "Fringe" ou travaillé sur le film "Star Trek: Into Darkness".
Dans une moindre mesure, l'émission Film Riot se penche également sur ce
domaine. Mais en ce concentrant d'avantage sur les éléments à prendre au compte
au moment du tournage. L'émission est proposée par le réalisateur Ryan Connolly,
pour la chaîne web Révision 3.
7
Maek R.Robertson – “Types and Categories of Videos On YouTube” – ReelSEO.com
22 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
L'arrivée de plateformes professionnelles dans le laboratoire de création du
web
La WebTv Révision 3 est spécialisée dans le domaine
des innovations technologiques et digitales. Crée il y a
plus de huit ans, cette entreprise de vidéos sur le web
est considérée comme une pionnière. Le nom lui-
même révèle une volonté d’innover. Les fondateurs
Jay Adelson et David Prager considéraient que la
convergence des supports vers internet constituait
une modification de la manière de visionner des
vidéos (revision en anglais). Le troisième
bouleversement, dans l’ordre chronologique
d’apparition, après les chaines câblées notamment.
D’où le choix de Revision3.
Basée à San Francisco, la compagnie atteignait les
100 millions de vues par mois en avril 2012 et a été
reprise par Discovery Communications en mai 2012.
Certaines émissions sont produites et détenues par
Revision3 mais la plupart le sont de façon
indépendante. Revision3 ne gère que la distribution
(iTunes, Discovery.com, BitTorrent, YouTube,
Android, Xbox …), la commercialisation et ne produit
pas le contenu.
Un contenu qui s’adresse une catégorie de spectateurs avisés, une niche de
passionnés. Cette niche se rapproche pour une part de celle des exemples cités plus
haut : jeune, connectée et insatiable des nouvelles technologies. Cependant elle
diffère sur la spécialité de ces derniers. La chaîne s’adresse à un public de véritables
initiés. Ils doivent souvent posséder des connaissances particulières de bases pour
pouvoir comprendre le langage technique utilisé. Même dans ce qu’elle fait de
comédies.
Si l’humour Golden Moustache est fédérateur et qu’il peut potentiellement s'adresser
à n'importe qui, ce n’est pas le cas de Révision 3. C’est un choix éditorial qui le prive
d’un certain public mais qui en fait une véritable référence dans son domaine
d’exercice. A titre de comparaison, à l’heure actuelle Revison 3 cumule 19 800 fans
23 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
sur Facebook contre 85 800 pour Golden Moustache, pourtant chaîne française. Un
écart qui prouve que l’humour est une catégorie vidéo qui répond bien aux attentes
des internautes et qui encourage l'interaction sociale.
Mais rien ne dit que la création web doit nécessairement être tout public et faire de la
sous-pédagogie ou du sous-divertissement. S'il est vrai que certaines vidéos
simplistes accumulent un nombre de vues colossal, il ne faut pas penser que c’est un
critère de réussite. Il n’est pas nécessaire d’enfanter de sous-créations
audiovisuelles, populaires et ineptes, pour avoir du succès sur internet. Et c’est ce
que prouvent à nouveau ces exemples.
Les chaines de télévision
qui se lancent sur le web
l'ont bien compris. Ainsi le
studio 4.0, crée par la
chaine France 4, promeut
sur internet, et grâce à
Dailymotion, "Le meilleure
de la jeune création, en
série ou en format court"
comme l'indique la tag
line. Le studio 4.0 c’est un
: « Véritable laboratoire de
la fiction pour les jeunes
auteurs, réalisateurs et
producteurs. Studio 4.0
héberge les coproductions
développées au sein de la
direction des Nouvelles
Ecritures et du
Transmédia de France
Télévisions ainsi qu’une
Page du Studio 4.0 sur le site France 4
sélection de projets internationaux. Qu’ils soient produits en France, en Suède, en
Espagne, au Brésil, au Canada ou aux Etats-Unis, Studio 4.0 offrira cette année plus
de 450 épisodes de web séries, plusieurs heures de programmes et de court-
métrages, sans aucune restriction de genre: humour, fantastique, animation, science
fiction, comédie sentimentale… »8
.
8
Studio 4.0 – Dailymotion - http://www.dailymotion.com/Studio-4-0
24 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
Cette initiative reprend donc des critères déjà évoqués : une nouvelle forme
d’écriture, de la fiction, des formats courts dans l’optique d’un adaptation multiécrans.
Une tentative d'immersion dans l'univers du web, débordant d'idées et de possiblités,
en s'associant à une nouvelle vague d’acteurs du web (auteurs, réalisateurs,
producteurs) qui ont émergé en ligne et qui sont à l'origine de ses codes.
Autre chaine à avoir franchit le pas depuis quelques
années : Canal +. La série Kaira shopping a été
repérée par les producteurs de Save Ferris sur le
web en 2008. La chaîne s’enthousiasme alors et fait
du programme sa première web-série, en
partenariat avec Pepsi qui devient le parrain du
programme sur le web. S’appuyant sur les 4
millions d’internautes fans de la série, la marque de
soda fait des Kaïra les ambassadeurs officiels de la
marque et démarre une série de spots TV déjantés
au printemps 2009. Poussé par le succès, la
websérie est adaptée au cinéma. Le concept se
transforme alors en un film « Les kaira », film
français le plus rentable de 2012).
Malgré ce succès, la chaîne n’a pas tenté de nouveaux projets dans le domaine de la
création web. Léo Sheer affirme dans Le Point que « Au départ, Canal avait 20 ans
d'avance, aujourd'hui, elle a 10 ans de retard, dans un monde où tout va trop vite
pour elle »9
. Il est vrai que, si dans le domaine de la diffusion multi-écrans et à la
demande le groupe fait des propositions, ce n'est pas vraiment le cas en terme de
contenus web inédits.
Il semblerait donc qu'effectivement les nouvelles plateformes suivent implicitement
un schéma de création, des normes misent en place par les premiers colons de la
création audiovisuelle web. On s’aperçoit que ce sont surtout des initiatives
« professionnelles » qui ressortent lorsqu’on recherche une itération. Elles sont
initiées par des sociétés déjà bien établies dans le domaine de l’audiovisuel et
intègrent dans leurs équipes les acteurs immergeant d'internet.
9
Léo Scheer – "Canal+ n'a plus 20 ans d'avance, mais 10 ans de retard !" - Le point – 23 Juillet 2013
25 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
Dès lors, on peut s'interroger sur la liberté de création propre à internet. Est ce qu’on
ne s’enferme pas dans des normes restrictives dès lors qu’il y a institution d’une
véritable organisation de la création sur le web? N’est-ce pas la fin de la liberté de
création propre à internet, en même temps que l’arrivée de considérations
financières ? L’ère de l’amateurisme est-il révolu ? Le paysage ne devient-il pas trop
étroit pour des initiatives « amateurs », dans le sens où elles sont personnelles et
non motivées par la recherche de profit ?
26 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
Dans l’idée, ces productions du web possèdent leur propre façon de créer et
promouvoir leurs contenus : utilisation des réseaux sociaux, accessibilité, créativité et
rejet des méthodes marketing classiques. Dans le domaine de l’audiovisuel, ces
points composeraient donc la liberté propre à internet. Dans la réalité, ils s'expriment
de plusieurs manières.
L'origine amateur des créateurs du web
Tout d’abord, il n'est pas nécessaire d’avoir des compétences spécifiques pour se
lancer. Pour beaucoup, les créateurs du web se sont formés en autodidacte et
utilisent leurs propres matériels. L'ajout de vidéo sur internet se fait en total liberté et
n'est soumis à aucun pré requis. Il n'est pas demandé d'avoir un CV dense pour
tenter sa chance. Ni même d’avoir un matériel professionnel. Avec l'accès à une
multitude de tutoriels, formations en ligne et l'arrivée d'équipements abordables sur le
marché, la création est à la portée de presque tous.
Car il y a un critère qui ne peut s'acheter ou s'apprendre, c'est la créativité. Le
principal vecteur de qualité, critère déterminant dans la réussite de la création sur le
web. Ainsi les créateurs connectés qui sont récupérés par les nouveaux acteurs
professionnels du web ont quand même fait leur preuve chacun à leur façon. Il n'y a
certes pas encore de schéma tracé, de voie à suivre mais ces nouveaux ouvriers de
la création web ont tous un point commun : ils ont fait leur preuve dans des créations
novatrices du web et parfois dans d'autres médias.
Il se crée donc une véritable hiérarchie, communauté organisé selon des principes
d’expérience, de connaissances, de recommandation. Un noyau dur, formé par les
premiers colonisateurs, qui occupe une grande partie de l'espace. C'est une sphère
de la création web qui se construit petit à petit. Il reste à savoir si celle-ci restera
encore longtemps ouverte.
27 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
L'autonomie de la création sur internet
Le second révélateur de la liberté du web, c’est l’autonomie dans la création. Sévir
sur internet c'est s'offrir la possibilité d’écrire selon ces envies. Dans des formats ou
des thèmes choisis. « Faire une vidéo sur Youtube peut rapporter de l'argent, mais
cela n'inclut pas toujours un contrôle, une intervention extérieure »10
. De par cette
indépendance, on peut créer des contenus qu’on ne pourrait diffuser à la télévision.
Mais c'est aussi la possibilité de faire n'importe quoi. Et c'est un aspect que les
détracteurs de la création web mettent souvent en avant.
Décelant le potentiel des plateformes de vidéos, les premières organisations
audiovisuelles du web ont justement tenté d'y insuffler de la substance et une
orientation. Avec leur installation dans le paysage, on peut alors s'inquiéter d'une
possible uniformisation de la création. Un modèle web dont il serait difficile de se
détacher. De plus avec l'arrivée d'enjeux financiers, il y a une possibilité de censure.
Ou du moins d'un contrôle, qui est une atteinte directe à la liberté.
Si on reprend un exemple déjà évoqué, le court
métrage « Mission 404, internet doit rester vivant »
coproduit par Orangina, Golden Moustache et Studio
Bagel. La liberté de création semble avoir été préservée
dans ce cas selon les auteurs du projet. En effet dans
la vidéo Making of, le scénariste affirme avoir eu une
certaine liberté de proposition. Il fallait intégrer le produit dans la création et selon lui
Orangina a été « ouvert pour placer le produit intelligemment et de façon décalée »11
.
Il aurait donc profité des avantages de la production professionnelle (budget,
organisation) sans les inconvénients (contraintes artistiques). Cependant, dans son
discours, il semble bien évoquer une phase d'approbation de la marque quand aux
choix d'écriture.
10
Mathieu Géniole – Le nouvel observateur - « Norman, Cyprien, 10 minutes à perdre : le naufrage des
"Youtubeurs" hors du web » - 01 février 2013
11
Mission 404 – Making of – Chaîne Orangina France - http://www.youtube.com/watch?v=FAGdLGt0gvI
28 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
L'intrusion de la publicité dans la création web
A l'instar d'Orangina, la grande distribution tente des intrusions timides. Par ces
initiatives, elle démontre une volonté de communiqué avec ces nouveaux outils, de
prendre la parole sur le web. Au delà de la création pure, la vidéo du web devient un
moyen d'interpeler le consommateur d'une manière originale et créative. A la
différence de la publicité classique, il y a une volonté de créer un véritable dispositif
adapté au support. Même si ils sont encadrés par un but mercantile, la création et
l'originalité sont requis.
Carrefour est l'une des premières enseignes à avoir imaginé un dispositif web
reposant sur de la création audiovisuelle de divertissement. C'est la web-série "C'est
la course ! " crée pour la rentrée 2013. Carrefour reprend les critères de la création
web pour proposer un
programme adapté au
support : un format court,
une expérience
interactive, des
personnages récurrents
et identifiables. Mais,
dans l'écriture, la
créativité déployée reste
limitée. La marque mime
ses homologues web mais son objectif n'est pas de proposer du contenu audiovisuel
mais de faire de la publicité. Et c'est assez évident.
Contrairement à Orangina qui a proposé un véritable court-métrage avec "Mission
404". Le produit devient secondaire. Ainsi, le paysage audiovisuel de divertissement
vidéo sur le web se retrouve bouleversé par ces offensives marchandes. L’intégration
de ces sociétés dans le secteur web ainsi que leurs possibles partenariats avec des
auteurs du web peuvent potentiellement impliquer un contrôle, une surveillance de
l’image selon des principes dictés par la marque. Internet pourrait incontestablement
perdre ce qui en fait sa spécificité pour ne devenir qu'un support supplémentaire,
contraint par des règles identiques. Il rencontrerait ainsi des difficultés que la
télévision, et à plus forte échelle, le cinéma doivent aujourd'hui affronter.
29 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
La complexification du système de création
George Lucas s'est récemment confié à des étudiants d'une université californienne,
dénonçant la « volonté de fédérer, de faire des films consensuels qui plaisent à tous,
et de la nécessité de marketer, à prix d'or, les films. (…) Certaines idées sont trop
téméraires pour être acceptées par les producteurs. » . Ainsi, si ces producteurs et
créateurs se tournent vers internet c’est surement pour contourner cet écueil dans
lequel est tombé le cinéma. Et la télévision a produit des contenus d’une qualité
croissante à mesure que le cinéma se déversait vers ce média.
Comme l’indique Spielberg (dont le dernier film, Lincoln, a failli devenir un téléfilm
HBO et être privé de sortie en salles) « La télévision est en revanche plus
audacieuse». Finalement, internet serait un nouvel eldorado, pour éviter ces
préoccupations, un nouvel espace de liberté pour ces acteurs de la création
audiovisuelle. Cependant, les professionnels emmènent avec eux des
préoccupations de résultat et de profit ...
Une liberté temporelle relative
Pour revenir aux caractéristiques de cette liberté, un troisième point émerge.
L'internaute est libre de diffuser quand il le souhaite. Il n'a pas d’obligations liées à un
planning. Il crée, réalise et propose selon l’inspiration. Il n’a pas d’impératifs
d’écriture ce qui est peut sembler plutôt bénéfique pour la création. car l'écriture est
souvent moins aisée et convaincante sous la contrainte.
Cependant, pour entretenir la fidélité du public, il faut adopter une certaine
constance. La création web n'est pas détachée de tout impératif temporel et c'est un
point que les nouveaux professionnels du web ont bien compris. Si, au contraire de
la télévision, les impératifs d'horaires et de dates sont parfois fluctuants, avec la
théorisation du succès sur le web vient la mise en place d'un véritable calendrier de
création. La liberté de diffusion s'estompe.
30 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
Des circuits de promotion empruntés par les médias classiques
La création web s'affranchit des
circuits classiques de promotion et
de consommation de masse en
misant sur le viral, le dynamisme et
la personnalisation. De nouvelles
méthodes qui leurs permettent d'être
au cœur des discussions, de former
des communautés et d'être relayé par la télévision et la presse sans dépenser des
sommes importantes. Contrairement aux autres médias, qui ont longtemps misés sur
la publicité, la création web marche au "Buzz". C'est le principe du bouche à oreille,
amplifié par l'utilisation des réseaux sociaux. Des réseaux sociaux qui ont une place
importante dans leur stratégie de promotion.
Le levier principal de celle ci est la proximité. Le créateur est proche de son public,
échange avec lui et lui fait partager le processus de création. Via Youtube,
Facebook, Twitter ou encore des blogs tenus à la première personne. Le maître mot
est la spontanéité. Du moins apparente car elle n'est parfois que fabriquée.
Envieux de cette visibilité, les médias classiques empruntent de plus en plus à ces
nouvelles plateformes. A l’instar du web, convergeant vers les médias traditionnels,
les productions télévisuelles et cinéma cherchent à envahir l’espace internet en
imitant les stratégies de promotion et pratiques du web participatif. C'est bien
souvent la recherche d'une communauté qui les pousse à emprunter ces techniques.
C'est ici la volonté d'attirer un public fidèle et collaboratif. On assiste donc à une
utilisation grandissante des réseaux sociaux populaires mais aussi à des copies de
leurs mécanismes.
C'est par exemple le cas de la société de production et diffusion Warner Bros avec
sa plateforme lancée fin 2012, My warner. Elle est destinée à fédérer et récompenser
les fans. En jouant, partageant du contenu issu de Warner Bros sur les réseaux
sociaux, les personnes inscrites sur le site gagnent des points qu'elles peuvent
ensuite échanger contre des cadeaux. En bref, en faisant ce qu’ils font
habituellement sur internet, les membres de la communauté, fervents amateurs de
cinéma, peuvent gagner des cadeaux. Produits dérivés et téléchargements de films,
ces présents ne font qu'entretenir cette passion pour le cinéma et plus
spécifiquement pour les productions Warner.
