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Quand Gutenberg invente en 1450 le caractère mobile d’imprimerie et la presse qui
donne naissance à l’imprimerie moderne, le natif de Mayence est loin de se douter
de la portée de sa création sur le monde. Si en soit l’imprimerie n’est pas un concept
nouveau - les chinois et les japonais avaient développé avant lui des systèmes équiv-
alents - elle bénéficie en occident d’une conjonction de facteurs sociétaux, culturels
et religieux qui assurent son essor pour les siècles suivants. A cette époque l’Europe
connait une période relativement calme, les églises se construisent à tour de bras,
mais les Bibles - sensées porter le message de Dieu - restent encore extrêmement
rares. Toutes les églises n’en sont pas dotées. Il faut presque une vie d’homme éru-
dit pour reproduire un ouvrage complet du nouveau testament, mais les hommes
ont une vie courte et seuls les moines copistes et d’autres ecclésiastiques sont assez
érudits pour se charger de la tâche. L’arrivée de l’imprimerie résout le problème de
la reproduction en série.
Quelques dizaines d’années plus tard, au début du XVIème siècle, L’allemand Mar-
tin Luther est l’un des premiers à comprendre les avantages de l’imprimerie. Le ca-
tholicisme se répends et le théologien réformiste cherche à faire connaitre ses vues
radicales, opposées au dogme romain. En achetant près de 1800 bibles - qu’il dis-
tribue ensuite aux érudits allemands de l’époque - Luther cherche à émanciper les
croyants de la parole des prêtres en leur donnant un outil capable de forger leur
conviction. En réalité, il initie un mouvement plus large puisqu’il fera du livre un
élément de transmission de savoir de masse. Alors que le nombre de lecteurs croît
considérablement, le nombre de livres croît également, enrichissant la société de
l’époque d’un savoir jusqu’ici inaccessible. Parallèlement, alors que la Renaissance
s’épanouit, se développent de nouvelles techniques, de nouveaux savoirs, portés
par des penseurs modernes. Les débuts de la science et le développement des arts
académiques nécessitent la diffusion des savoirs à une échelle telle pour l’époque
que le travail de reproduction des moines copistes ne peut plus satisfaire les beso-
ins de tous.
L’imprimerie émerge donc au coeur de cet environnement, un écosystème favor-
able.
De fait, l’imprimerie modèle les pensées et l’économie. Le processus nécessaire à
la réalisation d’un livre, copie conforme issue d’un processus mécanisé, la produc-
tion de masse, plantent les bases de ce qui - quelques siècles plus tard - donnera
naissance à l’industrie moderne. Au fil des siècles, l’imprimerie forge notre façon
de créer des contenus intellectuels, notre manière de les distribuer, de les rendre
public, d’en tirer des revenus. Elle institue le « one-to-many », c’est à dire l’exclusive
diffusion en masse de la connaissance à travers des canaux contrôlés par des édi-
teurs vers une population croissante de lecteurs.
Au plan intellectuel,le caractère,le mot,la phrase,le paragraphe,la page,le chapitre,
le livre, la bibliothèque, la librairie, jouent un rôle structurant, mettant à l’instar des
poupée russe, les pensées en boite. Conservées, préservées pour l’éternité, les re-
flexions jadis fluides et vivantes se figent dans la papier, disponibles au regard des
autres.
Il faut attendre la révolution industrielle et la fin du XIXème siècle pour voir appa-
raître de nouvelles technologies qui donneront naissance aux médias de masse -
photographie, radio, cinéma - les modèles de financement, de production et de
distribution hérités de l’imprimerie sont adaptés pour coller à ces nouveaux médias,
ouvrant de nouveaux marchés, et créant ainsi de nouveaux « lecteurs » susceptibles
d’être intéressés par une offre plus variée.
Il ne faut désormais plus une vie d’homme pour reproduire un livre, mais les coûts
de productions restent néanmoins élevés et interdisent encore pour longtemps l’ap-
propriation de ces nouveaux moyens d’expression à la majorité des individus. Prés
d’une centaine d’année s’écoule et en quelques générations tout le monde sem-
ble accepter le schéma proposé: seul un groupe d’happy-few dispose des moyens
pour prendre la parole dans la sphère publique et faire autorité. Au fil du temps les
usages de part et d’autre se stabilisent, permettant à ce qui est désormais devenu
une véritable industrie des médias de s’épanouir. Nous sommes au XXème siècle,
et c’est l’ère des empires médiatiques, du prime time, des magazines à grand tirage,
une ère où des millions de personnes assistent devant leur poste aux premiers pas
de l’homme sur la lune ou à la chute du mur de Berlin. Une ère où les moines co-
pistes su prospérent à nouveau.
Et puis Internet….
Quand Tim Berners-Lee invente en 1989 l’hypertext transfer protocol (http) et les
technologies associées qui donnent naissance au web contemporain, le londonien
est loin de se douter de la portée de sa création sur le monde… Si le réseau n’est pas
un concept nouveau - les américains et les français avant lui ont développé des sys-
tèmes équivalents - il bénéficie, comme l’imprimerie avant lui, d’une conjonction de
facteurs sociétaux et culturels qui assurent son essor pour les décennies suivantes.
S’il est encore trop tôt pour peindre une image définitive de la portée des transfor-
mations qui sont en cours, au vu de l’ampleur de l’invention, on ne peut désormais
plus douter qu’elle a transformé durablement et profondément les sociétés, les cul-
tures et les pensées contemporaines. Témoins de la transformation, nous voyons
d’ores et déjà les effets se faire sentir sur l’économie « traditionnelle ». Il aura fallu
près de 80 ans à Gutenberg pour imposer sa machine, et près de 400 ans pour voir
fleurir une société fortement structurée autour d’elle. Des changements longs, pro-
gressifs, soumis à de nombreuses résistances, auxquels pas un homme de l’époque
n’eut la chance d’assister de son vivant.
Il nous aura fallut un peu moins de 20 ans pour voir l’ensemble des industries « tra-
ditionnelles » profondément remises en cause - quel que soit le secteur, du point de
vue économique comme culturel - par l’adoption massive d’internet par le public.
Le public justement, il n’est plus. On parle d’utilisateurs, d’internautes. On ne reçoit
plus seulement, on échange, on transmet, on communique.
Petit retour en arrière pour comprendre à quel point ces facilitateurs de communica-
tion que sont (l’alphabet) l’imprimerie et internet sont autant de technologies crucia-
les pour nos sociétés. Au 13ème siècle, le Roi Frederic II voulu faire une expérience
qui devait déterminer quel language un nouveau né adoptait naturellement. Etait-
ce le latin ou le grec? L’homme - qui parlait 9 langues - fit élever des nouveaux nés
sans que jamais on ne leur adressa la parole. Résultat, aucun d’entre eux ne survécu
à ce traitement. La leçon: l’homme est un animal communiquant. Tous les outils qui
lui permettent de développer ce trait particulier, favorise son expansion, son dével-
oppement et celui de sa culture. L’invention de l’écriture, de l’imprimerie et aujo-
urd’hui d’internet ont chacune créé un bouleversement total des sociétés qui les ont
vu naitre. Plus rien ne fut pareil, plus rien ne sera jamais pareil. Les transformations
sont profondes et durables.