31 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
Cette plateforme démontre une volonté de
« prendre correctement le virage du numérique
en accompagnant les clients là où ils se
situent »12
. Elle s’imprègne d’une vision du
marketing, portée par la recommandation
sociale et la valorisation de celle-ci dans un
secteur d’activité où elle joue aujourd’hui un
rôle primordial. Elle influence
considérablement le choix d'un film. Le site est
pensé comme une alternative plus «sociale» à
Allociné. My Warner est une idée française et
devrait s’étendre sur d’autres territoires. Le
programme compte actuellement 200 000 membres actifs et devrait dépasser le
million de membres d’ici fin 2013.
D’autre part, l'expérience My Warner n’est pas seulement destinée à satisfaire le
consommateur. Le dispositif permettra, à termes, de conserver un relationnel grâce à
l’analyse des données générées par les interactions de la communauté. Ce qui leur
permettra de mieux connaitre le public, de comprendre son comportement pour
ensuite personnaliser les messages. Pour passer de l’intrusion hasardeuse à la
recommandation personnalisée. Un avantage sur les nouveaux acteurs du marché,
de plus en plus nombreux grâce à la dissolution des barrières qu’entraine le
numérique.
Une dissolution qui a conduit les
chaînes de télévision à vouloir prendre
une place considérable sur internet.
Proximité, partage et sollicitation sont au
cœur de l'expérience sociale offerte au
public. C'est ce qu'on appel la Social
TV. Avec une communauté de plus de
15 millions de fans sur tous les réseaux,
TF1 a souhaité mettre en place cette
expérience utilisateur enrichissante,
avec son service MyTF1 Connect.
12
Vincent Puren – Presse-Citron.net – « Comment le ‘digital’ a transformé Warner Bros en créateur de lien
social » – 17 avril 2013
32 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
Pendant la diffusion des émissions bénéficiant de ce dispositif, l'internaute peut
profiter de bonus vidéos et d'instants replay. Ils permettent de visionner des extraits
de quelques minutes venant d'être diffusés et de les partager. Il y a également la
participation aux discussions sociales, via Twitter. Mais aussi un aspect gamification
et interactivité. Régis Ravanas, Directeur Général adjoint Groupe TF1 a déclaré «
Avec Connect, nous sommes très heureux de proposer une expérience inédite qui
permet d’aller encore plus loin dans l’interactivité avec notre public et s’inscrit dans
notre ambition d’activer et développer le lien social autour des programmes de TF1.
Par son caractère innovant, immersif et intuitif, Connect s’impose comme la première
véritable expérience de second écran en France et comme le produit le plus complet
et qualitatif du marché ».
Et des start-up se spécialisent dans la conception de ces dispositifs proposant une
véritable expérience digitale. Campfire est l'une des agences les plus connus dans
ce domaine. Start-up New-Yorkaise créée par Mike Monello, elle a notamment
proposé de la narration sociale et des dispositifs transmédia pour HBO autour des
séries "Game of Thrones" et "True Blood". Elle est devenue une véritable référence
dans sa spécialité.
En France, l'agence Darewin, fondée en 2011 par Wale Gbadamosi-Oyekanmi, est
l'une des premières à proposer des services entièrement social TV. Entre autres,
pour la diffusion des différentes séries programmées sur NT1 ("The Walking Dead",
"Vampire Diaries"). Une grande partie de leurs stratégies sont pensées autour de
Twitter. Avec la création la création de comptes officiels et la possibilité d'agir en
temps réel lors de la diffusion des émissions grâce à cette plateforme. D'autres
agences verront inévitablement le jour dans les mois prochains. Car, malgré la
réticence de certains, il apparait que ces stratégies répondent à la nécessité de
fidéliser, de proposer des expériences. Des considérations devenues indispensables
à l'ère du web social.
Pour résumer, La liberté du web est conditionnelle et évolue. C'est l'arrivée de
processus de création professionnels, accompagnés d'objectifs, qui provoquent ces
mutations. Ainsi que la mise en place de véritables stratégies digitales autour du
marché de la production de contenus. Et ce sont les schémas de financement et de
diffusion qui évoluent en conséquence, à mesure que se dévoile le potentiel
d'innovation du web dans ses diverses phases d'expression.
33 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
Le principe du crowdfunding
L'étape suivant l'expression d'un concept est la recherche de financements. La
meilleure façon de s'assurer un total contrôle sur sa création est de la financer avec
ses propres fonds. Mais de telles dépenses ne sont pas à la portée de tous. Surtout
lorsque les projets deviennent ambitieux et créatifs. Le crowdfunding est alors un
moyen d'obtenir un budget pour des projets indépendants, à l'initiative "d'adeptes du
Do it yourself"13
. En tout cas en théorie. Cette méthode permet d'intégrer l'internaute
au processus de création sans qu'il ai pour autant son mot à dire sur celle ci. L'auteur
garde une responsabilité complète sur sa création. On parle ici de création en
général. Car la plupart des plateformes abandonnent la spécification et ne proposent
pas seulement de financer des idées formulées par des acteurs du secteur
audiovisuel. Même si des plateformes comme TousCoProd restent centrées sur le
contenu vidéo, des projets différents se côtoient sur d'autres. Comme sur KickStarter
où musiciens, écrivains et designers se partagent l'attention des internautes
contributeurs.
Pour sa partie audiovisuelle, la contribution financière des internautes est destinée à
financer la production. Mais elle peut également servir aux dépenses de distribution
d’un film selon les sites Internet. La contribution des internautes évolue par paliers,
de 1 à 1500 euros et plus en fonction des projets. En contrepartie, les contributeurs
obtiennent des avantages en nature. Produits dérivés, nom au générique, contenus
exclusifs, rencontres avec les participants, implication dans l’une des phases de
création (figuration en général) : la valeur financière ou émotionnelle des
récompenses augmente en même temps que les paliers franchis. Il y a également
quelques projets destinés au cinéma qui font profiter le contributeur de retours
13
Fibre Tigre - Le NouvelObservateur - 29 Juillet 2013 - Kickstarter, Ulule & co : avec le crowdfunding, le pigeon,
c'est toujours l'internaute - http://leplus.nouvelobs.com/contribution/914320-kickstarter-ulule-co-avec-le-
crowdfunding-le-pigeon-c-est-toujours-l-internaute.html
34 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
financiers sur investissement, suite à l'exploitation du film en salle. Ce qui semble
augmenter considérablement le nombre de contributeurs. Le don simple, sans
contrepartie, est aussi prévu.
Les montants collectés auprès des internautes sont reversés à condition que le
minimum du montant total fixé par le créateur soit atteint. À défaut, le site Internet
rembourse aux internautes leurs contributions. En échange de ses services, le site
Internet perçoit une commission sur les sommes collectées. Sur Kickstarter par
exemple, une taxe de 5% est appliquée.
Les bénéficiaires des avantages de ces plateformes affirment que « C'est une
manière démocratique de faire de l'art »14
. En donnant le pouvoir au peuple. En effet,
les internautes choisissent les idées auxquels ils croient et misent en fonction. Un
projet intéressant, un plan de communication bien pensé et c'est la possibilité de voir
son idée se concrétiser. Les projets audiovisuels les plus populaires sur ces
plateformes sont généralement des courts métrages, séries et web-séries. Même si
les films de cinéma y trouvent leur compte. Effectivement, le questionnaire mené
montre bien que la participation au financement de films destinés au cinéma attire les
personnes interrogées. C'est donc aussi un champ de possible pour les créateurs de
contenus pour le cinéma, au même titre que les films et séries destinés à la
télévisons.
Un moyen de financer des projets indépendants
La production communautaire, c'est une opportunité de se débarrasser de certaines
contraintes de créations liées à l'implication d'une ou plusieurs sociétés de
productions dans le processus. Mais pour certains projets, où une société de
production est impliquée, c’est devenu une manière comme une autre d’obtenir des
subventions.
A la base, le financement participatif était un moyen de soutenir des projets non
appuyés par des structures professionnelles, de s’affranchir de l’approbation de ces
organismes. Et donc de voir aboutir des réalisations qui n’auraient jamais vu le jour.
Un coup de pouce à la créativité, dans le principe.
14
Kickstarter.com - Page d'accueil - Propos de Stephen Heleker
35 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
Ces sociétés sont utiles pour leur savoir faire, leur force d'organisation, leur apport
en financement, en ressources humaines et techniques. Mais elles sont aussi
susceptibles d'avoir un impact artistique sur le projet. Négatif ou positif selon le point
de vue. De plus, les campagnes de financement participatif permettent, dans la
théorie, de réduire le temps de développement d'un projet. Car il est souvent rallongé
par la recherche de financements multiples dans un processus classique de
production (Soutiens du CNC, des régions ...). Entre autres, avec ces nouvelles
solutions, c'est le créateur qui pose directement la question au spectateur de savoir
si oui ou non il souhaite voir ce projet aboutir. C’est une première phase de test
auprès du public.
Dernièrement c'est la Web-
série française Noob qui a
reçu l'incroyable aide de la
communauté de
contributeurs sur le site
Ulule. Les créateurs du
programme souhaitaient
obtenir un budget proche
de ce qui est proposé aux
web-séries produites de
nos jours, soit 35 000
euros. Finalement, ce
projet de films, issus d’une série du web, a été financé à 1945%, soit plus de 682 161
euros en 70 jours ! Devenant ainsi le plus gros financement participatif jamais réalisé
en Europe Et laissant, comme ils le disent eux même sur leur page de soutien, "une
trace indélébile dans l’audiovisuel français créé par et pour Internet"15
.
C'est en effet un budget plus que conséquent pour du contenu audiovisuel destiné au
web et la mobilisation sans précédent marque effectivement un tournant dans le
crowdfunding pour ce type de projets. Noob est à l'origine une web-série crossmédia
(bande-dessinées et romans disponibles en grande distribution) à petit budget crée
par une bande d'amis. Elle a pris de l’ampleur au fil des saisons et a réussi à réunir
une communauté importante en reprenant quelques uns des thèmes fort de la
culture geek : humour, super héros et jeux vidéo. Il s’agit bien d’un projet
indépendant mais ce n’est pas toujours le cas. Suite aux bouleversements récents,
les premiers doutes sur la légitimité et le processus de fonctionnement de ces
plateformes commencent à immerger.
15
Corentin Courtois - Ecrans.fr - « Noob », la guilde star du crowdfunding européen » - 20 juin 2013
36 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
Le détournement des plateformes de financement participatif
L’exemple suivant pose justement des questions intéressantes sur les mécanismes
de ces nouvelles plateformes de financement et les dérives qui peuvent y être
attachées. Il concerne le
financement d'un film pour le
cinéma, dérivé de la série
"Veronica Mars". Le projet est
imaginé et défendu par son
créateur depuis plusieurs
années sans avoir été amorcé
faute de financements, résultat
de la frilosité des studios. Car
en effet la Warner (qui détient
les droits) accepte la mise en chantier du film mais ne souhaite pas participer à son
financement. Rob Thomas décide alors de lancer une campagne de financement sur
le célèbre site de crowdfunding : Kickstarter. Et c'est en moins de quelques jours que
l'objectif de 2 millions de dollars fut atteint. Et même dépassé puisque un mois après
le lancement de la campagne, c'est presque le triple de la somme à atteindre qui a
été récolté. Ce record historique, c'est à la communauté de fan qu'il le doit. Le chiffre
n’aurait pas été atteint sans cette communauté préexistante et investit
émotionnellement dans le futur de cette série.
Dans ce cas, le soutient sans précédent couplé à la volonté du créateur de
concrétiser son projet, même sans l’aide financière de cette énorme société de
production et de distribution, sont à l'origine de sa concrétisation. Mais l'implication
de la Warner dans le projet peut amener à se poser des questions sur les "dérives"
actuelles de ces sites. Car si elle ne finance pas le projet, Warner Bros participe
néanmoins à sa réalisation avec Warner Bros Digital. Cette branche de la société
s’occupe des petits budgets, essentiellement des films destinés au streaming ou au
téléchargement.
Ainsi, de nombreux projets intègrent une société de production dès l’origine. « Le
crowdfunding s’éloigne alors fortement de ses racines. »16
En effet, lorsque la
démarche n'est pas indépendante, on peut se questionner sur la légitimité de ces
collectes de fonds auprès des internautes.
16
Fibre Tigre - Le NouvelObservateur - "Kickstarter, Ulule & co : avec le crowdfunding, le pigeon, c'est toujours
l'internaute" - 29 Juillet 2013
37 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
La production communautaire devient une réponse à des craintes émissent par ces
sociétés. Ou une façon de compléter son budget lorsque le projet est déjà en
développement ou préacheté par une chaine.
En effet, ces procédés permettent d’éviter de prendre des risques, artistiques et
financiers. On produit seulement les projets ayant suscité l'adhésion des internautes
et après que ces derniers aient eux même participé au financièrement. Selon Fibre
Tigre qui s’exprime sur le site du Nouvel Observateur « L’entreprise est une prise de
risque, mais que les risques incombent à 100% au client est une ineptie ! »17
.
De plus, les programmes présentés avec l’appui des ces entités sont souvent
vendues de manière identiques aux internautes. On leur propose le projet en
mettant en avant des noms célèbres, l'appui de grandes chaînes reconnues et des
promesses de compensation alléchantes. Mais ce n’est absolument pas une garantie
pour réussir à financer son projet. Il s'agit d'une relation fondée sur l'implication
financière de l'internaute, ce qui rend le degré de cette implication difficile à prévoir.
C'est pourquoi le succès des campagnes de financement est complexe à anticiper et
provoque de belles surprises, comme de jolies déceptions. Même si les projets les
plus porteurs ont un point commun : l'existence d'une communauté préexistante à la
recherche de financements.
Ainsi les internautes sont difficilement prévisibles dans leur soutien et ses initiatives
peuvent être dangereuses au niveau des propositions artistiques. Dangereuses car
on court le risque de faire stagner la création audiovisuelle. En la restreignant à des
contenus populaires mais pas novateurs. Au lieu d'oser une écriture innovante, sans
avoir la garantie de réunir les spectateurs, on propose une ébauche de projet sur un
site de financement participatif et on observe si les internautes suivent.
Même si un financement participatif réussi ne garantit pas le succès une fois le
produit délivré au public, c'est tout de même une prise de risque diminuée. Rob
Thomas s’exprimait d’ailleurs sur le sujet concernant Veronica Mars en indiquant que
« Avec ce modèle, c'est presque un dispositif de marketing, un moyen de juger s'il y
avait suffisamment d'intérêt pour un film de cette taille. »18
.
17
Fibre Tigre - Le NouvelObservateur - "Kickstarter, Ulule & co : avec le crowdfunding, le pigeon, c'est toujours
l'internaute" - 29 Juillet 2013
18
Hudson Laura - Wired.com – Interview de Rob Thomas – 12 avril 2013
38 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
Alors que, avec la difficulté de défendre des projets novateurs devant les médias
classiques, internet est justement le moyen de proposer des idées qui ne pourraient
exister sur d'autres supports. Les sociétés de production sont encore réticentes à
produire pour le web et si le financement participatif leur permet de s'ouvrir à ce
nouvel horizon de création alors ces sites de production communautaire remplissent
leur rôle.
Car l’activité de production n'est pas uniquement constituée d'un volet monétaire.
C'est également une influence artistique, des compétences et une force nécessaire à
l’aboutissement d’un projet. Utilisées par eux, ces plateformes deviennent alors
vectrices de création car elles sont entre les mains des décideurs du secteur de la
création audiovisuelle.
De plus, si ces professionnels existent depuis des décennies dans le système de
production c'est qu'ils apportent un savoir utile à la finalisation du projet. Amputé de
ces compétences, les indépendants peuvent rencontrer des difficultés de production
qu'ils n'ont pas l'habitude de gérer. Ce qui pourrait jouer sur la durée de
développement du projet, en rallongeant les différentes étapes de création. Une
constatation qui va à l'encontre de l'hypothèse selon laquelle les productions
indépendantes sont plus rapidement délivrées au public.
Malgré les avantages cités, on peut se demander si la fonction première de ces
plateformes est de participer au financement de films déjà soutenus par des
producteurs. Et qui pourraient se satisfaire d'autres financements si les
décisionnaires étaient plus audacieux. Là où des projets non soutenus ont réellement
besoin de fonds pour pouvoir exister, l'objectif de ces sites est détourné pour
permettre à des sociétés de production, et à des chaines de télévision, d'éviter des
investissements risqués. Ou de réduire leur implication financière.
Au niveau des différents médias de destination des créations proposées sur ces
sites, on peut aussi se demander si tous les supports y ont leur place. Si des web-
séries ou court métrages semblent indiqués puisqu'ils évoluent sur leur support, on
peut se questionner sur la légitimité des films de cinéma ou des programmes pour la
télévision. Mais, avec la convergence des supports, connectés entre eux, n'est pas
nier l'effondrement des barrières entre les médias que de s'interroger sur ce point ?
39 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
De plus, si les acteurs du cinéma et de la télévision ont permis au web de proposer
du contenus d'une qualité exponentielle de part leur implication, l'ouverture d'esprit et
le potentiel d'implication des internautes pourrait en retour permettre aux créateurs
de ces deux médias de bâtir des expériences audiovisuelles qu'il aurait été
impossible de proposer sans leur l'implication financière. Finalement, le web participe
aux changements dans la proposition de contenus faite par le cinéma et la télévision.
Le financement participatif est une collecte de fond améliorée, dématérialisée, qui ne
s’embarrasse pas des supports. Cependant, comme le montre le questionnaire
proposé dans le cadre de ce mémoire, ce sont bien les projets web qui séduisent le
plus les internautes. Ce qui rejoint les constatations faites en visitant les divers sites
de financement participatif.
L'intelligence émotionnelle de l'internaute
En effet, l'internaute a une préférence pour les projets initiés par et pour le web.
Probablement car ce sont des créations à petit budget. Exception faite des projets
avec une communauté préexistante. Car, comme nous le disions plus haut, ils ont
une facilité à fédérer quelque soit le support ou le budget de part l'implication
émotionnelle déjà présente.
Plusieurs idées soutenues par des chaines et des sociétés de productions n'arrivent
pas à obtenir les financements attendus alors que des initiatives plus modestes
obtiennent l'aide du public internaute. Et c'est le cas sur My Major Company avec
plusieurs projets.
Financement à 1% de la série animée Starz,
de Canal +, après deux mois de campagne.
Financement à 112% de la Web-série Super-
Héro'hic porté par un groupe d'amis.
40 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
Cette orientation dans le choix des contributeurs est probablement motivée par le
sentiment de faire réellement la différence. Avec une participation financière moindre,
leurs dons ont un véritable impact sur l'avenir du projet. C'est cette impression d'être
un des moteurs du projet qui les pousse à préférer ces petites campagnes de
financement. Ils ne sont pas des pions dans un échiquier mais des acteurs de la
création, même s’ils ne s'impliquent que dans l'aspect financier. Avec toujours l'envie
de dénicher les talents de demain.
Ainsi, il semblerait qu'il suffit de faire confiance aux contributeurs pour que les
internautes ne constituent pas un porte monnaie dans lequel puiser, à renfort de
noms connus et de promesses. Il faudrait faire confiance à l'intelligence émotionnelle
et collective des internautes pour analyser la qualité du projet. Dans ce cadre, les
individus trouvent un avantage à collaborer au sein d'une communauté. Leur analyse
est meilleure que s'ils avaient été seuls.
Malgré l'intérêt des médias pour le phénomène crowdfunding, la génération actuelle
est peu passionnée par ces plateformes, qui restent confidentielles. C'est ce que
montre le résultat de l'enquête en annexe. Les personnes interrogées connaissent
tous au moins un site de financement participatif mais l'écrasante majorité n'a jamais
participé au financement d'un projet et ne l'envisage même pas.
Même si ce moyen de financement ne pèse pas encore lourd dans le système
mondial, les récents records historiques peuvent nous faire penser qu'à court terme
le secteur audiovisuel sera durablement influencé par le crowdfunding. En attendant,
d’autres moyens de financements moins conditionnels, et effectifs dès aujourd'hui, se
dégagent.
41 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
Au delà de la production participative les modes de financement de la création
audiovisuelle, destinée aux nouveaux médias, se rapprochent des procédés de
création affectés aux médias traditionnels. Par conséquent, les opportunités de
financer du contenu destiné au web augmentent de manière croissante. Par la
création de sociétés vouées à l'avènement de la création numérique mais aussi par
la mutation des organismes déjà existants. A l'image des sociétés de production qui
se dotent de pôles nouveaux médias, la télévision et le cinéma s'investissent
considérablement sur le marché audiovisuel d'internet. Car Il est intéressant dans ce
qu'il peut apporter de créatif et de participatif. Comme nous l'avons vu plus tôt, ils
créent des dispositifs et imaginent des stratégies multimédias pour promouvoir leurs
créations et leurs médias d'origine. Mais aussi des créations uniquement destinées à
internet.
Des professionnels au secours de l'univers créatif connecté
Ankama est l'une de ces nouvelles sociétés françaises dédiées à la création
numérique et artistique. Il s'agit d'un groupe indépendant dans le domaine du
divertissement, qui s'est déployé sur divers supports. Dans la sphère audiovisuelle, il
a participé au virage pris par la création web, en s'impliquant dans le financement de
la populaire web-série de science-fiction "Le visiteur du futur". Réalisé par François
Descraques, "Le visiteur du futur" est une œuvre de fiction, dans un premier temps
amateur, proposée sur le web depuis avril 2009 via le site FrenchNerd. Les vidéos
sont hébergées sur Dailymotion.
Après deux saisons tournées en auto-
production, Ankama décide de s'investir
dans l'aventure dès la troisième salve
d'épisodes. En effet, suite au succès
rencontré par ces courts épisodes
racontant l'histoire de Raph, un jeune sans
histoire qui rencontre un homme affirmant
venir du futur afin d'empêcher la fin du
monde, Ankama propose de participer au
financement. Apportant à la série une
crédibilité indéniable. Les acteurs du projet
sont même invités à présenter la série, dès 2010, au Comic Con Paris, véritable
rendez vous et consécration de la culture Geek.
42 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
Alors que la société Ankama supprime, pour des raisons inconnues, ses apports
financiers à l'émission "Le Golden show" (depuis repris par Golden Moustache et
produit par Alexandre Astier), elle a récemment renouvelé sa confiance en participant
au financement d'une quatrième saison : "Le visiteur du futur : Néo Versailles". Cette
participation financière est complétée par celle de France télévisions dans le cadre
de leur pôle "Nouvelles écritures".
Ces ajouts de financement au fil des saisons montre une nouvelle fois l'intérêt pour
"la fiction, au delà de simples pastilles humoristiques"19
. Mais aussi une implication
des professionnels des médias de plus en plus tournée vers un potentiel jeune et
créatif sévissant sur un espace web ouvert et ambitieux.
François Descraques s'exprimait, fin juillet, sur son blog concernant le tournage
imminent de la saison 4 de la série. Et s'expliquait plus particulièrement sur
l'implication des producteurs dans le processus de création : "Un peu comme nos
copains de Noob, nous sommes en train de repousser les limites de la production de
fiction web en France et le plus fou dans tout ça, c'est qu'en plus d'un budget
confortable, j'ai eu une TOTALE liberté sur le scénario. En effet, contrairement au
modèle de Noob, nous sommes financés par des gens extérieurs qui pourraient nous
contraindre dans nos idées. Mais ce n'est pas le cas." Il ajoute que " Ankama et
France TV Nouvelles Ecritures (...) me donnent les avantages de la production sans
les inconvénients"20
.
Ainsi, à l'instar de Raphaël Descraques qui parlait de la liberté dont il avait bénéficié
malgré l'intégration d'Orangina dans le mécanisme, son frère François Descraques
affirme aussi que le modèle de production web laisse une relative liberté de création
absente d'autres projets.
A l'heure actuelle, malgré la mise en place de véritables sociétés vouées au contenu
vidéo web de qualité, il semblerait que se sont toujours les créateurs qui sont maitres
de leurs créations. Probablement car ce sont les premiers à avoir su rassembler
autour d'univers fictionnels sur le web. Ils sont devenus des sortes d'experts de la
réalisation vidéo pour le web, porte-paroles des auteurs natifs web auquel les dites
organisations font confiances.
19
Manuel Raynaud - Blog Arte "Dimension-series" - "Il imagine les aventures du Visiteur du Futur depuis trois
ans" - 07 juillet 2012
20
François Descraques - FrenchNerd.com - "Le Visiteur du Futur : Saison 4 - Le tournage approche !" - 28 juillet
2013
43 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
Pour poursuivre avec le prolifique, et décidément gâté, créateur du web François
Descraques, "Le visiteur du futur" n'a pas été sa seule collaboration avec France
Télévisions. Un autre de ces projets marque un tournant dans la production de
divertissement pour le web. Imaginée et écrite avec Slimane Berhoun, la web-série
"Les opérateurs" est la première web-série co-produite par France Télévisions dans
le cadre du projet « Nouvelles Écritures ». Telfrance complète la partie production. La
série raconte les déboires de
Slim, nouvellement embauché en
tant qu'opérateur référent dans
une mystérieuse entreprise
multinationale. Une entreprise
dont il ne connaît rien des
activités. Et un métier dont il ne
saisit pas les objectifs. Au point
de soupçonner l'implication des
extraterrestres ... (image
d'illustration : page facebook
officielle de la série).
France 4, avec sa plateforme de diffusion le studio 4.0, est une chaine intéressant
dans le cadre de son approche des modes d'écritures propres au web. Mais elle l'est
aussi dans le rôle de moteur qu'elle a pris dans le financement de contenus vidéo
produit pour le web.
Au delà du financement, des acteurs de la création
Ces plateformes ne sont pas crées pour ériger des barrières entre les médias. Au
contraire, elles démontrent une approche transmédia et cross-médias de la création.
Les web-séries présentées sont diffusés à la télévision en complément de leur
diffusion web. Par exemple "Les opérateurs" a été diffusé sur France 4 et "Le visiteur
du futur" sur NoLife. Après l'adhésion des internautes, on propose le contenu aux
téléspectateurs. Peut être est-ce une première étape dans la production de comédies
de science fiction à la télévision française, difficilement possible aujourd'hui. Cette
difficulté s'explique probablement par la peur de ne pouvoir amener à la télévision un
public geek fidèle mais déjà massivement tourné vers la consommation de contenus
sur le web.
44 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
A l'opposé, la plateforme du studio 4.0 sert aussi à proposer des contenus
complémentaires aux programmes télévisuels. Ainsi, la webcréation "Quand les
parents sont pas là" dérivée de la série "Fais pas ci, fais pas ça" diffusé sur France 2
a été proposé sur le site. Une stratégie transmédia de plus en plus privilégiée par
France Télévisions.
Ainsi, ces nouveaux dispositifs et acteurs permettent de produire du contenus qui
n'aurait pu être produit sur d'autres supports. En raison de leurs thèmes ou encore
de leurs origines relativement amateurs. Même si, comme nous l'avons vu plus tôt,
en vérité ce ne sont pas des novices qui proposent les projets. Amateur signifie plutôt
que ce sont des créations faites en indépendance, avec les moyens du bord, pas mal
d'astuces et l'aide des proches. Mais ça ne veux pas dire qu'ils ne possèdent pas de
compétences ou d'expériences antérieurs dans le domaine de l'audiovisuel.
Cependant ce sont des contenus et initiateurs de projets qui, encore aujourd'hui,
arrivent difficilement à trouver leur place dans une grille télévisuelle fermée. Ils
n’arrivent à s'imposer que dans des programmes ponctuels. Des créations courtes et
ambitieuses sont diffusées mais dans des cases horaires tardives. Ce qui les rend
confidentiel.
Comme c'est le cas de l'émission "Libre courts" diffusé sur France 3 en troisième
partie de soirée le jeudi. Les courts métrages diffusés lors de l'émission ont d'abord
été soumis à la sélection d'un jury puis au vote des internautes. Encore une fois, on
recherche l'adhésion des internautes avant de proposer des programmes courts à la
télévision.
Mais les portes ne sont pas hermétiques. Comme nous l'avons vu avec Canal + qui,
à défaut de proposer du contenus de création pour internet, propose aux créateurs
du web d'imaginer du contenus pour la télévision. Ludoc est l'un de ceux à qui ils ont
fait confiance. Ce dernier est un habitué de Youtube.
45 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
Youtube, une participation accru à la création
Ludoc est le réalisateur et directeur artistique attitré du collectif Studio Bagel, qui
fonctionne sur un autre mode de financement. Plusieurs podcasteurs sévissant sur
Youtube sont réunies par une société de production, Black Dynamite, pour la
réalisation de courts métrages humoristiques et parodiques. "Permettant ainsi de
mutualiser les moyens et d’offrir une puissance marketing supérieure"21
.
Une collaboration à l'initiative de Youtube qui souhaitait lancer treize chaines
thématiques. Une partie des frais est donc avancée par la plateforme de Google via
son programme de contenus originaux. Car chez Youtube "on croit à l’émergence
des fictions Web, sous la forme de courts-métrages". En effet, c'est sur cette
plateforme que la vague de création web sans précédent a fait le plus de ravages. Et
si ces derniers n'y croient pas, qui le pourrait.
Un concours a même été lancé en Janvier dernier. Nommé "Académie SACD
YouTube" il a été crée à l'initiative de Youtube et de la SACD avec "la volonté de
faire émerger et de promouvoir les auteurs web natifs et leurs créations originales "
22
. Il a "récompensé et valorisé des œuvres déjà existantes au travers d’un prix puis
accompagné et soutenu de nouveaux projets grâce à une bourse incluant
notamment une formation". C'est la reconnaissance, le financement mais aussi la
professionnalisation par la formation qui est recherchée. Car la reconnaissance des
activités d'auteur pour le web comme profession ne viendra-t-elle pas de l'émergence
de cursus de formation destiné à apprendre ces métiers ?
21
Nicolas Rauline - Site Les Echos - "L’humour, un modèle gagnant pour YouTube et les jeunes talents" - 31
Juillet 2013
22
SACD.fr - Académie SACD YouTube - Février 2013
L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ?
L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ?
L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ?
L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ?
L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ?
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L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ?
L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ?
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L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ?

  • 1. 1 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM
  • 2. 2 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM Français : La production audiovisuelle a énormément évolué depuis quelques décennies. Après le cinéma et la télévision, c’est aujourd’hui le web qui offre un terrain d’expression aux créateurs de contenus audiovisuels. Un terrain encore fertile et vaste qui promet de nouveaux horizons à un secteur en crise. Au point de se demander si l’avenir n’est pas dans cet espace de liberté que commencent à coloniser certains précurseurs. D’abord amateurs autodidactes puis professionnels avisés, ces prophètes du web dessinent une création native web ambitieuse et qualitative. Ce mémoire propose des interrogations sur l'état actuel du secteur et sur le futur de la production audiovisuelle. Des questionnements d’actualités puisqu’ils rejoignent le mouvement de convergence des supports, connectés et sociales. English : Audiovisual production has evolved enormously in recent decades. After theatre and television, Today the web provides an expression field for creators of audiovisual content. A fertile and vast land that promises new horizons for a sector in crisis. The future is probably in this space of freedom that begin to colonize some precursors. Initially self-taught amateur then aware professional, these prophets of the web start to design a big and qualitative native creative web is. This thesis proposes questions about the actual health and the future of audiovisual production. Topical questions as they join the movement of media convergence, social and connected.