La startup Méliès
Lorsque Georges Méliès découvre le cinématographe des Frères Lumière en 1895,
c’est la révélation. Il sent d’instinct que cette nouvelle technologie va lui permettre
de créer les histoires dont il rêve depuis des années. La guerre de 1870 et la dis-
parition du second empire avait plongé pour un temps les populations dans un
marasme absolu que seul les distractions frivoles arrivaient à effacer. Homme aux
multiples talents, Méliès comprends très vite que son expérience dans la prestidigi-
tation marié au cinéma lui donnent les clefs d’un univers artistique jusque là encore
inconnu. Il se lance alors dans la réalisation de ces cinématographes. Entre 1897
et 1913, il réalise des centaines de films, découvrant au passage des procédés de
tournage inconnus qui mènent plus tard à l’invention des premiers effets spéciaux.
Il crée le premier studio de cinéma en France (à Montreuil), le premier réseau de
distribution, des méthodes de production, un modèle économique complètement
différent de ce qui existait précédemment, tout cela grace à l’émergence d’une nou-
velle technologie. En somme Méliès était à la tête d’une startup.
Innovateur et inventeur de génie, Méliès a su s’inspirer du passé pour créer un envi-
ronnement créatif et économique propice à l’émergence de ses films. Comme d’au-
tres - aux Etats Unis, en Angleterre ou en Allemagne - il a su reconnaitre les oppor-
tunités du moment et s’en inspirer pour créer une toute nouvelle offre adaptée aux
besoins du public de l’époque. Alors que les peintres dénigraient la photographie
et que le théâtre décriait le cinématographe, Méliès a su regarder les choses d’un
oeil neuf et oser disputer les standards culturel de l’époque en pariant sur le dével-
oppement d’un genre artistique sur lequel peu se penchaient. Avec un certain cour-
age et une ténacité remarquable, l’ancien magicien bouleversa le paysage artistique
mondial en suivant sa propre voie.
Nous sommes aujourd’hui à nouveau à l’un de ces tournants de l’histoire où la con-
vergence de nouvelles technologies, de nouvelles formes d’expression et de beso-
ins de société nouveaux permettent de réinventer l’écosystème de connaissance
dans lequel nous nous trouvons.
C’est à nous - les créateurs - que revient la tache de créer les conditions qui nous
permettrons de répondre demain aux attentes de tous.
Un monde s’éteint, un autre apparaît
L’idée ici n’est pas de recenser de façon exhaustive l’ensemble des processus dis-
ruptifs auxquels conduit internet, ni toutes les industries touchées.
Pour faire simple et dans les grandes lignes:
Dans le monde d’avant, les outils de production sont aux mains de quelque-uns, les
canaux de diffusions sont rares, les moyens de réalisation son chers, l’éducation et
l’information sont difficiles d’accès et le public demande des créations et de l’infor-
mation (encore trop rare). Dans le monde d’aujourd’hui (et de demain), les outils de
production sont au main de tous, les canaux de diffusion sont pléthore, les moyens
de réalisation sont abordables, l’éducation et l’information sont abondantes, les util-
isateurs sont en surcharge d’information.
Au XVème siècle, le passage du moyen-age à la Renaissance fut certainement assez
peu remarqué par les contemporains. Seules les élites et les érudits pouvaient se
douter que quelque chose d’inhabituel était en train de se dérouler. Les peuples -
eux - ne connurent pas d’améliorations majeures dans leur mode de vie - quand bien
même la connaissance était plus répandue qu’auparavant pour les raisons exposées
plus haut - elles n’avaient pas encore de prise dans l’histoire de chacun. La bascule
s’est opérée il y a finalement assez peu de temps, en fait, il y a 100 ans. Pendant la
guerre de 1914. Première guerre de l’histoire où les témoignages écrits viennent
à la fois des généraux et des officiers, mais également des simples soldats. Pour la
première fois de l’histoire, chaque famille dispose de témoignages direct de ce que
les hommes endurent dans les tranchées à cette époque. Il aura donc fallut prés de
450 ans pour que l’imprimerie change profondément la société, la façon dont elle
se perçoit et dont elle agit.
La transition, (trop/trés) rapide, est indéniablement mal vécue par les opérateurs.
L’ensemble des modèles hérités des siècles derniers s’écroulent les uns après les
autres sans qu’aucun des acteurs n’aient la capacité d’anticiper ces changements ou
le courage de le faire. En 1942 dans son livre Capitalisme, Socialisme et Démocratie,
Joseph Schumpeter décrit ce phénomène comme la « destruction créatrice », un
processus continuellement à l’œuvre dans les économies et qui voit se produire de
façon simultanée la disparition de secteurs d’activité économique conjointement à
la création de nouvelles activités économiques.
Commetoujours,laresistancedesacteurstraditionelss’organiseenmobilisanttoutes
les resources accumulées par des années de prospérité. Les industries s’arc-boutent
et renforcent leurs offensives protectionnistes cherchant à tous crins un retour à la
normale. Aux Etats-Unis, c’est l’industrie musicale qui s’attaque en premier lieu dans
les années 90 à Napster - service de partage peer-to-peer de musique - seulement
pour voir leurs efforts balayés une décennie plus tard par l’arrivée d’itunes, puis de
Pandora et Spotify. Le cinéma réagit également contre le piratage en attaquant les
sites de partage type Pirates Bay. Dernier exemple en date, la télévision qui tente
de contrer l’offensive Netflix en créant une offre alternative (Hulu) et en poussant les
ISPs à se regrouper pour contrôler la diffusion des contenus sur le web.
Malgré les efforts colossaux déployés pour maintenir une situation de status quo qui
permettrait de trouver une solution à cette ère de créativité destructrice, les étapes
transitoires se succèdent. Nous sommes passé rapidement de l’ère de l’économie
industrielle (une marque fournit un produit vendu à un endroit pour tous), à une
économie expérientielle (une marque et ses utilisateurs partagent une expérience
autour d’un produit) pour arriver à une économie sémantique - ou aussi appelée
collaborative (les utilisateurs et les marques sont de moins en moins dissociés, ils
collaborent pour créer un produit hautement personnalisable qui bénéficie à tous).
La bascule vers l’économie sémantique (ou collaborative) - dans laquelle chaque
individu à le pouvoir d’interagir avec l’autre, échanger, communiquer, payer pour
un bien ou un service - vous le notez, est loin d’être anodine. Elle recèle en elle
des trésors de promesses pour ceux qui sauront s’y adapter. Au plus profond du
fonctionnement des sociétés, des nations et des états, cette transition se fait ressen-
tir. Le besoin de solidarité, la remise en question des autorités - qu’elles soient poli-
tiques ou économiques - le développement de l’entraide, le partage des connais-
sances, le retour de l’initiative citoyenne et/ou privée (si ces deux là peuvent être
séparées), tout cela marque le passage d’un monde à un autre.
L’immersion du numérique dans nos vies par le truchement des téléphones mo-
biles nous permet d’accéder à l’ensemble des connaissances du monde en une frac-
tion de seconde, notre quotidien est analogique (réel) et numérique, nous sommes
d’ores et déjà des humains étendus. Nos comportements changent, nos attentes
changent, nos façons de voir et de comprendre le monde s’améliorent, se com-
plexifient, notre rapport aux choses d’hier, aux structures créées avant l’ère internet
se relativise, nous cherchons autre chose. Il est temps d’inventer quelque chose de
nouveau.
Moving on?
Il y a près de 5 ans, alors que j’étais photojournaliste à New York, j’ai commencé
à étudier de plus près l’état du photojournalisme et des médias ( à lire « Sortir du
Cadre »). Je voulais savoir quelles étaient les erreurs que nous - photographes et
patrons d’agence - avions fait pour nous conduire dans la situation de crise terrible
que nous connaissions, et ce qui pourrait être changé pour améliorer la situation.
Comme l’industrie musicale et cinématographique, la presse connaissait ce mo-
ment de rupture, une brisure des habitudes de consommation et de production qui
poussait mes collègues et moi même ainsi que les entreprises pour lesquelles nous
travaillions vers une précarisation de plus en plus forte.
J’étais alors convaincu que nous avions encore suffisamment de temps et de pou-
voir, de « grip » sur le marché pour changer les choses, pour inverser l’effet dévas-
tateur des microstocks ou l’expansion sans fin de Getty images. Tous les éléments
étaient là. Nous avions un diagnostic relativement clair, des contraintes parfaitement
identifiées, des organisations structurées - telles que la NPPA ou Editorial Photogra-
pher - capables de relayer les conclusions tirées et d’en forcer l’application.
Mais rien ne se passa.
Je n’avais pas réalisé que la mutation à laquelle j’assistais et dont j’étais en quelque
sorte aussi la victime n’était pas le résultat des erreurs que nous avions commise,
mais plutôt la conséquence logique d’une transformation plus large de la société
dans son ensemble. Alors que je cherchais des solutions pour me battre « contre »
la situation, j’avais omis les solutions qui nous permettaient de nous adapter à cette
nouvelle donne, de l’embracer et d’en tirer le meilleur. Pire, ceux d’entre nous aux
responsabilités - et malgré nombres d’études et d’écrits publié à ce sujet - faisaient
la même erreur.
Cinq années se sont écoulées, et pas l’ombre d’une amélioration. La situation se
dégrade à mesure que les publications s’enfoncent dans une crise sans fond. Pour-
quoi ce manque de réaction? La peur. La peur du changement, la peur de se réin-
venter, la peur de remettre en question un modèle hérité d’un autre age, un modèle
hérité de l’ère pré-internet. Cette peur terrible s’est propagée au fil du temps, depuis
la fin des années 80 à nos jours sans qu’aucun des responsable en poste à l’intérieur
des journaux, des agences, n’ait eu fondamentalement le courage ou l’opportunité
de reprendre la planche à dessin et redéfinir les contours d’un média nouveau,
au rôle et aux responsabilités différentes, plus adapté à l’époque, aux mentalités,
aux modes de consommation et à l’ouverture des uns et des autres. Plus adapté au
monde inventé par Berners-Lee qu’au monde inventé par Gutenberg.
Il est incontestable que de nouveaux médias ont émergé. Le Huffington Post, Vice
Media, Quartz, Business Insider, FiveThirtyEight pour ne citer qu’eux aux Etats Unis
se sont tous développés sur de nouveaux modèles, économiques et éditoriaux. Mais
tous ont été portés par des outsiders.
De nouveaux venus dans la sphère média, libres de l’héritage encombrant de l’in-
dustrie de la presse, libres de pouvoir commencer à partir d’une feuille blanche.
Vers un nouveau modèle
Ce sont les propos de Michel Reilhac aux DIY Days Paris en Mars dernier qui ont con-
forté ma vision de l’industrie créative dans laquelle - nous professionnels des nou-
velles écritures - nous évoluons. Il soulignait à la fin de la première journée combien
le vocabulaire utilisé par l’ensemble des participants était porteur de valeurs qui
- toutes proportions gardées - soutenaient des valeurs « politiques » plus large. Hu-
milité, partage, expérience, interaction, communauté, collaboration, tout ces mots
faisaient partie d’un champs lexical normalement utilisé dans le cadre de la scène
émergente de l’économie collaborative. Mais plus que cela, tout ces mots portaient
également en eux des valeurs sociétales au coeur des préoccupations, des valeurs
transformatrices de fond tant elles semblaient éloignées des modèles traditionnels
de notre société industrielle.
Les méthodes même de travail durant cette journée offraient de façon sous-jacente
une vue bien différente - et tout à fait stimulante - de ce qui nous attendait d’ici à
quelques années. Collaboration, discussion, coopération, horizontalité, répartition,
nous réinventions ce que c’est de produire ensemble. Cette remarque a particulière-
ment résonné en moi, d’autant plus qu’elle faisait suite à une série de reflexion et de
discussions entamées quelques jours plus tôt au symposium i-docs 2014 à Bristol.
Les mots, les préoccupations éthiques, les méthodes de travail, les témoignages, les
présentations, la nature même des créations présentées, tout cela faisait écho à une
seule et même chose: la préoccupation de voir émerger ou créer un nouvel envi-
ronnement dans lequel nous puissions nous épanouir. Et, sans concertation aucune,
à près de 1000km de distance, sous l’empire de languages différents, nous avions
tous, la même aspiration.
L’effort que nous menons, que ce soit en organisant les DIY Days, i-docs ou les ses-
sions Storycode contribue à remodeler notre perception de l’industrie et favorise le
développement de bonnes pratiques qui forgent l’écosystème de demain. Mieux,
il contribue à redéfinir à la fois une offre, mais également à tracer les contours d’un
rôle nouveau de la création dans la société contemporaine. Il constitue sans aucun
doute l’expression d’un changement plus large, initié par l’apparition d’Internet et
le développement des valeurs et pratiques qu’il induit, nous inscrivant de fait, dans
une démarche « politique » au sens ou l’entendait Michel Reilhac.
Ces initiatives participent au fond à une rupture progressive d’avec l’ancien système
et la mise en place d’une philosophie nouvelle qui vient sous-tendre une activité
nouvelle.
Notre Feuille Blanche
Il est temps de développer un nouvel écosystème, de partir d’une feuille blanche.
Dans une récente interview, Astra Taylor, documentariste Canadienne et auteure de
«The People’s Platform » nous rappelle que le réseau de produit pas de révolution, il
représente seulement une opportunité pour ceux qui veulent créer une révolution.
En tant qu’outil, Internet n’est finalement que le reflet de la société dans laquelle il
s’est développé, re-transposant ainsi à l’échelle numérique, les batailles d’influence
qui agitent les industries créatives depuis prés de 20ans. Les récentes entraves à
la net-neutralité aux Etats-Unis et les tentatives Européennes de la limiter démon-
trent que les enjeux culturels, économiques et industriels sont important. « Les dy-
namiques de pouvoir des anciens acteurs ne vont pas s’évanouir, elles vont devoir
être détruites » explique Taylor, « cela va demander des luttes (politiques), de l’in-
vestissement (citoyen) et une vision de ce que doit être la place d’internet dans nos
sociétés ».
L’enjeu est donc de taille et nécessite que nous prenions conscience de ce que
nous faisons, des modèles qui nous gouvernent et de l‘opportunité qui est encore
la notre de prendre la parole et d’afficher nos convictions. Si sur le plan créatif nous
n’avons pas à rougir - de ce point de vue, nous faisons partie des leaders mondiaux
avec le Canada - il reste encore bien des efforts a fournir pour réformer les modes
de rémunération, les circuits de financement et de diffusion des oeuvres de nou-
velle écritures.
Par exemple les diffuseurs télé,dont les pratiques - bien que volontaristes - marquent
le pas au regard des usages pratiqués sur le web et des besoins de développement
du secteur, cherchent encore où placer les nouvelles écritures dans leur activités.