  • 3. 3 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM Introduction ---------------------------------------------------------------- p.05 I - Interrogations sur les frontières entre les médias A - Au cœur du sujet : Le conflit des contenus par leur support --------- p.07  Le recyclage des créations et créateurs du web  Méthodologie de recherche  L'approche difficile des médias classiques par les créateurs du web  Une mauvaise adaptation au support ? B - Les sources de ces collaborations houleuses --------------------------- p.12  Des caractéristiques créatives proches  Les modes de consommation de contenus vidéo par l'internaute  Le degré d'implication de l'internaute  La qualité initiatrice du succès  L'ajout progressif d'amateurs au secteur professionnel II - Les caractéristiques de la création sur internet A - La mise en place de « règles » de réussite --------------------- p.18  Les indispensables de la vidéo web  La vidéo native web : des créations amateurs en formation  L'arrivée de plateformes professionnelles dans le laboratoire de création du web B - Une liberté esclave du marché --------------------------- p.26  L'origine amateur des créateurs du web  L'autonomie de la création sur internet  L'intrusion de la publicité dans la création web  La complexification du système de création  Une liberté temporelle relative  Des circuits de promotion empruntés par les médias classiques
  • 4. 4 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM III – Participation à la création sur internet A - L’apport grandissant des internautes dans le financement --------- p.33  Le principe du crowdfunding  Un moyen de financer des projets indépendants  Le détournement des plateformes de financement participatif  L'intelligence émotionnelle de l'internaute B - Vers un système de financement normalisé --------------------------- p.41  Des professionnels au secours de l'univers créatif connecté  Au delà du financement, des acteurs de la création  Youtube, une participation accru à la création  Des formats publicitaires innovants au centre du modèle économique IV – Participation à la diffusion et promotion A – Le rôle de l'internaute dans la relation entre diffusion, ---------------- p.50 revenu et amateurisme  Comportement de l'internaute face à l'utilisation de la publicité comme mode de revenu  L'internaute au cœur de la distinction amateur/professionnel dans le cadre des revenus générés  Utilisation des produits dérivés dans l'industrie du web  Internet, liberté et gratuité B – La transformation des canaux de diffusion ------------------------ p.56  Des offres foisonnantes, légales et payantes  Les plateformes existantes face à l'exception française  Aperçu de l’offre vidéo de demain Conclusion ---------------------------------------------------------------- p.66 Bibliographie ---------------------------------------------------------------- p.68 Webographie ---------------------------------------------------------------- p.69 Références sites internet -------------------------------------------------------- p.72 Annexes ---------------------------------------------------------------- p.75
  • 5. 5 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM Avec l’implantation progressive du haut débit et la révolution du Web 2.0, l'ancrage d'une économie participative de l'audiovisuel sur internet est devenu une réalité à ne pas négliger. L’augmentation des capacités de stockage offertes et la rapidité des connexions a permis de mettre en ligne des fichiers vidéos lourds. Avec l'arrivée de l'internet participatif, c'est désormais chaque internaute qui peut librement communiquer au public ses vidéos. C’est à ce moment que des œuvres audiovisuelles ont commencé à être diffusées à grande échelle sur Internet. Depuis c'est la multiplication et la mutation des supports d'accès au contenu internet qui a de nouveau redistribué les cartes. Tablettes, smartphones, télévisions connectées et ordinateurs utilisent massivement la technologie streaming pour le visionnage de vidéos en ligne. La lente adaptation des intervenants de la sphère audiovisuelle à ces bouleversements dans la création, production et diffusion de contenus audiovisuels a poussé le secteur à revoir sa copie. Et les créateurs de contenus à étudier ces nouvelles possibilités, qu'ils soient professionnels ou amateurs. Ainsi, alors que les prix des tickets de cinéma ne font qu'augmenter pour palier l'embarras du secteur du cinéma, ce sont les solutions de "Home entertainment" qui montrent la voie réduisant les écarts entre les différents médias. Elles répondent aux nouvelles attentes des consommateurs de contenus sur internet : Une offre foisonnante, rapidement accessible et sur plusieurs interfaces, de qualité et à moindre coût. Avec ces turbulences récentes dans l'économie de l'audiovisuel, le déversement des professionnels dans le secteur web est omniprésent. Au point qu'il est actuel de se questionner sur la fin de l'indépendance dans le divertissement vidéo sur le web, suite à l'intervention de plus en plus pressante de ces professionnels de la vidéo dans des contenus autrefois réservés aux amateurs. Sans parler de fin d’une époque, il ne semble pas prématuré d’évoquer l'amenuisement d’une frontière virtuelle entre professionnels et apprentis, aux initiatives indépendantes. Qui sera l'objet d'une réflexion générale sur la distinction entre ces deux termes. Avec l'établissement d'une nouvelle organisation de la création audiovisuelle s'impose la question des moyens de financement offerts à ceux qui créent pour le web. Mais la production c’est également un aspect de création et développement qui ne saura être négligé.
  • 6. 6 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM Deux types de contenus, symptomatiques, seront étudiés : les fictions (web-séries, court métrages, films) et les émissions (divertissements, informations, astuces). Ce mémoire est un essai de photographie de l'état actuel du secteur et de ce qu’il pourra être demain. En France, en particulier. Certaines spécificités de notre pays (légales notamment) font que le marché de l'audiovisuel sur le web est encore en pleine lutte. Alors que nos homologues américains proposent déjà une offre riche. Le web est-il condamné à un format et un ton précis ? Quels sont les mécanismes de financement et de diffusion qui régissent ces créations ? Quel est l’état des frontières entre les médias et que peut-on envisager pour l’avenir ? Comment la création web s’intègre dans un marché audiovisuel multi-support ?
  • 7. 7 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM Jusqu'il y a peu, internet n'était qu'un sous-média dans le domaine de la production audiovisuelle. Le petit frère pauvre du cinéma et de la télévision. Ainsi aux premières prémisses, à l'aube des changements, les réfractaires peuvent penser que les productions audiovisuelles du web ne proposent que des compléments aux contenus délivrés par d'autres médias. Et que les créations du web ne sont faites qu'avec l'espoir d'attirer d'autres médias. En clair, les contenus audiovisuels sur internet ne seraient que des annexes ou des introductions aux médias traditionnels. Il est également souvent affirmé que la vidéo web n’est qu’une sous forme de création. Mal imaginées, réalisées, elles souffriraient du manque de compétences et de moyens de ses créateurs. Mais face aux changements fondamentaux dans le paysage de l’industrie des médias et la mise en place d'une véritable industrie de la création sur internet, fondée sur le partage, peut-on aujourd'hui soutenir ces propos sans rougir ? Le recyclage des créations et créateurs du web Aujourd'hui, les vidéos destinées à internet, qui rencontrent une large adhésion du public, sont souvent récupérées par d'autres médias. Pour exemple, les émissions reprenant les vidéos qui font le "buzz" sur internet pullulent sur les chaînes de télévision. De même, comme nous verrons plus tard, les chaînes de télévision n'hésitent pas à approcher ces internautes créateurs avec l'objectif de mettre en place des collaborations. Ces constatations pourraient effectivement faire penser qu'internet n'est qu'une échelle permettant l’ascension vers d’autres médias, mais ce serait faire une analyse bien superficielle que d'en rester là. La relation des médias classiques avec la communauté créative du web est beaucoup plus complexe. Qu'il s'agisse du programme dans son ensemble ou bien de la réaffectation des personnes à l'origine du succès (comédiens, créateurs...) sur d'autres projets, l'intrusion des acteurs du web vers d'autres médias est donc souvent expérimentée. Et il s'agit bien là de tentatives car il est courant que la greffe ne prenne pas.
  • 8. 8 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM En effet, ce n'est pas parce qu'une célébrité du web, avec sa base de fans, s'approche d'un autre média que la réussite du projet est garantie. Le public habituel ne regardera pas forcément la personne qu'elle suit sur internet dans un contenu différent et sur un autre média. Méthodologie de recherche C'est la raison pour laquelle j'ai décidé, dans le cadre de ce mémoire, de sonder les ressentis et apprécier les usages de ces personnes à l'origine de ces changements : le public internaute. Ces derniers, friands de créations audiovisuelles et visiteurs réguliers des plateformes de partage de vidéos, ne sont pas nécessairement des professionnels du web. Cependant ils s'y intéressent, en sont les décideurs et parfois les créateurs. C'est leur ressenti, vierge de toute analyse, qui sera le fondement des conclusions faites. Ce sont eux qui font la réussite ou non d'un projet audiovisuel sur internet. Dans cette optique, j'ai choisi de créer un questionnaire en ligne à destination principalement d'une population jeune et connectée. J'ai utilisé Google Doc. Pour obtenir un maximum de réponses, j'ai opté pour un questionnaire assez court, sur les thèmes forts de ce mémoire : la concurrence du web face aux autres médias, les catégories de contenus propre à remporter du succès sur internet, la participation des internautes à la création sur internet, le financement participatif et la rémunération des contenus audiovisuels sur internet de manière plus générale. J'ai choisi de poser des questions qui s’intéressent à des aspects précis et moins exploités de ce mémoire. J'ai fait ce choix afin de faire de ce questionnaire une matière secondaire pour enrichir ces points complémentaires, mais cependant importants, du sujet principal. La connaissance des sites de financement participatif par la génération dites Y, leurs habitudes de consommation et création ainsi que leur opinion sur le financement par la publicité. De même, les études de cas concrets ponctueront les différentes parties. En effet, beaucoup d'entre eux me semblent symptomatiques des changements importants dans l'usage d'internet et des médias en général. Ainsi, ils serviront à étayer ou réfuter les hypothèses prononcées.
  • 9. 9 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM L'approche difficile des médias classiques par les créateurs du web Pour en venir à l'intrusion parfois ratée de ces créateurs du web dans d'autres médias, plusieurs cas se détachent. Pour commencer, le premier rôle de Norman Thavaud, le célèbre Youtubeur, au cinéma dans le film "Pas très normales activités". Adepte des podcasts, les vidéos postées sur sa chaine atteignent en moyenne 5 millions de vus. Pourtant il n'a pas permis au film de dépasser les 200 000 entrées au cinéma. Des chiffres bien faibles comparés au nombre de fans et followers que le jeune homme a su engranger sur Youtube et sur les différents réseaux sociaux. Mais puisqu'il existe déjà un public comment peut-on expliquer cette difficulté à mobiliser ? En premier lieu, on peut s’interroger sur le contenu du film en lui-même. C’est ici que s’impose la difficulté de passer d’un média à l’autre. Le réalisateur, Maurice Barthélémy, a fait le choix de puiser dans les codes de la production web, du moins en apparence. D’abord, les vidéos sont censées être filmées avec des dispositifs qu’on pourrait qualifier d’amateur (téléphones, Gopro). Dans l’aspect car ce n’est pas le cas en vérité. Le spectateur assiste à des sketches en rafale, sur un ton décalé. Et Norman reprend ici son rôle habituel largement exploité dans ses vidéos youtube : le jeune moyen et maladroit féru de nouveautés, un peu à côté de ses pompes. En bref, le film reprend quelques « normes » du web, qui seront étudiées dans la suite de ce mémoire. Mais ce n’est pas parce que l’on utilise les règles du web, un visage familier des internautes et l’humour que l’on peut se permettre de proposer un film reposant sur un scénario douteux. De plus, l'acteur principal du film a été pointé du doigt car il n'aurait pas su persuader l’audience de l’intérêt du projet sur les plateaux télévision. Lors de la phase de promotion, il aurait visiblement été peu à l’aise dans l’exercice et ses passages auraient été « mal calibrés » 1 (en illustration Norman et Stéfi Celma venues défendre "Pas très normales activités" sur le plateau de "On n'est pas couché" sur France 2 le 26 janvier 2013). 1 Mathieu Géniole – Le nouvel observateur - « Norman, Cyprien, 10 minutes à perdre : le naufrage des "Youtubeurs" hors du web » - 01 février 2013
  • 10. 10 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM La raison principale des déboires du film semble être le langage adopté. Le ton internet n’est pas forcément adapté à la télévision ou au cinéma. Pour le spectateur, ce n’est pas la même démarche ni la même implication. Par conséquent, ce n’est pas la même attente. Pour l’audiovisuel, comme pour les autres modes de communication emportés par les évolutions d’internet (le journalisme en tête), le contenu doit répondre aux attentes en coïncidant avec le format. Ce sont deux médias où l’audiovisuel tient une place centrale mais avec des codes de communication différents qui ne sont pas facilement interchangeables. Un film aux ressorts web au cinéma et un acteur du web à la télévision ne seraient donc pas des combinaisons gagnantes. Une mauvaise adaptation au support ? Ainsi l’échec du film pourrait en grande partie tenir à la difficulté d’adaptation des contenus aux supports. Cependant, on ne peut pas tirer de conclusions de ce seul exemple étant donné la qualité discutable du film examiné. L’échec pourrait en effet être en très grande partie le résultat d’une réalisation et d’une écriture hasardeuse. Proposer une production passable sous prétexte qu’il y a un public potentiel nombreux, du fait de la présence de Norman et d’un membre des robins des bois à la réalisation, n’était visiblement pas la stratégie à adopter. La shortcom "La question de la fin", qui a été diffusée dans le Grand Journal de Canal +, a subit les mêmes revers. C’est un projet issu de l'imagination du collectif humoristique 10 minutes à perdre, sévissant sur Youtube depuis plusieurs années. C’est d’ailleurs l’un des premiers collectif français lancé sur le site. Après deux mois d'antenne à la rentrée 2012, la série est déprogrammé "pour permettre de développer" le concept selon les producteurs de l'émission. Le groupe a récemment été dissous, abandonnant un possible développement. Là aussi c’est le support qui semble être en cause et le manque d’adaptation de l’écriture au format télévisuel pointé du doigt. De même que l’abandon du volet web de leur carrière, ainsi que toute la stratégie de communication qui l’entourait, suite à leur arrivée à la télévision. C’est en effet une décision discutable étant donné que les
  • 11. 11 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM admirateurs du collectif sont fondamentalement des internautes. De plus, il est vrai que c’est un programme qui aurait mérité d’être développé mais pour la télévision. L’absurde des épisodes, diffusés sur la Canal +, n’avait d’égal que ses équivalents web. Avec un humour particulier, vraisemblablement destiné à un public jeune et masculin, mais qui cependant rassemble sur le web. La différence c’est que, sur internet, le contenu est laissé à la disposition de l’internaute qui est libre de regarder, partager ou d’aller voir ailleurs. Les créateurs peuvent se permettre d’oser une écriture particulière, de tester de nouvelles choses car ils ne sont pas étroitement liés à des impératifs de résultats. Une liberté qui fait la richesse de la création internet. Et qui en fait un adversaire de taille face aux autres médias, par son potentiel d'innovation. Au contraire, le Grand Journal est une émission grand public, avec des impératifs d’audimat en lien direct avec la pérennité du programme. Et, s’ils sont habitués au ton sarcastique, il faut néanmoins que les programmes proposés conviennent au plus grand nombre. D’autant qu’avec des prédécesseurs comme "Bref" ou le "SAV d'Omar et Fred", la barre semblait bien haute. Ainsi, selon les médias, des enjeux différents existent et ils influent sur le contenu. Et même si certains sont très proches (audimat, nombre de vues), ils n'ont cependant pas le même degré d'importance car ils n'impliquent pas les même conséquences. Cette constatation laisserait à penser que la création web est nettement moins influencée par des impératifs extérieurs, ce serait de la création "pure". Et internet serait le berceau de la diversité de contenus audiovisuels. Cependant, à mesure que les professionnels s'emparent du terrain d'expression web se sont les mêmes exigences qui s'installent. Financières surtout. Et c'est, peut être, le début d'une uniformité de contenu. Ou du moins d'un polissage de celui-ci. Faut-il pour changer sa ligne artistique pour répondre aux sirènes d'autres médias ? Ne serait-ce pas perdre son identité et renier la particularité qui a fait le succès sur internet ? Avec la mise en place progressive d’un écran unique, la distinction des formats ne va t-il pas disparaître ? Est-ce que ce rapprochement va servir la création sur internet ou provoquer la perte de sa richesse créative ? A l’image de séries télévisées qui, à mesure que l’univers de la production réalise le potentiel créatif de ces formats, approchent d’une qualité cinéma. Ces échecs ne seraient-ils pas les prémisses de futures grandes réussites ? Ce sont des interrogations qui seront abordées plus loin dans ce mémoire. En attendant, il serait judicieux de voir plus en avant les sources de ces difficultés au crépuscule de la convergence des supports.