L’intégration des nouvelles écritures au sein des autres services reste à accomplir
complètement et la communication intra-entreprise reste un challenge de tous
les jours. L’analyse même du marché dit « traditionnel » de ces diffuseurs soulève
nombre de commentaires, pas toujours flatteurs, et appelle des changements en
profondeur. A ce titre par exemple, les recommandations du Conseil National du
Numérique sous la direction de Nathalie Sonnac montre tout à fait le décalage entre
les besoins d’un public web natif et la réalité des chaines encore engoncées dans
leurs modèles industriels hérités d’un autre temps.
Lorsqu’il s’agit d’oeuvres réalisées en collaboration avec le petit monde émergeant
des productions transmédia et interactives, on constate que le fossé est encore plus
grand. Pas de promotion trés efficace, coordonnée et systématisée des oeuvres
commandées, une communication - hors sphère spécialisée - marginale, presqu’au-
cun effort de pédagogie réalisé auprès du grand public pour les amener à consult-
er ces oeuvres. Bref tout semble à faire.
L’enjeu est considérable pour nous autres créatifs, si l’on regarde la disproportion
des forces en présence. D’un coté on retrouve des partenaires dont les challenges
financiers sont colossaux et pour qui le secteur « nouvelles écritures » ne représente
pas encore une solution à ces problèmes - tout juste une section R&D largement
externalisée sur laquelle pèse finalement assez peu de risques. D’un autre une myr-
iade d’acteurs (producteurs, auteurs) tous portés par la même énergie mais peu
coordonnés et financièrement trop faibles pour se passer des premiers.
Alors que faire?
Nous entrons dans l’ère du co: co-création, co-production, co-financement (crowd-
funding), co-distribution (peer-to-peer) etc…
Nous devons donc reconnaitre le changement et - avec réalisme et sans angélisme
- accepter d’en suivre la nature.
Envisager l’économie des Solutions:
Avec l’économie collaborative et le « peer-to-peer », la distinction entre les produc-
teurs et les consommateurs s’estompe. Le consommateur devient un producteur
intermittent, un co-créateur, le producteur un facilitateur, un guide. L’ensemble de
l’activité doit se munir des éléments légaux et contractuels basés sur des outils ou-
verts - mais protecteurs - tels que les creative commons ou des solutions similaires.
Le développement du Crowdfunding à encourager et développer:
En un peu plus de trois ans, le financement participatif de projets par le biais d’In-
ternet a explosé en France. Sous forme de don, de prêt, ou d’investissement en
capital, comme sur la plateforme Anaxago ou Kisskissbankbank, le secteur n’en est
qu’au début de sa croissance et promet d’être un partenaire de choix pour les créa-
teurs d’oeuvres sur Internet. L’émergence de crypto-currency (telles que bitcoin) et
des moyens de paiement facilités (paypal, google checkout) et leur développement
doit encourager la recherche de modèles de rémunération directs du « spectateur
» au « créateur » .
Vers un droit du Collaboratif:
Dans un monde pensé par le prisme de la propriété (intellectuelle), de l’industrie
et juridiquement structuré en conséquence, le développement et la professionnal-
isation d’un écosystème des nouvelles écritures basé sur l’économie collaborative
passe par l’utilisation de concepts juridiques ouvert. L’utilisation des Creative Com-
mons doit être fortement encouragé et généralisé, adoptée par les créateurs com-
me les producteurs et les diffuseurs. L’idée d’une licence globale universelle doit
être poussée pour favoriser l’échange et le partage de contenus culturels sur inter-
net en préservant les revenus des créateurs.
Passer en mode « Lattice »
Production horizontales, structures à géométrie variable, champs d’action élargis, le
numérique réinvente le fonctionnement du collectif et ses frontières. La production
d’oeuvre numériques doit s’inspirer fortement de ces nouvelles formes d’organisa-
tion et réinventer une forme de collaboration adaptée au travail en ligne.
Pour rentrer encore plus dans le détail et apporter quelques exemples concrets, il
existe 5 mesures simples qui favoriseraient selon moi le travail des uns et des autres
ainsi que la propagation plus rapide et plus large des oeuvres créées.
Imposer le bilinguisme Français/Anglais dans les critères d’attribution d’aides
Que ce soit par l’intermédiaire de sous-titrage ou de doublage, l’introduction du
bilinguisme obligatoire aurait pour effet de rendre visibles ET compréhensibles les
oeuvres réalisées en France à un niveau international. Cela ouvrirait les portes d’un
marché plus vaste, non limité à l’hexagone et à la francophonie et permettrai d’asse-
oir un savoir faire à l’étranger et de développer une réputation déjà solide. L’export
de la « French Touch » et de sa culture (dont la langue n’est pas le seul et unique
vecteur) passe à mon avis par là.
Uniformiser les dossiers d’aides à l’échelle nationale
La rationalisation des dossiers de demande d’aide au niveau national apporterai plus
de clarté et de transparence à la fois du point de vue des auteurs/producteurs que
des différents acteurs institutionnels. Un système centralisé du type « Withoutabox »
où chacun pourrait venir remplir un dossier unique en ligne valable pour toutes les
demandes d’aides et de bourses permettrait un gain de temps considérable. Une
telle plateforme bénéficierait grandement aux institutions qui pourraient détermin-
er des critères d’attribution communs, donc des points de comparaison fiable sur la
qualité d’un programme nouvelles écritures. L’inclusion de prototypes d’interface,
de démos s’en trouverait facilité (celle ci devant être obligatoire pour un programme
web) et leur consultation par les jurys serait certainement plus logique et facile.
Valoriser la mesure de l’engagement et son partage
Il est difficile de considérer les créations sur le web comme on considère un film, ne
serait ce que parce que la nature du web exige une communication à deux sens. Il
est donc indispensable de repenser la façon dont l’oeuvre engage son public et de
valoriser les dispositifs offrant un plan marketing solide et une stratégie de mesure
d’engagement du public lié à ce plan marketing. La collaboration des diffuseurs en
ce domaine devant être à tous prix renforcé.
Mettre en place ce type de dispositif permettrait également de pouvoir commu-
niquer les résultats - en accès confidentiel ou pas - aux commissions d’attribution
d’aide pour que le personnel administratif et les jury puisse se familiariser avec les
schémas qui ont prouvé leur efficacité et ceux qu’il faut améliorer. Bien entendu,
l’usage de ces métriques ne pourrait pas seul déterminer l’attribution des aides, le
caractère artistique devant être avant tout préservé.
L’impact social, culturel ou éducationnel en priorité
Ce point porte certainement en lui les germes d’un débat important, mais je con-
sidère que nous devons inscrire les nouvelles écritures dans ce mouvement plus
large dont je parlais précédemment et que d’une façon ou d’une autre les créations
subventionnées soient plus « civilement responsables », c’est à dire plus encline à
inciter le public à agir.
Tout comme Johannes Gutenberg ou Georges Mélies l’ont fait en leur temps quand
ils ont créé un écosystème autour de leur art, il est temps pour nous de compléter
notre voyage et de commencer une conversation sur les modèles économiques et
les pratiques à créer autour des nouvelles écritures. Il est temps que nous nous re-
joignons pour créer les conditions dans lesquels les auteurs, les producteurs, les dif-
fuseurs soient d’avantage partenaires et se retrouvent autour de valeurs communes.
Je ne prétends pas apporter de réponse définitive ou de solutions miracle, tout au
plus un questionnement sur l’avenir des nouvelles écritures et sur les conditions de
leur développement.
Ce texte est une invitation au débat et à la réflexion entre les différents acteurs
français et internationaux, passionnés par les nouvelles écritures et convaincus de
leur avenir. En dépit des récentes évolutions concernant la neutralité du net et les
implications qu’elles supposent - potentiellement dangereuses pour chacun d’entre
nous - je reste convaincu que nous avons une opportunité unique de créer un dia-
logue et les conditions d’épanouissement d’un secteur qui porte en lui ces notions
essentielles que sont le partage, la collaboration, l’éducation et l’information.
Gerald Holubowicz
Avril 2014
Gerald Holubowicz est le fondateur
de Chewbahat Storytelling Lab.
Il a passé 12 ans à travailler
comme photographe de pres-
se pour diverses agences de
photo de renommée mondiale en
France et aux Etats-Unis où il a vécu
pendant 5 ans.
Depuis 2008, Gerald se penche sur
les questions liées aux web documen-
taires et à la narration transmedia, et
la recherche de nouvelles techniques
pour raconter de meilleures histoires.
De retour à Paris en 2010, Gerald s’est
profondément impliqué dans l’anima-
tion de la communauté Transmedia en
France et au-delà.
Depuis 2012, il est responsable de la
formation documentaires interactifs
(webdoc) à l’EMI-CFD à Paris et a co-
fondé la section française de Story-
code Paris.
© Gerald Holubowicz - 2014 - The Trilby

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  • 1.
  • 2. Quand Gutenberg invente en 1450 le caractère mobile d’imprimerie et la presse qui donne naissance à l’imprimerie moderne, le natif de Mayence est loin de se douter de la portée de sa création sur le monde. Si en soit l’imprimerie n’est pas un concept nouveau - les chinois et les japonais avaient développé avant lui des systèmes équiv- alents - elle bénéficie en occident d’une conjonction de facteurs sociétaux, culturels et religieux qui assurent son essor pour les siècles suivants. A cette époque l’Europe connait une période relativement calme, les églises se construisent à tour de bras, mais les Bibles - sensées porter le message de Dieu - restent encore extrêmement rares. Toutes les églises n’en sont pas dotées. Il faut presque une vie d’homme éru- dit pour reproduire un ouvrage complet du nouveau testament, mais les hommes ont une vie courte et seuls les moines copistes et d’autres ecclésiastiques sont assez érudits pour se charger de la tâche. L’arrivée de l’imprimerie résout le problème de la reproduction en série. Quelques dizaines d’années plus tard, au début du XVIème siècle, L’allemand Mar- tin Luther est l’un des premiers à comprendre les avantages de l’imprimerie. Le ca- tholicisme se répends et le théologien réformiste cherche à faire connaitre ses vues radicales, opposées au dogme romain. En achetant près de 1800 bibles - qu’il dis- tribue ensuite aux érudits allemands de l’époque - Luther cherche à émanciper les croyants de la parole des prêtres en leur donnant un outil capable de forger leur conviction. En réalité, il initie un mouvement plus large puisqu’il fera du livre un élément de transmission de savoir de masse. Alors que le nombre de lecteurs croît considérablement, le nombre de livres croît également, enrichissant la société de l’époque d’un savoir jusqu’ici inaccessible. Parallèlement, alors que la Renaissance s’épanouit, se développent de nouvelles techniques, de nouveaux savoirs, portés par des penseurs modernes. Les débuts de la science et le développement des arts académiques nécessitent la diffusion des savoirs à une échelle telle pour l’époque que le travail de reproduction des moines copistes ne peut plus satisfaire les beso- ins de tous. L’imprimerie émerge donc au coeur de cet environnement, un écosystème favor- able. De fait, l’imprimerie modèle les pensées et l’économie. Le processus nécessaire à la réalisation d’un livre, copie conforme issue d’un processus mécanisé, la produc- tion de masse, plantent les bases de ce qui - quelques siècles plus tard - donnera naissance à l’industrie moderne. Au fil des siècles, l’imprimerie forge notre façon de créer des contenus intellectuels, notre manière de les distribuer, de les rendre public, d’en tirer des revenus. Elle institue le « one-to-many », c’est à dire l’exclusive diffusion en masse de la connaissance à travers des canaux contrôlés par des édi- teurs vers une population croissante de lecteurs. Au plan intellectuel,le caractère,le mot,la phrase,le paragraphe,la page,le chapitre, le livre, la bibliothèque, la librairie, jouent un rôle structurant, mettant à l’instar des poupée russe, les pensées en boite. Conservées, préservées pour l’éternité, les re- flexions jadis fluides et vivantes se figent dans la papier, disponibles au regard des autres.
  • 3. Il faut attendre la révolution industrielle et la fin du XIXème siècle pour voir appa- raître de nouvelles technologies qui donneront naissance aux médias de masse - photographie, radio, cinéma - les modèles de financement, de production et de distribution hérités de l’imprimerie sont adaptés pour coller à ces nouveaux médias, ouvrant de nouveaux marchés, et créant ainsi de nouveaux « lecteurs » susceptibles d’être intéressés par une offre plus variée. Il ne faut désormais plus une vie d’homme pour reproduire un livre, mais les coûts de productions restent néanmoins élevés et interdisent encore pour longtemps l’ap- propriation de ces nouveaux moyens d’expression à la majorité des individus. Prés d’une centaine d’année s’écoule et en quelques générations tout le monde sem- ble accepter le schéma proposé: seul un groupe d’happy-few dispose des moyens pour prendre la parole dans la sphère publique et faire autorité. Au fil du temps les usages de part et d’autre se stabilisent, permettant à ce qui est désormais devenu une véritable industrie des médias de s’épanouir. Nous sommes au XXème siècle, et c’est l’ère des empires médiatiques, du prime time, des magazines à grand tirage, une ère où des millions de personnes assistent devant leur poste aux premiers pas de l’homme sur la lune ou à la chute du mur de Berlin. Une ère où les moines co- pistes su prospérent à nouveau.