  • 12. 12 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM Les origines des difficultés ont été évoquées plus tôt, dans l’étude de cas concrets. Mais il est important d’aller plus loin qu’une simple évocation pour pouvoir comprendre les rouages de cette économie nouvelle. Comme on a pu le voir plut tôt, la qualité des projets et l’adaptation au support est le premier point. Ce n'est pas parce qu'il existe une base d’amateurs importante qu'ils sont prêts à tout voir aveuglement. Des caractéristiques créatives proches Ainsi, on pourrait prendre comme exemple de réussite la courte série "Groom service", avec Jérôme Niel et diffusé au Grand Journal de Canal +. Avant d’être diffusée sur cette chaîne, une première "saison" de la série a été diffusé lors du Montreux Comedie Festival. L'histoire prend place autour de 4 épisodes contant les péripéties d'un Groom dans un grand hôtel durant cet événement. Plusieurs célébrités font leur apparition dans cette série. Elle a été imaginée pour une diffusion web sur Youtube et Dailymotion. La série a d’ailleurs été sélectionnée au Web Programme Festival de La Rochelle, festival international de télévision sur internet. Son volet télévisuel est donc une suite, une adaptation de cette web-série pour la télévision et pour un autre événement : le festival de Cannes. Elle répond à la volonté de Canal + de créer des pastilles humoristiques autour de cet événement alors que le plateau du Grand Journal a été délocalisé sur place et que les invités prestigieux s'y bousculent. La série est réalisée par Ludoc qui n’est autre que le réalisateur en chef du Studio Bagel, chaîne web française de comédies créée à l’initiative de Youtube. On retrouve également Monsieur Poulpe à l’écriture. Il a fait ses armes dans des émissions web comme le célèbre Golden Show lancé sur Ankama et aujourd’hui repris par Golden Moustache. Jérôme est lui un Youtubeur célèbre. Il a également participé aux vidéos du Studio Bagel et fait des chroniques pour MTV où il décortique les clips vidéo. C’est donc une équipe très web qui pilote le volet artistique de ce projet. Une équipe
  • 13. 13 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM qui s’imprègne ici d’un style différent de ce qu’ils ont l’habitude de faire. Même si on retrouve le ton absurde qui les caractérise et une réalisation très reconnaissable. Il est peu pertinent de comparer cette série à son homologue "La question de la fin" précédemment évoqué. Car même si les programmes ont été diffusés dans la même case horaire et pour la même émission, "Groom service" a été programmé sur une période bien plus courte et dans le cadre d'un événement important pour le cinéma. Cependant, cette production a su séduire le public contrairement à la première et cette approche événementielle exceptionnelle ne saurait intégralement expliquer cette différence de traitement. Ce nouveau programme court a pourtant lui aussi une naissance web et les entités créatrices sont elles mêmes des enfants du web. Pour la plupart autodidactes passionnés. La différence tient probablement dans le fait que c’est ici un programme qui s’adapte aussi bien au petit écran qu’à une diffusion en ligne. Il reprend les caractéristiques de la série courte précédemment diffusées dans cette case horaire « Bref » qui avait été plébiscitée par le public. Un format court et dynamique, un personnage central et un ton décalé et absurde. Cet exemple va à l’encontre de l’hypothèse selon laquelle une production doit avoir été imaginée pour son support pour pouvoir pleinement s’y mouvoir. "Groom service" est une web-série cependant elle s'adapte très bien à la télévision. Il existe des modalités d’écriture et de format (durée par exemple) différentes d’un média à l’autre mais elles ne sont pas nécessairement incompatibles et se recoupent parfois. Les programmes web tendent à rejoindre les programmes télévisuels en termes de qualité, d’ambition et de moyens. La web-série n'est plus la petite sœur désordonnée de la série télévisée. Elles se rejoignent dans leurs caractéristiques alors que les attentes des internautes et des téléspectateurs évoluent pour se croiser. Les modes de consommation de contenus vidéo par l'internaute Le second point est le changement du mode de consommation des spectateurs. Il tient donc aux caractéristiques évolutives des internautes évoquées plus haut. Ceux qui ont l'habitude de consommer du contenu audiovisuel sur internet n'iront plus forcément faire l'effort d'allumer leur télévision ou de se déplacer au cinéma pour pouvoir voir ce qu'ils pourront consommer devant leurs ordinateurs. Ils ont acquis de nouvelles habitudes de consommation à mesure que les contenus convergeaient vers un accès en ligne. Replay, live, téléchargement et streaming (légal ou non) ponctuent désormais leurs habitudes quotidiennes concernant le visionnage de contenus. Et c'est faire preuve d'une obstination enfantine que de fermer les yeux
  • 14. 14 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM face à ces changements irrémédiables. De même que de penser qu'un retour en arrière est possible. Là où il y a quelques années les chaînes "émettaient sur Internet un échantillon quotidien de leurs programmes" 2 , c'est aujourd'hui presque toute leur grille que l'on retrouve en ligne. Ces contenus sont donc accessibles en quelques secondes, ce qui demande une implication et une réflexion moindre quand au choix de ces derniers. Il est plus simple de voguer vers d'autres contenus lorsqu'il y a une offre foisonnante, diverse et variée à portée de clic. Une facilité d'accès qui implique des conséquences sur les caractéristiques des vidéos que nous verrons dans une autre partie. Elle oblige aussi à la performance technologique des moyens de visionnement pour pouvoir garder un internaute devenu impatient et spécialiste de la recherche de contenus vidéos. Cela semble également obliger à une qualité grandissante des contenus pour se détacher face à la multitude. Ainsi, les éléments dégagés peuvent être rangés dans un principe unique : l'immédiateté. Immédiateté dans l'accès et immédiateté dans la qualité et l'aptitude à convaincre. Le degré d'implication de l'internaute Le troisième point rejoint le précédent, il s'agit de l'implication financière et personnelle que requiert cette nouvelle proposition. Faire une vidéo sur Youtube peut rapporter de l'argent mais c'est une création qui sera vue gratuitement. "Et les internautes ne sont pas des bienfaiteurs : il ne faut pas compter sur eux pour dépenser 10 euros au cinéma alors que votre film sera disponible en torrent (ou en streaming) dans les jours qui viennent." 3 Avec l'augmentation des prix des places, aller au cinéma est devenu un acte réfléchi. Grâce à des plateformes comme Allociné, le spectateur peut rapidement savoir si le film mérite le temps et l'argent qui sera dépensé grâce aux avis postés par les internautes. C’est l'ère de la recommandation sociale. De nouveaux comportements dû au web participatif qu’on ne peut pas faire semblant d’ignorer. Ce sont des éléments concrets de la manière de consommer des contenus aujourd’hui et le futur va vers d’avantage de ces composantes plutôt qu’à leur diminution. 2 Yves Thiran – « La télévision et Internet, entre concurrence et complémentarité » - 1996 3 Mathieu Géniole – Le nouvel observateur - « Norman, Cyprien, 10 minutes à perdre : le naufrage des "Youtubeurs" hors du web » - 01 février 2013
  • 15. 15 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM Cependant il ne faudrait pas en déduire que l’internaute est allergique à toute forme d’implication. Bien au contraire, l’internaute est un être fidèle à son contenu audiovisuel favori dès lors qu’une proximité, un lien affectif s’est installé dans la relation. Communauté d’intérêts, identification et échange en sont les maîtres mots. Une fidélité qui peut sembler volatile au vu des exemples précédents. En pleine mutation, on pourra bientôt en évaluer à nouveau la force dès lors qu'il y a une transposition vers un autre média. En effet, Norman Thavaud travaille actuellement sur un scénario destiné au cinéma, en collaboration avec un autre youtubeur célèbre Cyprien Iov. Il s’agit, à priori, d’une histoire détachée de tout contenu web déjà existant. Et il faudra voir si ces habitués du poadcast sauront faire évoluer leur écriture pour un film de cinéma. Et sauront offrir un moment de qualité à leurs spectateurs. La qualité initiatrice de succès Car au final, c'est peut être essentiellement le facteur de qualité qui fait la différence entre réussite et échec. Sans considération du média d’origine, de l’entité créatrice et de sa popularité : on attend des productions une qualité équivalente à leur média de diffusion. Surtout que, à la faveur du regroupement vers l’écran unique, on converge vers un niveau de qualité lui aussi unique. Les séries télévisées atteignent la qualité des films de cinéma et les web-séries rivalisent avec les séries télévisées. Mais il existe encore des différences dans la manière d’aborder la création, qui, sans forcément jouer sur la qualité, font varier la forme. Concernant les aspects de téléchargement et visionnement en ligne qui touchent à la sphère légale de la création et la diffusion d'œuvres audiovisuels sur internet, j'ai volontairement souhaité ne pas trop approfondir ces volets législatifs. En effet, le sujet n'est pas l'encadrement des processus mais bien l'évolution de ces derniers. Même si la législation joue et jouera un rôle important dans les mutations prochaines, l'analyse de l'économie souterraine existante détachée des contraintes légales me semble déjà révélatrice des habitudes des internautes et de ce qu’est amenée à devenir la consommation légale de contenus audiovisuel dans le futur. De plus, l'aspect légal pourrait faire l'objet d'un mémoire à lui seul tant le sujet est vaste et ancré dans l'actualité. Ainsi, j'aborderai ces points seulement s’ils ont un rôle primordial dans le jeu des hypothèses et je ne chercherai pas à être exhaustive sur ce thème.
  • 16. 16 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM L'ajout progressif d'amateurs au secteur professionnel Le quatrième point à prendre en compte dans le jeu des médias est le progressif passage d’amateurs au rang de professionnels. Leur intégration dans un contexte professionnel, avec des attentes précises et des enjeux financiers, prend du temps. Nous en sommes encore à la phase d’expérimentation dans notre pays. Aux Etats Unis, où le culte de la réussite et le storytelling sont rois, la production audiovisuelle web est devenue un média de création à part entière. Professionnels et amateurs s’y côtoient. Par exemple, nombre de chanteurs déjà signés sont lancés sur Youtube avec des vidéos « covers », reprises de chansons accompagnées d’une guitare. Ce processus est une technique de promotion empruntée aux musiciens amateurs assoiffés de reconnaissance. Les histoires de jeunes artistes américains repérés par des maisons de disques sur cette fameuse plate-forme vidéo sont monnaie courante. "Les success stories de musiciens qui sortent de l'anonymat se multiplient"4 . Et sont cultivées par la communauté qui pratique le culte de l’amateurisme. Cependant le courant est parfois inversé puisque des artistes signés empruntent cette technique, à l’initiative des maisons de disque, en postant des vidéos à l’aspect amateur et spontané. Et les initiateurs de la vidéo, les décideurs du labels, sont souvent volontairement oubliés. Pour laisser croire à une initiative amateur. Les internautes s’approprient ainsi le personnage avant de le découvrir sur d’autres médias dans un contexte plus professionnel. Ils ont l’impression d’avoir participé à sa découverte, d’avoir été des acteurs de la réussite. Un sentiment important dans un environnement internet participatif et social. Ces techniques provoquent parfois un rejet du public car elles font entrer un professionnel diabolisé dans le processus. Il y a suspicion de recherche de profit et d’entrave à la créativité. Ce qui va à l’encontre des principes de base d’internet. Comme la gratuité et la liberté. Ces méthodes ne sont pas seulement utilisées dans le domaine de la musique mais aussi dans la création audiovisuelle (web-séries, courts métrages …). C’est une manière de promouvoir un artiste, ou une marque, à moindre coût ainsi que de le faire adopter par une communauté d’adeptes en recherche constante de nouveautés, de talents inconnus et de qualité. Mais c’est aussi la disparition de la frontière professionnel/amateur. Des amateurs sont élevés au rang de professionnels et des professionnels se font passer pour des amateurs. 4 GERVAIS Jean-François, « Web 2.0 - Les internautes au pouvoir - Blogs, Réseaux sociaux, Partage de vidéos, mashups… », Edition Dunod, 216 pages, 2006
  • 17. 17 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM En France, les débuts sont encore timides. Les précurseurs attisent la curiosité par leur marginalité mais ils ne sont pas encore pris très aux sérieux par les décideurs des médias classiques. Probablement de part l’origine amateur (ou apprenti) de ces personnalités émergentes du web. C'est une distinction qui sera plus longuement étudiée dans la suite de ce mémoire. Ainsi les transpositions réussies de produits et acteurs d’internet vers d'autres médias existent mais sont encore délicates au cœur d’un processus de « convergence avec l'Internet »5 en pleine phase d’expérimentation. Aussi ceux qui débutent sur internet reviennent souvent vers leur premier amour, emprunt de liberté : l'espace web. Ils répondent ainsi aux sollicitations de leur premier public : les internautes. Leur démontrant un attachement commun. Car, en effet, c’est un public qu’il faut soigner. Sans eux ces artistes ne sont pas grand-chose. Et c’est ce que dépeignent les exemples évoqués. Ce qui est certain c'est que ces célébrités du web attirent vers eux d'autres médias avides d’investir ce nouveau format et d’apprendre ces nouvelles règles dans un intérêt économique commun. On assiste donc à la mise en place d'une véritable économie de la production audiovisuelle en ligne qui effrite petit à petit le mur séparant les médias. Des chaînes, comme M6, l'ont compris. Cette dernière a créé, il y a quelques mois, le site Golden Moustache qui est voué à la création audiovisuelle destinée à internet. Mais puisqu’il semble y avoir des règles d’écriture, de format et de diffusion différentes d’un média à l’autre, qu’elles sont celles de la création web ? Les exemples de réussite répondent-ils à un modèle précis ? 5 Léo Scheer – "Canal+ n'a plus 20 ans d'avance, mais 10 ans de retard !" - Le point – 23 Juillet 2013
  • 18. 18 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM Alors que les professionnels s’investissent d’avantage chaque jour dans l’avenir du web en tant que vecteur de création, on assiste à la mise en place de règles de réussite. Elles ne sont pas créées par ces nouveaux acteurs car elles étaient auparavant tacitement suivies par les premiers artisans du contenu audiovisuel sur internet. Mais avec l’établissement d’une économie de la création sur le web, elle est aujourd’hui formulée et appliquée. C’est la théorisation du succès de la vidéo sur internet, jusqu’à en faire une véritable discipline. En témoigne les livres, parus ces dernières années, expliquant comment réussir son entreprise de vidéos sur internet. "Le Web 2.0 est friand de concepts, plus pour rassurer les investisseurs que pour le bien des internautes, soulignerons les mauvaises langues."6 Les indispensables de la vidéo web Ainsi, il semblerait que les thèmes et formats développés sur le web doivent suivre des standards pour espérer attirer un public devenu exigeant face à la quantité mais désormais habitué à une certaine catégorie de contenus. Et ce sont les web-séries, créatrices de véritables univers fictionnels, qui sont les plus plébiscitées. Ou des successions de courts métrages avec des personnages et thèmes récurrents. Ils sont généralement réalisés par une équipe identifiée faisant de ces travailleurs de l’ombre de véritables célébrités. C’est un tout, un collectif qui permet d'envisager un public plus nombreux car il réunit des personnalités distinctes. Ce choix répond à un souci d’identification, d’appropriation en même temps qu’il met en avant le talent multidisciplinaire des personnes qui composent le groupe. C’est la valorisation du petit génie, artiste et disciple des nouvelles technologies. 6 GERVAIS Jean-François, « Web 2.0 - Les internautes au pouvoir - Blogs, Réseaux sociaux, Partage de vidéos, mashups… », Edition Dunod, 216 pages, 2006
  • 19. 19 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM Autrefois moqué, il symbolise aujourd’hui une catégorie de jeunes. Ultra connectés, acteurs du web et avides de nouveaux savoirs, ils sont le moteur du changement. Dans leurs créations, on met en avant ces personnages centraux qui sont mis en scène dans diverses situations. Et on n’oublie pas de filmer le processus de création pour faire partager à l’internaute l’envers du décor. Jusqu’à faire des live de plusieurs heures sur Youtube pour faire partager, en direct aux internautes, des moments de complicité et de création. C’est encore une fois un moyen de créer une relation privilégiée avec lui, de proposer un lien, une conversation sans intermédiaire. Même si l’approche reste virtuelle. C’est le cas du site Golden Moustache créé par la filière M6 Web. Pour fêter les 300 000 abonnés sur leur chaîne, la plate-forme a proposé un live de 10 heures, en streaming sur Youtube. Golden Moustache propose des créations audiovisuelles humoristiques avec un noyau de créateurs, bien connu des amateurs. On citera notamment le collectif "Suricate" formé par Raphaël Descraques, Julien Josselin, Vincent Tirel et Florent Bernard (Flober). Tous issus du web, ils ont cependant chacun fait leurs preuves dans des réalisations financées par des chaines et sociétés (Ankama, France Télévisions, M6). Mais ces derniers restent de grands débrouillards. Ils ont démarrés sur internet avec des créations personnelles, peu de moyens. Les créations Golden Moustache utilisent les codes récurrents de la vidéo web. A juste titre puisque c’est un contenu destiné à internet. Même si certaines vidéos sont ensuite diffusées sur W9. En effet les vidéos constituent des courts métrages humoristiques à part entière, même si ils sont calibrés pour internet. Leurs vidéos sont courtes, de nouvelles créations sont ajoutées régulièrement, des personnages identifiés sont présents à chaque vidéo. Page d'accueil du site Golden Moustache Page Suricate du site