  • 4. Et puis Internet…. Quand Tim Berners-Lee invente en 1989 l’hypertext transfer protocol (http) et les technologies associées qui donnent naissance au web contemporain, le londonien est loin de se douter de la portée de sa création sur le monde… Si le réseau n’est pas un concept nouveau - les américains et les français avant lui ont développé des sys- tèmes équivalents - il bénéficie, comme l’imprimerie avant lui, d’une conjonction de facteurs sociétaux et culturels qui assurent son essor pour les décennies suivantes. S’il est encore trop tôt pour peindre une image définitive de la portée des transfor- mations qui sont en cours, au vu de l’ampleur de l’invention, on ne peut désormais plus douter qu’elle a transformé durablement et profondément les sociétés, les cul- tures et les pensées contemporaines. Témoins de la transformation, nous voyons d’ores et déjà les effets se faire sentir sur l’économie « traditionnelle ». Il aura fallu près de 80 ans à Gutenberg pour imposer sa machine, et près de 400 ans pour voir fleurir une société fortement structurée autour d’elle. Des changements longs, pro- gressifs, soumis à de nombreuses résistances, auxquels pas un homme de l’époque n’eut la chance d’assister de son vivant. Il nous aura fallut un peu moins de 20 ans pour voir l’ensemble des industries « tra- ditionnelles » profondément remises en cause - quel que soit le secteur, du point de vue économique comme culturel - par l’adoption massive d’internet par le public. Le public justement, il n’est plus. On parle d’utilisateurs, d’internautes. On ne reçoit plus seulement, on échange, on transmet, on communique. Petit retour en arrière pour comprendre à quel point ces facilitateurs de communica- tion que sont (l’alphabet) l’imprimerie et internet sont autant de technologies crucia- les pour nos sociétés. Au 13ème siècle, le Roi Frederic II voulu faire une expérience qui devait déterminer quel language un nouveau né adoptait naturellement. Etait- ce le latin ou le grec? L’homme - qui parlait 9 langues - fit élever des nouveaux nés sans que jamais on ne leur adressa la parole. Résultat, aucun d’entre eux ne survécu à ce traitement. La leçon: l’homme est un animal communiquant. Tous les outils qui lui permettent de développer ce trait particulier, favorise son expansion, son dével- oppement et celui de sa culture. L’invention de l’écriture, de l’imprimerie et aujo- urd’hui d’internet ont chacune créé un bouleversement total des sociétés qui les ont vu naitre. Plus rien ne fut pareil, plus rien ne sera jamais pareil. Les transformations sont profondes et durables. La startup Méliès Lorsque Georges Méliès découvre le cinématographe des Frères Lumière en 1895, c’est la révélation. Il sent d’instinct que cette nouvelle technologie va lui permettre de créer les histoires dont il rêve depuis des années. La guerre de 1870 et la dis- parition du second empire avait plongé pour un temps les populations dans un marasme absolu que seul les distractions frivoles arrivaient à effacer. Homme aux multiples talents, Méliès comprends très vite que son expérience dans la prestidigi- tation marié au cinéma lui donnent les clefs d’un univers artistique jusque là encore inconnu. Il se lance alors dans la réalisation de ces cinématographes. Entre 1897 et 1913, il réalise des centaines de films, découvrant au passage des procédés de
  • 5. tournage inconnus qui mènent plus tard à l’invention des premiers effets spéciaux. Il crée le premier studio de cinéma en France (à Montreuil), le premier réseau de distribution, des méthodes de production, un modèle économique complètement différent de ce qui existait précédemment, tout cela grace à l’émergence d’une nou- velle technologie. En somme Méliès était à la tête d’une startup. Innovateur et inventeur de génie, Méliès a su s’inspirer du passé pour créer un envi- ronnement créatif et économique propice à l’émergence de ses films. Comme d’au- tres - aux Etats Unis, en Angleterre ou en Allemagne - il a su reconnaitre les oppor- tunités du moment et s’en inspirer pour créer une toute nouvelle offre adaptée aux besoins du public de l’époque. Alors que les peintres dénigraient la photographie et que le théâtre décriait le cinématographe, Méliès a su regarder les choses d’un oeil neuf et oser disputer les standards culturel de l’époque en pariant sur le dével- oppement d’un genre artistique sur lequel peu se penchaient. Avec un certain cour- age et une ténacité remarquable, l’ancien magicien bouleversa le paysage artistique mondial en suivant sa propre voie. Nous sommes aujourd’hui à nouveau à l’un de ces tournants de l’histoire où la con- vergence de nouvelles technologies, de nouvelles formes d’expression et de beso- ins de société nouveaux permettent de réinventer l’écosystème de connaissance dans lequel nous nous trouvons. C’est à nous - les créateurs - que revient la tache de créer les conditions qui nous permettrons de répondre demain aux attentes de tous.
  • 6. Un monde s’éteint, un autre apparaît L’idée ici n’est pas de recenser de façon exhaustive l’ensemble des processus dis- ruptifs auxquels conduit internet, ni toutes les industries touchées. Pour faire simple et dans les grandes lignes: Dans le monde d’avant, les outils de production sont aux mains de quelque-uns, les canaux de diffusions sont rares, les moyens de réalisation son chers, l’éducation et l’information sont difficiles d’accès et le public demande des créations et de l’infor- mation (encore trop rare). Dans le monde d’aujourd’hui (et de demain), les outils de production sont au main de tous, les canaux de diffusion sont pléthore, les moyens de réalisation sont abordables, l’éducation et l’information sont abondantes, les util- isateurs sont en surcharge d’information. Au XVème siècle, le passage du moyen-age à la Renaissance fut certainement assez peu remarqué par les contemporains. Seules les élites et les érudits pouvaient se douter que quelque chose d’inhabituel était en train de se dérouler. Les peuples - eux - ne connurent pas d’améliorations majeures dans leur mode de vie - quand bien même la connaissance était plus répandue qu’auparavant pour les raisons exposées plus haut - elles n’avaient pas encore de prise dans l’histoire de chacun. La bascule s’est opérée il y a finalement assez peu de temps, en fait, il y a 100 ans. Pendant la guerre de 1914. Première guerre de l’histoire où les témoignages écrits viennent à la fois des généraux et des officiers, mais également des simples soldats. Pour la première fois de l’histoire, chaque famille dispose de témoignages direct de ce que les hommes endurent dans les tranchées à cette époque. Il aura donc fallut prés de 450 ans pour que l’imprimerie change profondément la société, la façon dont elle se perçoit et dont elle agit. La transition, (trop/trés) rapide, est indéniablement mal vécue par les opérateurs. L’ensemble des modèles hérités des siècles derniers s’écroulent les uns après les autres sans qu’aucun des acteurs n’aient la capacité d’anticiper ces changements ou le courage de le faire. En 1942 dans son livre Capitalisme, Socialisme et Démocratie, Joseph Schumpeter décrit ce phénomène comme la « destruction créatrice », un processus continuellement à l’œuvre dans les économies et qui voit se produire de façon simultanée la disparition de secteurs d’activité économique conjointement à la création de nouvelles activités économiques. Commetoujours,laresistancedesacteurstraditionelss’organiseenmobilisanttoutes les resources accumulées par des années de prospérité. Les industries s’arc-boutent et renforcent leurs offensives protectionnistes cherchant à tous crins un retour à la normale. Aux Etats-Unis, c’est l’industrie musicale qui s’attaque en premier lieu dans les années 90 à Napster - service de partage peer-to-peer de musique - seulement pour voir leurs efforts balayés une décennie plus tard par l’arrivée d’itunes, puis de Pandora et Spotify. Le cinéma réagit également contre le piratage en attaquant les sites de partage type Pirates Bay. Dernier exemple en date, la télévision qui tente de contrer l’offensive Netflix en créant une offre alternative (Hulu) et en poussant les ISPs à se regrouper pour contrôler la diffusion des contenus sur le web.