  • 20. 20 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM On retrouve aussi un ton décalée et absurde. Puis, dans l’écriture, des thèmes chers aux créations du web: cinéma, nouvelles technologies, culture geek et science fiction. Une sorte de CollegeHumor à la Française. C’est une véritable organisation autour de la création internet qui a été créée par M6 Web. Adrien Labastire, Directeur Général Adjoint chez Golden Moustache rencontré en février dernier, a exprimé la volonté d’utiliser leur nombre de vues croissants, leur visibilité et leur sympathie comme des arguments commerciaux. Proposant ainsi à des marques leurs compétences audiovisuelles adaptées à internet et appréciées des internautes à leurs fins. C’est l’espoir pour ces marques d’attendre un public difficilement prévisible. Et, donc, un nombre de vues important pour un contenu qui promeut, de manière plus ou moins direct, un produit. Ce vœu de la direction a été exaucé puisqu’ils ont réalisé un véritable court métrage pour Orangina, « Mission 404 », en collaboration avec le Studio Bagel. La recette, pour pouvoir s’adapter à internet et aux exigences internautes, semble être celle-ci : un format court et feuilletonnant, une régularité d'ajout, une écriture fine et décalée. Il est également primordial de créer des contenus percutants dès la première minute car il faut savoir capter l’attention tout de suite sous peine d’être zappé. Les premières images sont déterminantes. Le public visé est en majorité jeune et présent sur les réseaux sociaux, dont il se sert pour partager les contenus qu'il a apprécié. Twitter et Facebook sont ces outils de communication favoris car ils permettent de partager les vidéos appréciés avec ces amis proches tout en cultivant une certaine proximité avec les créateurs de contenus, également présents sur ces sites communautaires. C'est d'ailleurs grâce à ces plateformes que ces chaînes se font connaître, c'est ce que nous verrons dans la partie suivante. Concernant le genre dans lequel classer ces contenus, on remarque que les œuvres de création plébiscitées sont souvent des comédies. Comme c'est le cas pour Golden Moustache, Studio Bagel et autres Youtubeurs évoqués précédemment. De même, le questionnaire réalisé pour ce mémoire montre que, pour plus de la majorité des personnes interrogées, ce sont les clips musicaux puis les fictions humoristiques qui sont leurs contenus favoris sur internet. Cette information recoupe celle donnée
  • 21. 21 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM par Youtube selon laquelle la catégorie la plus appréciée est « Humour ». « Car la plupart des utilisateurs utilisent les plateformes de vidéos pour se divertir»7 . La vidéo native web : des créations amateurs en formation Selon certains, les plateformes de partage de vidéos proposent cependant du divertissement de mauvaise qualité. Il est vrai qu'Internet ne propose pas que du contenu de création "pure", comme nommé plus haut. Mais, les exemples précédents tendent à prouver que les contenus qualitatifs sont une réalité et qu'il existe même des festivals pour les récompenser. Il faut effectivement savoir faire le tri dans cet océan de contenus. Mais, grâce aux réseaux sociaux, les initiatives de qualité finissent par immerger. Le contenu audiovisuel web est également vecteur d’apprentissage. Des connaissances nouvellement acquises qui vont elles même nourrir la création web en terme de qualité. En effet, le principe du « Do it yourself » est favorisé par cette offre foisonnante de formations en ligne, dont une grande part est disponible en vidéo. Sur Youtube, les vidéos astuces, tutoriels et démonstrations pullulent et remportent un certain succès. Notamment dans le domaine de l'audiovisuel. Les formations, en libre accès, permettent de maitriser les différents outils disponibles et proposent de créer du contenu vidéos à moindre coût. C'est le cas du site VideoCopilot, référence dans l'industrie des effets spéciaux mais pourtant accessible à tous. Le site propose des tutoriels et des outils d'une qualité impressionnante pour des logiciels permettant l'édition de contenus vidéos (After effects ...). Ces ressources sont utilisés par les professionnels du film partout dans le monde. Le fondateur du site n'est autre qu'Andrew Kramer. Web designer de formation, il travaille aussi pour le cinéma et la télévision. Il a par exemple réalisé le générique de la série "Fringe" ou travaillé sur le film "Star Trek: Into Darkness". Dans une moindre mesure, l'émission Film Riot se penche également sur ce domaine. Mais en ce concentrant d'avantage sur les éléments à prendre au compte au moment du tournage. L'émission est proposée par le réalisateur Ryan Connolly, pour la chaîne web Révision 3. 7 Maek R.Robertson – “Types and Categories of Videos On YouTube” – ReelSEO.com
  • 22. 22 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM L'arrivée de plateformes professionnelles dans le laboratoire de création du web La WebTv Révision 3 est spécialisée dans le domaine des innovations technologiques et digitales. Crée il y a plus de huit ans, cette entreprise de vidéos sur le web est considérée comme une pionnière. Le nom lui- même révèle une volonté d’innover. Les fondateurs Jay Adelson et David Prager considéraient que la convergence des supports vers internet constituait une modification de la manière de visionner des vidéos (revision en anglais). Le troisième bouleversement, dans l’ordre chronologique d’apparition, après les chaines câblées notamment. D’où le choix de Revision3. Basée à San Francisco, la compagnie atteignait les 100 millions de vues par mois en avril 2012 et a été reprise par Discovery Communications en mai 2012. Certaines émissions sont produites et détenues par Revision3 mais la plupart le sont de façon indépendante. Revision3 ne gère que la distribution (iTunes, Discovery.com, BitTorrent, YouTube, Android, Xbox …), la commercialisation et ne produit pas le contenu. Un contenu qui s’adresse une catégorie de spectateurs avisés, une niche de passionnés. Cette niche se rapproche pour une part de celle des exemples cités plus haut : jeune, connectée et insatiable des nouvelles technologies. Cependant elle diffère sur la spécialité de ces derniers. La chaîne s’adresse à un public de véritables initiés. Ils doivent souvent posséder des connaissances particulières de bases pour pouvoir comprendre le langage technique utilisé. Même dans ce qu’elle fait de comédies. Si l’humour Golden Moustache est fédérateur et qu’il peut potentiellement s'adresser à n'importe qui, ce n’est pas le cas de Révision 3. C’est un choix éditorial qui le prive d’un certain public mais qui en fait une véritable référence dans son domaine d’exercice. A titre de comparaison, à l’heure actuelle Revison 3 cumule 19 800 fans
  • 23. 23 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM sur Facebook contre 85 800 pour Golden Moustache, pourtant chaîne française. Un écart qui prouve que l’humour est une catégorie vidéo qui répond bien aux attentes des internautes et qui encourage l'interaction sociale. Mais rien ne dit que la création web doit nécessairement être tout public et faire de la sous-pédagogie ou du sous-divertissement. S'il est vrai que certaines vidéos simplistes accumulent un nombre de vues colossal, il ne faut pas penser que c’est un critère de réussite. Il n’est pas nécessaire d’enfanter de sous-créations audiovisuelles, populaires et ineptes, pour avoir du succès sur internet. Et c’est ce que prouvent à nouveau ces exemples. Les chaines de télévision qui se lancent sur le web l'ont bien compris. Ainsi le studio 4.0, crée par la chaine France 4, promeut sur internet, et grâce à Dailymotion, "Le meilleure de la jeune création, en série ou en format court" comme l'indique la tag line. Le studio 4.0 c’est un : « Véritable laboratoire de la fiction pour les jeunes auteurs, réalisateurs et producteurs. Studio 4.0 héberge les coproductions développées au sein de la direction des Nouvelles Ecritures et du Transmédia de France Télévisions ainsi qu’une Page du Studio 4.0 sur le site France 4 sélection de projets internationaux. Qu’ils soient produits en France, en Suède, en Espagne, au Brésil, au Canada ou aux Etats-Unis, Studio 4.0 offrira cette année plus de 450 épisodes de web séries, plusieurs heures de programmes et de court- métrages, sans aucune restriction de genre: humour, fantastique, animation, science fiction, comédie sentimentale… »8 . 8 Studio 4.0 – Dailymotion - http://www.dailymotion.com/Studio-4-0
  • 24. 24 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM Cette initiative reprend donc des critères déjà évoqués : une nouvelle forme d’écriture, de la fiction, des formats courts dans l’optique d’un adaptation multiécrans. Une tentative d'immersion dans l'univers du web, débordant d'idées et de possiblités, en s'associant à une nouvelle vague d’acteurs du web (auteurs, réalisateurs, producteurs) qui ont émergé en ligne et qui sont à l'origine de ses codes. Autre chaine à avoir franchit le pas depuis quelques années : Canal +. La série Kaira shopping a été repérée par les producteurs de Save Ferris sur le web en 2008. La chaîne s’enthousiasme alors et fait du programme sa première web-série, en partenariat avec Pepsi qui devient le parrain du programme sur le web. S’appuyant sur les 4 millions d’internautes fans de la série, la marque de soda fait des Kaïra les ambassadeurs officiels de la marque et démarre une série de spots TV déjantés au printemps 2009. Poussé par le succès, la websérie est adaptée au cinéma. Le concept se transforme alors en un film « Les kaira », film français le plus rentable de 2012). Malgré ce succès, la chaîne n’a pas tenté de nouveaux projets dans le domaine de la création web. Léo Sheer affirme dans Le Point que « Au départ, Canal avait 20 ans d'avance, aujourd'hui, elle a 10 ans de retard, dans un monde où tout va trop vite pour elle »9 . Il est vrai que, si dans le domaine de la diffusion multi-écrans et à la demande le groupe fait des propositions, ce n'est pas vraiment le cas en terme de contenus web inédits. Il semblerait donc qu'effectivement les nouvelles plateformes suivent implicitement un schéma de création, des normes misent en place par les premiers colons de la création audiovisuelle web. On s’aperçoit que ce sont surtout des initiatives « professionnelles » qui ressortent lorsqu’on recherche une itération. Elles sont initiées par des sociétés déjà bien établies dans le domaine de l’audiovisuel et intègrent dans leurs équipes les acteurs immergeant d'internet. 9 Léo Scheer – "Canal+ n'a plus 20 ans d'avance, mais 10 ans de retard !" - Le point – 23 Juillet 2013
  • 25. 25 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM Dès lors, on peut s'interroger sur la liberté de création propre à internet. Est ce qu’on ne s’enferme pas dans des normes restrictives dès lors qu’il y a institution d’une véritable organisation de la création sur le web? N’est-ce pas la fin de la liberté de création propre à internet, en même temps que l’arrivée de considérations financières ? L’ère de l’amateurisme est-il révolu ? Le paysage ne devient-il pas trop étroit pour des initiatives « amateurs », dans le sens où elles sont personnelles et non motivées par la recherche de profit ?
  • 26. 26 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM Dans l’idée, ces productions du web possèdent leur propre façon de créer et promouvoir leurs contenus : utilisation des réseaux sociaux, accessibilité, créativité et rejet des méthodes marketing classiques. Dans le domaine de l’audiovisuel, ces points composeraient donc la liberté propre à internet. Dans la réalité, ils s'expriment de plusieurs manières. L'origine amateur des créateurs du web Tout d’abord, il n'est pas nécessaire d’avoir des compétences spécifiques pour se lancer. Pour beaucoup, les créateurs du web se sont formés en autodidacte et utilisent leurs propres matériels. L'ajout de vidéo sur internet se fait en total liberté et n'est soumis à aucun pré requis. Il n'est pas demandé d'avoir un CV dense pour tenter sa chance. Ni même d’avoir un matériel professionnel. Avec l'accès à une multitude de tutoriels, formations en ligne et l'arrivée d'équipements abordables sur le marché, la création est à la portée de presque tous. Car il y a un critère qui ne peut s'acheter ou s'apprendre, c'est la créativité. Le principal vecteur de qualité, critère déterminant dans la réussite de la création sur le web. Ainsi les créateurs connectés qui sont récupérés par les nouveaux acteurs professionnels du web ont quand même fait leur preuve chacun à leur façon. Il n'y a certes pas encore de schéma tracé, de voie à suivre mais ces nouveaux ouvriers de la création web ont tous un point commun : ils ont fait leur preuve dans des créations novatrices du web et parfois dans d'autres médias. Il se crée donc une véritable hiérarchie, communauté organisé selon des principes d’expérience, de connaissances, de recommandation. Un noyau dur, formé par les premiers colonisateurs, qui occupe une grande partie de l'espace. C'est une sphère de la création web qui se construit petit à petit. Il reste à savoir si celle-ci restera encore longtemps ouverte.
  • 27. 27 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM L'autonomie de la création sur internet Le second révélateur de la liberté du web, c’est l’autonomie dans la création. Sévir sur internet c'est s'offrir la possibilité d’écrire selon ces envies. Dans des formats ou des thèmes choisis. « Faire une vidéo sur Youtube peut rapporter de l'argent, mais cela n'inclut pas toujours un contrôle, une intervention extérieure »10 . De par cette indépendance, on peut créer des contenus qu’on ne pourrait diffuser à la télévision. Mais c'est aussi la possibilité de faire n'importe quoi. Et c'est un aspect que les détracteurs de la création web mettent souvent en avant. Décelant le potentiel des plateformes de vidéos, les premières organisations audiovisuelles du web ont justement tenté d'y insuffler de la substance et une orientation. Avec leur installation dans le paysage, on peut alors s'inquiéter d'une possible uniformisation de la création. Un modèle web dont il serait difficile de se détacher. De plus avec l'arrivée d'enjeux financiers, il y a une possibilité de censure. Ou du moins d'un contrôle, qui est une atteinte directe à la liberté. Si on reprend un exemple déjà évoqué, le court métrage « Mission 404, internet doit rester vivant » coproduit par Orangina, Golden Moustache et Studio Bagel. La liberté de création semble avoir été préservée dans ce cas selon les auteurs du projet. En effet dans la vidéo Making of, le scénariste affirme avoir eu une certaine liberté de proposition. Il fallait intégrer le produit dans la création et selon lui Orangina a été « ouvert pour placer le produit intelligemment et de façon décalée »11 . Il aurait donc profité des avantages de la production professionnelle (budget, organisation) sans les inconvénients (contraintes artistiques). Cependant, dans son discours, il semble bien évoquer une phase d'approbation de la marque quand aux choix d'écriture. 10 Mathieu Géniole – Le nouvel observateur - « Norman, Cyprien, 10 minutes à perdre : le naufrage des "Youtubeurs" hors du web » - 01 février 2013 11 Mission 404 – Making of – Chaîne Orangina France - http://www.youtube.com/watch?v=FAGdLGt0gvI
  • 28. 28 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM L'intrusion de la publicité dans la création web A l'instar d'Orangina, la grande distribution tente des intrusions timides. Par ces initiatives, elle démontre une volonté de communiqué avec ces nouveaux outils, de prendre la parole sur le web. Au delà de la création pure, la vidéo du web devient un moyen d'interpeler le consommateur d'une manière originale et créative. A la différence de la publicité classique, il y a une volonté de créer un véritable dispositif adapté au support. Même si ils sont encadrés par un but mercantile, la création et l'originalité sont requis. Carrefour est l'une des premières enseignes à avoir imaginé un dispositif web reposant sur de la création audiovisuelle de divertissement. C'est la web-série "C'est la course ! " crée pour la rentrée 2013. Carrefour reprend les critères de la création web pour proposer un programme adapté au support : un format court, une expérience interactive, des personnages récurrents et identifiables. Mais, dans l'écriture, la créativité déployée reste limitée. La marque mime ses homologues web mais son objectif n'est pas de proposer du contenu audiovisuel mais de faire de la publicité. Et c'est assez évident. Contrairement à Orangina qui a proposé un véritable court-métrage avec "Mission 404". Le produit devient secondaire. Ainsi, le paysage audiovisuel de divertissement vidéo sur le web se retrouve bouleversé par ces offensives marchandes. L’intégration de ces sociétés dans le secteur web ainsi que leurs possibles partenariats avec des auteurs du web peuvent potentiellement impliquer un contrôle, une surveillance de l’image selon des principes dictés par la marque. Internet pourrait incontestablement perdre ce qui en fait sa spécificité pour ne devenir qu'un support supplémentaire, contraint par des règles identiques. Il rencontrerait ainsi des difficultés que la télévision, et à plus forte échelle, le cinéma doivent aujourd'hui affronter.