  • 7. Malgré les efforts colossaux déployés pour maintenir une situation de status quo qui permettrait de trouver une solution à cette ère de créativité destructrice, les étapes transitoires se succèdent. Nous sommes passé rapidement de l’ère de l’économie industrielle (une marque fournit un produit vendu à un endroit pour tous), à une économie expérientielle (une marque et ses utilisateurs partagent une expérience autour d’un produit) pour arriver à une économie sémantique - ou aussi appelée collaborative (les utilisateurs et les marques sont de moins en moins dissociés, ils collaborent pour créer un produit hautement personnalisable qui bénéficie à tous). La bascule vers l’économie sémantique (ou collaborative) - dans laquelle chaque individu à le pouvoir d’interagir avec l’autre, échanger, communiquer, payer pour un bien ou un service - vous le notez, est loin d’être anodine. Elle recèle en elle des trésors de promesses pour ceux qui sauront s’y adapter. Au plus profond du fonctionnement des sociétés, des nations et des états, cette transition se fait ressen- tir. Le besoin de solidarité, la remise en question des autorités - qu’elles soient poli- tiques ou économiques - le développement de l’entraide, le partage des connais- sances, le retour de l’initiative citoyenne et/ou privée (si ces deux là peuvent être séparées), tout cela marque le passage d’un monde à un autre. L’immersion du numérique dans nos vies par le truchement des téléphones mo- biles nous permet d’accéder à l’ensemble des connaissances du monde en une frac- tion de seconde, notre quotidien est analogique (réel) et numérique, nous sommes d’ores et déjà des humains étendus. Nos comportements changent, nos attentes changent, nos façons de voir et de comprendre le monde s’améliorent, se com- plexifient, notre rapport aux choses d’hier, aux structures créées avant l’ère internet se relativise, nous cherchons autre chose. Il est temps d’inventer quelque chose de nouveau. Moving on? Il y a près de 5 ans, alors que j’étais photojournaliste à New York, j’ai commencé à étudier de plus près l’état du photojournalisme et des médias ( à lire « Sortir du Cadre »). Je voulais savoir quelles étaient les erreurs que nous - photographes et patrons d’agence - avions fait pour nous conduire dans la situation de crise terrible que nous connaissions, et ce qui pourrait être changé pour améliorer la situation. Comme l’industrie musicale et cinématographique, la presse connaissait ce mo- ment de rupture, une brisure des habitudes de consommation et de production qui poussait mes collègues et moi même ainsi que les entreprises pour lesquelles nous travaillions vers une précarisation de plus en plus forte. J’étais alors convaincu que nous avions encore suffisamment de temps et de pou- voir, de « grip » sur le marché pour changer les choses, pour inverser l’effet dévas- tateur des microstocks ou l’expansion sans fin de Getty images. Tous les éléments étaient là. Nous avions un diagnostic relativement clair, des contraintes parfaitement identifiées, des organisations structurées - telles que la NPPA ou Editorial Photogra- pher - capables de relayer les conclusions tirées et d’en forcer l’application. Mais rien ne se passa.
  • 8. Je n’avais pas réalisé que la mutation à laquelle j’assistais et dont j’étais en quelque sorte aussi la victime n’était pas le résultat des erreurs que nous avions commise, mais plutôt la conséquence logique d’une transformation plus large de la société dans son ensemble. Alors que je cherchais des solutions pour me battre « contre » la situation, j’avais omis les solutions qui nous permettaient de nous adapter à cette nouvelle donne, de l’embracer et d’en tirer le meilleur. Pire, ceux d’entre nous aux responsabilités - et malgré nombres d’études et d’écrits publié à ce sujet - faisaient la même erreur. Cinq années se sont écoulées, et pas l’ombre d’une amélioration. La situation se dégrade à mesure que les publications s’enfoncent dans une crise sans fond. Pour- quoi ce manque de réaction? La peur. La peur du changement, la peur de se réin- venter, la peur de remettre en question un modèle hérité d’un autre age, un modèle hérité de l’ère pré-internet. Cette peur terrible s’est propagée au fil du temps, depuis la fin des années 80 à nos jours sans qu’aucun des responsable en poste à l’intérieur des journaux, des agences, n’ait eu fondamentalement le courage ou l’opportunité de reprendre la planche à dessin et redéfinir les contours d’un média nouveau, au rôle et aux responsabilités différentes, plus adapté à l’époque, aux mentalités, aux modes de consommation et à l’ouverture des uns et des autres. Plus adapté au monde inventé par Berners-Lee qu’au monde inventé par Gutenberg. Il est incontestable que de nouveaux médias ont émergé. Le Huffington Post, Vice Media, Quartz, Business Insider, FiveThirtyEight pour ne citer qu’eux aux Etats Unis se sont tous développés sur de nouveaux modèles, économiques et éditoriaux. Mais tous ont été portés par des outsiders.
  • 9. De nouveaux venus dans la sphère média, libres de l’héritage encombrant de l’in- dustrie de la presse, libres de pouvoir commencer à partir d’une feuille blanche. Vers un nouveau modèle Ce sont les propos de Michel Reilhac aux DIY Days Paris en Mars dernier qui ont con- forté ma vision de l’industrie créative dans laquelle - nous professionnels des nou- velles écritures - nous évoluons. Il soulignait à la fin de la première journée combien le vocabulaire utilisé par l’ensemble des participants était porteur de valeurs qui - toutes proportions gardées - soutenaient des valeurs « politiques » plus large. Hu- milité, partage, expérience, interaction, communauté, collaboration, tout ces mots faisaient partie d’un champs lexical normalement utilisé dans le cadre de la scène émergente de l’économie collaborative. Mais plus que cela, tout ces mots portaient également en eux des valeurs sociétales au coeur des préoccupations, des valeurs transformatrices de fond tant elles semblaient éloignées des modèles traditionnels de notre société industrielle. Les méthodes même de travail durant cette journée offraient de façon sous-jacente une vue bien différente - et tout à fait stimulante - de ce qui nous attendait d’ici à quelques années. Collaboration, discussion, coopération, horizontalité, répartition, nous réinventions ce que c’est de produire ensemble. Cette remarque a particulière- ment résonné en moi, d’autant plus qu’elle faisait suite à une série de reflexion et de discussions entamées quelques jours plus tôt au symposium i-docs 2014 à Bristol. Les mots, les préoccupations éthiques, les méthodes de travail, les témoignages, les présentations, la nature même des créations présentées, tout cela faisait écho à une seule et même chose: la préoccupation de voir émerger ou créer un nouvel envi- ronnement dans lequel nous puissions nous épanouir. Et, sans concertation aucune, à près de 1000km de distance, sous l’empire de languages différents, nous avions tous, la même aspiration. L’effort que nous menons, que ce soit en organisant les DIY Days, i-docs ou les ses- sions Storycode contribue à remodeler notre perception de l’industrie et favorise le développement de bonnes pratiques qui forgent l’écosystème de demain. Mieux, il contribue à redéfinir à la fois une offre, mais également à tracer les contours d’un rôle nouveau de la création dans la société contemporaine. Il constitue sans aucun doute l’expression d’un changement plus large, initié par l’apparition d’Internet et le développement des valeurs et pratiques qu’il induit, nous inscrivant de fait, dans une démarche « politique » au sens ou l’entendait Michel Reilhac. Ces initiatives participent au fond à une rupture progressive d’avec l’ancien système et la mise en place d’une philosophie nouvelle qui vient sous-tendre une activité nouvelle. Notre Feuille Blanche Il est temps de développer un nouvel écosystème, de partir d’une feuille blanche. Dans une récente interview, Astra Taylor, documentariste Canadienne et auteure de «The People’s Platform » nous rappelle que le réseau de produit pas de révolution, il
  • 10. représente seulement une opportunité pour ceux qui veulent créer une révolution. En tant qu’outil, Internet n’est finalement que le reflet de la société dans laquelle il s’est développé, re-transposant ainsi à l’échelle numérique, les batailles d’influence qui agitent les industries créatives depuis prés de 20ans. Les récentes entraves à la net-neutralité aux Etats-Unis et les tentatives Européennes de la limiter démon- trent que les enjeux culturels, économiques et industriels sont important. « Les dy- namiques de pouvoir des anciens acteurs ne vont pas s’évanouir, elles vont devoir être détruites » explique Taylor, « cela va demander des luttes (politiques), de l’in- vestissement (citoyen) et une vision de ce que doit être la place d’internet dans nos sociétés ». L’enjeu est donc de taille et nécessite que nous prenions conscience de ce que nous faisons, des modèles qui nous gouvernent et de l‘opportunité qui est encore la notre de prendre la parole et d’afficher nos convictions. Si sur le plan créatif nous n’avons pas à rougir - de ce point de vue, nous faisons partie des leaders mondiaux avec le Canada - il reste encore bien des efforts a fournir pour réformer les modes de rémunération, les circuits de financement et de diffusion des oeuvres de nou- velle écritures. Par exemple les diffuseurs télé,dont les pratiques - bien que volontaristes - marquent le pas au regard des usages pratiqués sur le web et des besoins de développement du secteur, cherchent encore où placer les nouvelles écritures dans leur activités.