  • 29. 29 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM La complexification du système de création George Lucas s'est récemment confié à des étudiants d'une université californienne, dénonçant la « volonté de fédérer, de faire des films consensuels qui plaisent à tous, et de la nécessité de marketer, à prix d'or, les films. (…) Certaines idées sont trop téméraires pour être acceptées par les producteurs. » . Ainsi, si ces producteurs et créateurs se tournent vers internet c’est surement pour contourner cet écueil dans lequel est tombé le cinéma. Et la télévision a produit des contenus d’une qualité croissante à mesure que le cinéma se déversait vers ce média. Comme l’indique Spielberg (dont le dernier film, Lincoln, a failli devenir un téléfilm HBO et être privé de sortie en salles) « La télévision est en revanche plus audacieuse». Finalement, internet serait un nouvel eldorado, pour éviter ces préoccupations, un nouvel espace de liberté pour ces acteurs de la création audiovisuelle. Cependant, les professionnels emmènent avec eux des préoccupations de résultat et de profit ... Une liberté temporelle relative Pour revenir aux caractéristiques de cette liberté, un troisième point émerge. L'internaute est libre de diffuser quand il le souhaite. Il n'a pas d’obligations liées à un planning. Il crée, réalise et propose selon l’inspiration. Il n’a pas d’impératifs d’écriture ce qui est peut sembler plutôt bénéfique pour la création. car l'écriture est souvent moins aisée et convaincante sous la contrainte. Cependant, pour entretenir la fidélité du public, il faut adopter une certaine constance. La création web n'est pas détachée de tout impératif temporel et c'est un point que les nouveaux professionnels du web ont bien compris. Si, au contraire de la télévision, les impératifs d'horaires et de dates sont parfois fluctuants, avec la théorisation du succès sur le web vient la mise en place d'un véritable calendrier de création. La liberté de diffusion s'estompe.
  • 30. 30 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM Des circuits de promotion empruntés par les médias classiques La création web s'affranchit des circuits classiques de promotion et de consommation de masse en misant sur le viral, le dynamisme et la personnalisation. De nouvelles méthodes qui leurs permettent d'être au cœur des discussions, de former des communautés et d'être relayé par la télévision et la presse sans dépenser des sommes importantes. Contrairement aux autres médias, qui ont longtemps misés sur la publicité, la création web marche au "Buzz". C'est le principe du bouche à oreille, amplifié par l'utilisation des réseaux sociaux. Des réseaux sociaux qui ont une place importante dans leur stratégie de promotion. Le levier principal de celle ci est la proximité. Le créateur est proche de son public, échange avec lui et lui fait partager le processus de création. Via Youtube, Facebook, Twitter ou encore des blogs tenus à la première personne. Le maître mot est la spontanéité. Du moins apparente car elle n'est parfois que fabriquée. Envieux de cette visibilité, les médias classiques empruntent de plus en plus à ces nouvelles plateformes. A l’instar du web, convergeant vers les médias traditionnels, les productions télévisuelles et cinéma cherchent à envahir l’espace internet en imitant les stratégies de promotion et pratiques du web participatif. C'est bien souvent la recherche d'une communauté qui les pousse à emprunter ces techniques. C'est ici la volonté d'attirer un public fidèle et collaboratif. On assiste donc à une utilisation grandissante des réseaux sociaux populaires mais aussi à des copies de leurs mécanismes. C'est par exemple le cas de la société de production et diffusion Warner Bros avec sa plateforme lancée fin 2012, My warner. Elle est destinée à fédérer et récompenser les fans. En jouant, partageant du contenu issu de Warner Bros sur les réseaux sociaux, les personnes inscrites sur le site gagnent des points qu'elles peuvent ensuite échanger contre des cadeaux. En bref, en faisant ce qu’ils font habituellement sur internet, les membres de la communauté, fervents amateurs de cinéma, peuvent gagner des cadeaux. Produits dérivés et téléchargements de films, ces présents ne font qu'entretenir cette passion pour le cinéma et plus spécifiquement pour les productions Warner.
  • 31. 31 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM Cette plateforme démontre une volonté de « prendre correctement le virage du numérique en accompagnant les clients là où ils se situent »12 . Elle s’imprègne d’une vision du marketing, portée par la recommandation sociale et la valorisation de celle-ci dans un secteur d’activité où elle joue aujourd’hui un rôle primordial. Elle influence considérablement le choix d'un film. Le site est pensé comme une alternative plus «sociale» à Allociné. My Warner est une idée française et devrait s’étendre sur d’autres territoires. Le programme compte actuellement 200 000 membres actifs et devrait dépasser le million de membres d’ici fin 2013. D’autre part, l'expérience My Warner n’est pas seulement destinée à satisfaire le consommateur. Le dispositif permettra, à termes, de conserver un relationnel grâce à l’analyse des données générées par les interactions de la communauté. Ce qui leur permettra de mieux connaitre le public, de comprendre son comportement pour ensuite personnaliser les messages. Pour passer de l’intrusion hasardeuse à la recommandation personnalisée. Un avantage sur les nouveaux acteurs du marché, de plus en plus nombreux grâce à la dissolution des barrières qu’entraine le numérique. Une dissolution qui a conduit les chaînes de télévision à vouloir prendre une place considérable sur internet. Proximité, partage et sollicitation sont au cœur de l'expérience sociale offerte au public. C'est ce qu'on appel la Social TV. Avec une communauté de plus de 15 millions de fans sur tous les réseaux, TF1 a souhaité mettre en place cette expérience utilisateur enrichissante, avec son service MyTF1 Connect. 12 Vincent Puren – Presse-Citron.net – « Comment le ‘digital’ a transformé Warner Bros en créateur de lien social » – 17 avril 2013
  • 32. 32 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM Pendant la diffusion des émissions bénéficiant de ce dispositif, l'internaute peut profiter de bonus vidéos et d'instants replay. Ils permettent de visionner des extraits de quelques minutes venant d'être diffusés et de les partager. Il y a également la participation aux discussions sociales, via Twitter. Mais aussi un aspect gamification et interactivité. Régis Ravanas, Directeur Général adjoint Groupe TF1 a déclaré « Avec Connect, nous sommes très heureux de proposer une expérience inédite qui permet d’aller encore plus loin dans l’interactivité avec notre public et s’inscrit dans notre ambition d’activer et développer le lien social autour des programmes de TF1. Par son caractère innovant, immersif et intuitif, Connect s’impose comme la première véritable expérience de second écran en France et comme le produit le plus complet et qualitatif du marché ». Et des start-up se spécialisent dans la conception de ces dispositifs proposant une véritable expérience digitale. Campfire est l'une des agences les plus connus dans ce domaine. Start-up New-Yorkaise créée par Mike Monello, elle a notamment proposé de la narration sociale et des dispositifs transmédia pour HBO autour des séries "Game of Thrones" et "True Blood". Elle est devenue une véritable référence dans sa spécialité. En France, l'agence Darewin, fondée en 2011 par Wale Gbadamosi-Oyekanmi, est l'une des premières à proposer des services entièrement social TV. Entre autres, pour la diffusion des différentes séries programmées sur NT1 ("The Walking Dead", "Vampire Diaries"). Une grande partie de leurs stratégies sont pensées autour de Twitter. Avec la création la création de comptes officiels et la possibilité d'agir en temps réel lors de la diffusion des émissions grâce à cette plateforme. D'autres agences verront inévitablement le jour dans les mois prochains. Car, malgré la réticence de certains, il apparait que ces stratégies répondent à la nécessité de fidéliser, de proposer des expériences. Des considérations devenues indispensables à l'ère du web social. Pour résumer, La liberté du web est conditionnelle et évolue. C'est l'arrivée de processus de création professionnels, accompagnés d'objectifs, qui provoquent ces mutations. Ainsi que la mise en place de véritables stratégies digitales autour du marché de la production de contenus. Et ce sont les schémas de financement et de diffusion qui évoluent en conséquence, à mesure que se dévoile le potentiel d'innovation du web dans ses diverses phases d'expression.
  • 33. 33 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM Le principe du crowdfunding L'étape suivant l'expression d'un concept est la recherche de financements. La meilleure façon de s'assurer un total contrôle sur sa création est de la financer avec ses propres fonds. Mais de telles dépenses ne sont pas à la portée de tous. Surtout lorsque les projets deviennent ambitieux et créatifs. Le crowdfunding est alors un moyen d'obtenir un budget pour des projets indépendants, à l'initiative "d'adeptes du Do it yourself"13 . En tout cas en théorie. Cette méthode permet d'intégrer l'internaute au processus de création sans qu'il ai pour autant son mot à dire sur celle ci. L'auteur garde une responsabilité complète sur sa création. On parle ici de création en général. Car la plupart des plateformes abandonnent la spécification et ne proposent pas seulement de financer des idées formulées par des acteurs du secteur audiovisuel. Même si des plateformes comme TousCoProd restent centrées sur le contenu vidéo, des projets différents se côtoient sur d'autres. Comme sur KickStarter où musiciens, écrivains et designers se partagent l'attention des internautes contributeurs. Pour sa partie audiovisuelle, la contribution financière des internautes est destinée à financer la production. Mais elle peut également servir aux dépenses de distribution d’un film selon les sites Internet. La contribution des internautes évolue par paliers, de 1 à 1500 euros et plus en fonction des projets. En contrepartie, les contributeurs obtiennent des avantages en nature. Produits dérivés, nom au générique, contenus exclusifs, rencontres avec les participants, implication dans l’une des phases de création (figuration en général) : la valeur financière ou émotionnelle des récompenses augmente en même temps que les paliers franchis. Il y a également quelques projets destinés au cinéma qui font profiter le contributeur de retours 13 Fibre Tigre - Le NouvelObservateur - 29 Juillet 2013 - Kickstarter, Ulule & co : avec le crowdfunding, le pigeon, c'est toujours l'internaute - http://leplus.nouvelobs.com/contribution/914320-kickstarter-ulule-co-avec-le- crowdfunding-le-pigeon-c-est-toujours-l-internaute.html
  • 34. 34 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM financiers sur investissement, suite à l'exploitation du film en salle. Ce qui semble augmenter considérablement le nombre de contributeurs. Le don simple, sans contrepartie, est aussi prévu. Les montants collectés auprès des internautes sont reversés à condition que le minimum du montant total fixé par le créateur soit atteint. À défaut, le site Internet rembourse aux internautes leurs contributions. En échange de ses services, le site Internet perçoit une commission sur les sommes collectées. Sur Kickstarter par exemple, une taxe de 5% est appliquée. Les bénéficiaires des avantages de ces plateformes affirment que « C'est une manière démocratique de faire de l'art »14 . En donnant le pouvoir au peuple. En effet, les internautes choisissent les idées auxquels ils croient et misent en fonction. Un projet intéressant, un plan de communication bien pensé et c'est la possibilité de voir son idée se concrétiser. Les projets audiovisuels les plus populaires sur ces plateformes sont généralement des courts métrages, séries et web-séries. Même si les films de cinéma y trouvent leur compte. Effectivement, le questionnaire mené montre bien que la participation au financement de films destinés au cinéma attire les personnes interrogées. C'est donc aussi un champ de possible pour les créateurs de contenus pour le cinéma, au même titre que les films et séries destinés à la télévisons. Un moyen de financer des projets indépendants La production communautaire, c'est une opportunité de se débarrasser de certaines contraintes de créations liées à l'implication d'une ou plusieurs sociétés de productions dans le processus. Mais pour certains projets, où une société de production est impliquée, c’est devenu une manière comme une autre d’obtenir des subventions. A la base, le financement participatif était un moyen de soutenir des projets non appuyés par des structures professionnelles, de s’affranchir de l’approbation de ces organismes. Et donc de voir aboutir des réalisations qui n’auraient jamais vu le jour. Un coup de pouce à la créativité, dans le principe. 14 Kickstarter.com - Page d'accueil - Propos de Stephen Heleker
  • 35. 35 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM Ces sociétés sont utiles pour leur savoir faire, leur force d'organisation, leur apport en financement, en ressources humaines et techniques. Mais elles sont aussi susceptibles d'avoir un impact artistique sur le projet. Négatif ou positif selon le point de vue. De plus, les campagnes de financement participatif permettent, dans la théorie, de réduire le temps de développement d'un projet. Car il est souvent rallongé par la recherche de financements multiples dans un processus classique de production (Soutiens du CNC, des régions ...). Entre autres, avec ces nouvelles solutions, c'est le créateur qui pose directement la question au spectateur de savoir si oui ou non il souhaite voir ce projet aboutir. C’est une première phase de test auprès du public. Dernièrement c'est la Web- série française Noob qui a reçu l'incroyable aide de la communauté de contributeurs sur le site Ulule. Les créateurs du programme souhaitaient obtenir un budget proche de ce qui est proposé aux web-séries produites de nos jours, soit 35 000 euros. Finalement, ce projet de films, issus d’une série du web, a été financé à 1945%, soit plus de 682 161 euros en 70 jours ! Devenant ainsi le plus gros financement participatif jamais réalisé en Europe Et laissant, comme ils le disent eux même sur leur page de soutien, "une trace indélébile dans l’audiovisuel français créé par et pour Internet"15 . C'est en effet un budget plus que conséquent pour du contenu audiovisuel destiné au web et la mobilisation sans précédent marque effectivement un tournant dans le crowdfunding pour ce type de projets. Noob est à l'origine une web-série crossmédia (bande-dessinées et romans disponibles en grande distribution) à petit budget crée par une bande d'amis. Elle a pris de l’ampleur au fil des saisons et a réussi à réunir une communauté importante en reprenant quelques uns des thèmes fort de la culture geek : humour, super héros et jeux vidéo. Il s’agit bien d’un projet indépendant mais ce n’est pas toujours le cas. Suite aux bouleversements récents, les premiers doutes sur la légitimité et le processus de fonctionnement de ces plateformes commencent à immerger. 15 Corentin Courtois - Ecrans.fr - « Noob », la guilde star du crowdfunding européen » - 20 juin 2013
  • 36. 36 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM Le détournement des plateformes de financement participatif L’exemple suivant pose justement des questions intéressantes sur les mécanismes de ces nouvelles plateformes de financement et les dérives qui peuvent y être attachées. Il concerne le financement d'un film pour le cinéma, dérivé de la série "Veronica Mars". Le projet est imaginé et défendu par son créateur depuis plusieurs années sans avoir été amorcé faute de financements, résultat de la frilosité des studios. Car en effet la Warner (qui détient les droits) accepte la mise en chantier du film mais ne souhaite pas participer à son financement. Rob Thomas décide alors de lancer une campagne de financement sur le célèbre site de crowdfunding : Kickstarter. Et c'est en moins de quelques jours que l'objectif de 2 millions de dollars fut atteint. Et même dépassé puisque un mois après le lancement de la campagne, c'est presque le triple de la somme à atteindre qui a été récolté. Ce record historique, c'est à la communauté de fan qu'il le doit. Le chiffre n’aurait pas été atteint sans cette communauté préexistante et investit émotionnellement dans le futur de cette série. Dans ce cas, le soutient sans précédent couplé à la volonté du créateur de concrétiser son projet, même sans l’aide financière de cette énorme société de production et de distribution, sont à l'origine de sa concrétisation. Mais l'implication de la Warner dans le projet peut amener à se poser des questions sur les "dérives" actuelles de ces sites. Car si elle ne finance pas le projet, Warner Bros participe néanmoins à sa réalisation avec Warner Bros Digital. Cette branche de la société s’occupe des petits budgets, essentiellement des films destinés au streaming ou au téléchargement. Ainsi, de nombreux projets intègrent une société de production dès l’origine. « Le crowdfunding s’éloigne alors fortement de ses racines. »16 En effet, lorsque la démarche n'est pas indépendante, on peut se questionner sur la légitimité de ces collectes de fonds auprès des internautes. 16 Fibre Tigre - Le NouvelObservateur - "Kickstarter, Ulule & co : avec le crowdfunding, le pigeon, c'est toujours l'internaute" - 29 Juillet 2013
  • 37. 37 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM La production communautaire devient une réponse à des craintes émissent par ces sociétés. Ou une façon de compléter son budget lorsque le projet est déjà en développement ou préacheté par une chaine. En effet, ces procédés permettent d’éviter de prendre des risques, artistiques et financiers. On produit seulement les projets ayant suscité l'adhésion des internautes et après que ces derniers aient eux même participé au financièrement. Selon Fibre Tigre qui s’exprime sur le site du Nouvel Observateur « L’entreprise est une prise de risque, mais que les risques incombent à 100% au client est une ineptie ! »17 . De plus, les programmes présentés avec l’appui des ces entités sont souvent vendues de manière identiques aux internautes. On leur propose le projet en mettant en avant des noms célèbres, l'appui de grandes chaînes reconnues et des promesses de compensation alléchantes. Mais ce n’est absolument pas une garantie pour réussir à financer son projet. Il s'agit d'une relation fondée sur l'implication financière de l'internaute, ce qui rend le degré de cette implication difficile à prévoir. C'est pourquoi le succès des campagnes de financement est complexe à anticiper et provoque de belles surprises, comme de jolies déceptions. Même si les projets les plus porteurs ont un point commun : l'existence d'une communauté préexistante à la recherche de financements. Ainsi les internautes sont difficilement prévisibles dans leur soutien et ses initiatives peuvent être dangereuses au niveau des propositions artistiques. Dangereuses car on court le risque de faire stagner la création audiovisuelle. En la restreignant à des contenus populaires mais pas novateurs. Au lieu d'oser une écriture innovante, sans avoir la garantie de réunir les spectateurs, on propose une ébauche de projet sur un site de financement participatif et on observe si les internautes suivent. Même si un financement participatif réussi ne garantit pas le succès une fois le produit délivré au public, c'est tout de même une prise de risque diminuée. Rob Thomas s’exprimait d’ailleurs sur le sujet concernant Veronica Mars en indiquant que « Avec ce modèle, c'est presque un dispositif de marketing, un moyen de juger s'il y avait suffisamment d'intérêt pour un film de cette taille. »18 . 17 Fibre Tigre - Le NouvelObservateur - "Kickstarter, Ulule & co : avec le crowdfunding, le pigeon, c'est toujours l'internaute" - 29 Juillet 2013 18 Hudson Laura - Wired.com – Interview de Rob Thomas – 12 avril 2013
  • 38. 38 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM Alors que, avec la difficulté de défendre des projets novateurs devant les médias classiques, internet est justement le moyen de proposer des idées qui ne pourraient exister sur d'autres supports. Les sociétés de production sont encore réticentes à produire pour le web et si le financement participatif leur permet de s'ouvrir à ce nouvel horizon de création alors ces sites de production communautaire remplissent leur rôle. Car l’activité de production n'est pas uniquement constituée d'un volet monétaire. C'est également une influence artistique, des compétences et une force nécessaire à l’aboutissement d’un projet. Utilisées par eux, ces plateformes deviennent alors vectrices de création car elles sont entre les mains des décideurs du secteur de la création audiovisuelle. De plus, si ces professionnels existent depuis des décennies dans le système de production c'est qu'ils apportent un savoir utile à la finalisation du projet. Amputé de ces compétences, les indépendants peuvent rencontrer des difficultés de production qu'ils n'ont pas l'habitude de gérer. Ce qui pourrait jouer sur la durée de développement du projet, en rallongeant les différentes étapes de création. Une constatation qui va à l'encontre de l'hypothèse selon laquelle les productions indépendantes sont plus rapidement délivrées au public. Malgré les avantages cités, on peut se demander si la fonction première de ces plateformes est de participer au financement de films déjà soutenus par des producteurs. Et qui pourraient se satisfaire d'autres financements si les décisionnaires étaient plus audacieux. Là où des projets non soutenus ont réellement besoin de fonds pour pouvoir exister, l'objectif de ces sites est détourné pour permettre à des sociétés de production, et à des chaines de télévision, d'éviter des investissements risqués. Ou de réduire leur implication financière. Au niveau des différents médias de destination des créations proposées sur ces sites, on peut aussi se demander si tous les supports y ont leur place. Si des web- séries ou court métrages semblent indiqués puisqu'ils évoluent sur leur support, on peut se questionner sur la légitimité des films de cinéma ou des programmes pour la télévision. Mais, avec la convergence des supports, connectés entre eux, n'est pas nier l'effondrement des barrières entre les médias que de s'interroger sur ce point ?
  • 39. 39 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM De plus, si les acteurs du cinéma et de la télévision ont permis au web de proposer du contenus d'une qualité exponentielle de part leur implication, l'ouverture d'esprit et le potentiel d'implication des internautes pourrait en retour permettre aux créateurs de ces deux médias de bâtir des expériences audiovisuelles qu'il aurait été impossible de proposer sans leur l'implication financière. Finalement, le web participe aux changements dans la proposition de contenus faite par le cinéma et la télévision. Le financement participatif est une collecte de fond améliorée, dématérialisée, qui ne s’embarrasse pas des supports. Cependant, comme le montre le questionnaire proposé dans le cadre de ce mémoire, ce sont bien les projets web qui séduisent le plus les internautes. Ce qui rejoint les constatations faites en visitant les divers sites de financement participatif. L'intelligence émotionnelle de l'internaute En effet, l'internaute a une préférence pour les projets initiés par et pour le web. Probablement car ce sont des créations à petit budget. Exception faite des projets avec une communauté préexistante. Car, comme nous le disions plus haut, ils ont une facilité à fédérer quelque soit le support ou le budget de part l'implication émotionnelle déjà présente. Plusieurs idées soutenues par des chaines et des sociétés de productions n'arrivent pas à obtenir les financements attendus alors que des initiatives plus modestes obtiennent l'aide du public internaute. Et c'est le cas sur My Major Company avec plusieurs projets. Financement à 1% de la série animée Starz, de Canal +, après deux mois de campagne. Financement à 112% de la Web-série Super- Héro'hic porté par un groupe d'amis.
  • 40. 40 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM Cette orientation dans le choix des contributeurs est probablement motivée par le sentiment de faire réellement la différence. Avec une participation financière moindre, leurs dons ont un véritable impact sur l'avenir du projet. C'est cette impression d'être un des moteurs du projet qui les pousse à préférer ces petites campagnes de financement. Ils ne sont pas des pions dans un échiquier mais des acteurs de la création, même s’ils ne s'impliquent que dans l'aspect financier. Avec toujours l'envie de dénicher les talents de demain. Ainsi, il semblerait qu'il suffit de faire confiance aux contributeurs pour que les internautes ne constituent pas un porte monnaie dans lequel puiser, à renfort de noms connus et de promesses. Il faudrait faire confiance à l'intelligence émotionnelle et collective des internautes pour analyser la qualité du projet. Dans ce cadre, les individus trouvent un avantage à collaborer au sein d'une communauté. Leur analyse est meilleure que s'ils avaient été seuls. Malgré l'intérêt des médias pour le phénomène crowdfunding, la génération actuelle est peu passionnée par ces plateformes, qui restent confidentielles. C'est ce que montre le résultat de l'enquête en annexe. Les personnes interrogées connaissent tous au moins un site de financement participatif mais l'écrasante majorité n'a jamais participé au financement d'un projet et ne l'envisage même pas. Même si ce moyen de financement ne pèse pas encore lourd dans le système mondial, les récents records historiques peuvent nous faire penser qu'à court terme le secteur audiovisuel sera durablement influencé par le crowdfunding. En attendant, d’autres moyens de financements moins conditionnels, et effectifs dès aujourd'hui, se dégagent.
  • 41. 41 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM Au delà de la production participative les modes de financement de la création audiovisuelle, destinée aux nouveaux médias, se rapprochent des procédés de création affectés aux médias traditionnels. Par conséquent, les opportunités de financer du contenu destiné au web augmentent de manière croissante. Par la création de sociétés vouées à l'avènement de la création numérique mais aussi par la mutation des organismes déjà existants. A l'image des sociétés de production qui se dotent de pôles nouveaux médias, la télévision et le cinéma s'investissent considérablement sur le marché audiovisuel d'internet. Car Il est intéressant dans ce qu'il peut apporter de créatif et de participatif. Comme nous l'avons vu plus tôt, ils créent des dispositifs et imaginent des stratégies multimédias pour promouvoir leurs créations et leurs médias d'origine. Mais aussi des créations uniquement destinées à internet. Des professionnels au secours de l'univers créatif connecté Ankama est l'une de ces nouvelles sociétés françaises dédiées à la création numérique et artistique. Il s'agit d'un groupe indépendant dans le domaine du divertissement, qui s'est déployé sur divers supports. Dans la sphère audiovisuelle, il a participé au virage pris par la création web, en s'impliquant dans le financement de la populaire web-série de science-fiction "Le visiteur du futur". Réalisé par François Descraques, "Le visiteur du futur" est une œuvre de fiction, dans un premier temps amateur, proposée sur le web depuis avril 2009 via le site FrenchNerd. Les vidéos sont hébergées sur Dailymotion. Après deux saisons tournées en auto- production, Ankama décide de s'investir dans l'aventure dès la troisième salve d'épisodes. En effet, suite au succès rencontré par ces courts épisodes racontant l'histoire de Raph, un jeune sans histoire qui rencontre un homme affirmant venir du futur afin d'empêcher la fin du monde, Ankama propose de participer au financement. Apportant à la série une crédibilité indéniable. Les acteurs du projet sont même invités à présenter la série, dès 2010, au Comic Con Paris, véritable rendez vous et consécration de la culture Geek.
  • 42. 42 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM Alors que la société Ankama supprime, pour des raisons inconnues, ses apports financiers à l'émission "Le Golden show" (depuis repris par Golden Moustache et produit par Alexandre Astier), elle a récemment renouvelé sa confiance en participant au financement d'une quatrième saison : "Le visiteur du futur : Néo Versailles". Cette participation financière est complétée par celle de France télévisions dans le cadre de leur pôle "Nouvelles écritures". Ces ajouts de financement au fil des saisons montre une nouvelle fois l'intérêt pour "la fiction, au delà de simples pastilles humoristiques"19 . Mais aussi une implication des professionnels des médias de plus en plus tournée vers un potentiel jeune et créatif sévissant sur un espace web ouvert et ambitieux. François Descraques s'exprimait, fin juillet, sur son blog concernant le tournage imminent de la saison 4 de la série. Et s'expliquait plus particulièrement sur l'implication des producteurs dans le processus de création : "Un peu comme nos copains de Noob, nous sommes en train de repousser les limites de la production de fiction web en France et le plus fou dans tout ça, c'est qu'en plus d'un budget confortable, j'ai eu une TOTALE liberté sur le scénario. En effet, contrairement au modèle de Noob, nous sommes financés par des gens extérieurs qui pourraient nous contraindre dans nos idées. Mais ce n'est pas le cas." Il ajoute que " Ankama et France TV Nouvelles Ecritures (...) me donnent les avantages de la production sans les inconvénients"20 . Ainsi, à l'instar de Raphaël Descraques qui parlait de la liberté dont il avait bénéficié malgré l'intégration d'Orangina dans le mécanisme, son frère François Descraques affirme aussi que le modèle de production web laisse une relative liberté de création absente d'autres projets. A l'heure actuelle, malgré la mise en place de véritables sociétés vouées au contenu vidéo web de qualité, il semblerait que se sont toujours les créateurs qui sont maitres de leurs créations. Probablement car ce sont les premiers à avoir su rassembler autour d'univers fictionnels sur le web. Ils sont devenus des sortes d'experts de la réalisation vidéo pour le web, porte-paroles des auteurs natifs web auquel les dites organisations font confiances. 19 Manuel Raynaud - Blog Arte "Dimension-series" - "Il imagine les aventures du Visiteur du Futur depuis trois ans" - 07 juillet 2012 20 François Descraques - FrenchNerd.com - "Le Visiteur du Futur : Saison 4 - Le tournage approche !" - 28 juillet 2013
  • 43. 43 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM Pour poursuivre avec le prolifique, et décidément gâté, créateur du web François Descraques, "Le visiteur du futur" n'a pas été sa seule collaboration avec France Télévisions. Un autre de ces projets marque un tournant dans la production de divertissement pour le web. Imaginée et écrite avec Slimane Berhoun, la web-série "Les opérateurs" est la première web-série co-produite par France Télévisions dans le cadre du projet « Nouvelles Écritures ». Telfrance complète la partie production. La série raconte les déboires de Slim, nouvellement embauché en tant qu'opérateur référent dans une mystérieuse entreprise multinationale. Une entreprise dont il ne connaît rien des activités. Et un métier dont il ne saisit pas les objectifs. Au point de soupçonner l'implication des extraterrestres ... (image d'illustration : page facebook officielle de la série). France 4, avec sa plateforme de diffusion le studio 4.0, est une chaine intéressant dans le cadre de son approche des modes d'écritures propres au web. Mais elle l'est aussi dans le rôle de moteur qu'elle a pris dans le financement de contenus vidéo produit pour le web. Au delà du financement, des acteurs de la création Ces plateformes ne sont pas crées pour ériger des barrières entre les médias. Au contraire, elles démontrent une approche transmédia et cross-médias de la création. Les web-séries présentées sont diffusés à la télévision en complément de leur diffusion web. Par exemple "Les opérateurs" a été diffusé sur France 4 et "Le visiteur du futur" sur NoLife. Après l'adhésion des internautes, on propose le contenu aux téléspectateurs. Peut être est-ce une première étape dans la production de comédies de science fiction à la télévision française, difficilement possible aujourd'hui. Cette difficulté s'explique probablement par la peur de ne pouvoir amener à la télévision un public geek fidèle mais déjà massivement tourné vers la consommation de contenus sur le web.
  • 44. 44 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM A l'opposé, la plateforme du studio 4.0 sert aussi à proposer des contenus complémentaires aux programmes télévisuels. Ainsi, la webcréation "Quand les parents sont pas là" dérivée de la série "Fais pas ci, fais pas ça" diffusé sur France 2 a été proposé sur le site. Une stratégie transmédia de plus en plus privilégiée par France Télévisions. Ainsi, ces nouveaux dispositifs et acteurs permettent de produire du contenus qui n'aurait pu être produit sur d'autres supports. En raison de leurs thèmes ou encore de leurs origines relativement amateurs. Même si, comme nous l'avons vu plus tôt, en vérité ce ne sont pas des novices qui proposent les projets. Amateur signifie plutôt que ce sont des créations faites en indépendance, avec les moyens du bord, pas mal d'astuces et l'aide des proches. Mais ça ne veux pas dire qu'ils ne possèdent pas de compétences ou d'expériences antérieurs dans le domaine de l'audiovisuel. Cependant ce sont des contenus et initiateurs de projets qui, encore aujourd'hui, arrivent difficilement à trouver leur place dans une grille télévisuelle fermée. Ils n’arrivent à s'imposer que dans des programmes ponctuels. Des créations courtes et ambitieuses sont diffusées mais dans des cases horaires tardives. Ce qui les rend confidentiel. Comme c'est le cas de l'émission "Libre courts" diffusé sur France 3 en troisième partie de soirée le jeudi. Les courts métrages diffusés lors de l'émission ont d'abord été soumis à la sélection d'un jury puis au vote des internautes. Encore une fois, on recherche l'adhésion des internautes avant de proposer des programmes courts à la télévision. Mais les portes ne sont pas hermétiques. Comme nous l'avons vu avec Canal + qui, à défaut de proposer du contenus de création pour internet, propose aux créateurs du web d'imaginer du contenus pour la télévision. Ludoc est l'un de ceux à qui ils ont fait confiance. Ce dernier est un habitué de Youtube.
  • 45. 45 L'avenir de la production audiovisuelle est-il sur internet ? - Charline Chasseriaud- Master CPEAM Youtube, une participation accru à la création Ludoc est le réalisateur et directeur artistique attitré du collectif Studio Bagel, qui fonctionne sur un autre mode de financement. Plusieurs podcasteurs sévissant sur Youtube sont réunies par une société de production, Black Dynamite, pour la réalisation de courts métrages humoristiques et parodiques. "Permettant ainsi de mutualiser les moyens et d’offrir une puissance marketing supérieure"21 . Une collaboration à l'initiative de Youtube qui souhaitait lancer treize chaines thématiques. Une partie des frais est donc avancée par la plateforme de Google via son programme de contenus originaux. Car chez Youtube "on croit à l’émergence des fictions Web, sous la forme de courts-métrages". En effet, c'est sur cette plateforme que la vague de création web sans précédent a fait le plus de ravages. Et si ces derniers n'y croient pas, qui le pourrait. Un concours a même été lancé en Janvier dernier. Nommé "Académie SACD YouTube" il a été crée à l'initiative de Youtube et de la SACD avec "la volonté de faire émerger et de promouvoir les auteurs web natifs et leurs créations originales " 22 . Il a "récompensé et valorisé des œuvres déjà existantes au travers d’un prix puis accompagné et soutenu de nouveaux projets grâce à une bourse incluant notamment une formation". C'est la reconnaissance, le financement mais aussi la professionnalisation par la formation qui est recherchée. Car la reconnaissance des activités d'auteur pour le web comme profession ne viendra-t-elle pas de l'émergence de cursus de formation destiné à apprendre ces métiers ? 21 Nicolas Rauline - Site Les Echos - "L’humour, un modèle gagnant pour YouTube et les jeunes talents" - 31 Juillet 2013 22 SACD.fr - Académie SACD YouTube - Février 2013