  • 11. L’intégration des nouvelles écritures au sein des autres services reste à accomplir complètement et la communication intra-entreprise reste un challenge de tous les jours. L’analyse même du marché dit « traditionnel » de ces diffuseurs soulève nombre de commentaires, pas toujours flatteurs, et appelle des changements en profondeur. A ce titre par exemple, les recommandations du Conseil National du Numérique sous la direction de Nathalie Sonnac montre tout à fait le décalage entre les besoins d’un public web natif et la réalité des chaines encore engoncées dans leurs modèles industriels hérités d’un autre temps. Lorsqu’il s’agit d’oeuvres réalisées en collaboration avec le petit monde émergeant des productions transmédia et interactives, on constate que le fossé est encore plus grand. Pas de promotion trés efficace, coordonnée et systématisée des oeuvres commandées, une communication - hors sphère spécialisée - marginale, presqu’au- cun effort de pédagogie réalisé auprès du grand public pour les amener à consult- er ces oeuvres. Bref tout semble à faire. L’enjeu est considérable pour nous autres créatifs, si l’on regarde la disproportion des forces en présence. D’un coté on retrouve des partenaires dont les challenges financiers sont colossaux et pour qui le secteur « nouvelles écritures » ne représente pas encore une solution à ces problèmes - tout juste une section R&D largement externalisée sur laquelle pèse finalement assez peu de risques. D’un autre une myr- iade d’acteurs (producteurs, auteurs) tous portés par la même énergie mais peu coordonnés et financièrement trop faibles pour se passer des premiers. Alors que faire? Nous entrons dans l’ère du co: co-création, co-production, co-financement (crowd- funding), co-distribution (peer-to-peer) etc… Nous devons donc reconnaitre le changement et - avec réalisme et sans angélisme - accepter d’en suivre la nature. Envisager l’économie des Solutions: Avec l’économie collaborative et le « peer-to-peer », la distinction entre les produc- teurs et les consommateurs s’estompe. Le consommateur devient un producteur intermittent, un co-créateur, le producteur un facilitateur, un guide. L’ensemble de l’activité doit se munir des éléments légaux et contractuels basés sur des outils ou- verts - mais protecteurs - tels que les creative commons ou des solutions similaires. Le développement du Crowdfunding à encourager et développer: En un peu plus de trois ans, le financement participatif de projets par le biais d’In- ternet a explosé en France. Sous forme de don, de prêt, ou d’investissement en capital, comme sur la plateforme Anaxago ou Kisskissbankbank, le secteur n’en est qu’au début de sa croissance et promet d’être un partenaire de choix pour les créa- teurs d’oeuvres sur Internet. L’émergence de crypto-currency (telles que bitcoin) et des moyens de paiement facilités (paypal, google checkout) et leur développement doit encourager la recherche de modèles de rémunération directs du « spectateur » au « créateur » .
  • 12. Vers un droit du Collaboratif: Dans un monde pensé par le prisme de la propriété (intellectuelle), de l’industrie et juridiquement structuré en conséquence, le développement et la professionnal- isation d’un écosystème des nouvelles écritures basé sur l’économie collaborative passe par l’utilisation de concepts juridiques ouvert. L’utilisation des Creative Com- mons doit être fortement encouragé et généralisé, adoptée par les créateurs com- me les producteurs et les diffuseurs. L’idée d’une licence globale universelle doit être poussée pour favoriser l’échange et le partage de contenus culturels sur inter- net en préservant les revenus des créateurs. Passer en mode « Lattice » Production horizontales, structures à géométrie variable, champs d’action élargis, le numérique réinvente le fonctionnement du collectif et ses frontières. La production d’oeuvre numériques doit s’inspirer fortement de ces nouvelles formes d’organisa- tion et réinventer une forme de collaboration adaptée au travail en ligne. Pour rentrer encore plus dans le détail et apporter quelques exemples concrets, il existe 5 mesures simples qui favoriseraient selon moi le travail des uns et des autres ainsi que la propagation plus rapide et plus large des oeuvres créées. Imposer le bilinguisme Français/Anglais dans les critères d’attribution d’aides Que ce soit par l’intermédiaire de sous-titrage ou de doublage, l’introduction du bilinguisme obligatoire aurait pour effet de rendre visibles ET compréhensibles les oeuvres réalisées en France à un niveau international. Cela ouvrirait les portes d’un marché plus vaste, non limité à l’hexagone et à la francophonie et permettrai d’asse- oir un savoir faire à l’étranger et de développer une réputation déjà solide. L’export de la « French Touch » et de sa culture (dont la langue n’est pas le seul et unique vecteur) passe à mon avis par là. Uniformiser les dossiers d’aides à l’échelle nationale La rationalisation des dossiers de demande d’aide au niveau national apporterai plus de clarté et de transparence à la fois du point de vue des auteurs/producteurs que des différents acteurs institutionnels. Un système centralisé du type « Withoutabox » où chacun pourrait venir remplir un dossier unique en ligne valable pour toutes les demandes d’aides et de bourses permettrait un gain de temps considérable. Une telle plateforme bénéficierait grandement aux institutions qui pourraient détermin- er des critères d’attribution communs, donc des points de comparaison fiable sur la qualité d’un programme nouvelles écritures. L’inclusion de prototypes d’interface, de démos s’en trouverait facilité (celle ci devant être obligatoire pour un programme web) et leur consultation par les jurys serait certainement plus logique et facile. Valoriser la mesure de l’engagement et son partage Il est difficile de considérer les créations sur le web comme on considère un film, ne serait ce que parce que la nature du web exige une communication à deux sens. Il est donc indispensable de repenser la façon dont l’oeuvre engage son public et de valoriser les dispositifs offrant un plan marketing solide et une stratégie de mesure d’engagement du public lié à ce plan marketing. La collaboration des diffuseurs en ce domaine devant être à tous prix renforcé.
  • 13. Mettre en place ce type de dispositif permettrait également de pouvoir commu- niquer les résultats - en accès confidentiel ou pas - aux commissions d’attribution d’aide pour que le personnel administratif et les jury puisse se familiariser avec les schémas qui ont prouvé leur efficacité et ceux qu’il faut améliorer. Bien entendu, l’usage de ces métriques ne pourrait pas seul déterminer l’attribution des aides, le caractère artistique devant être avant tout préservé. L’impact social, culturel ou éducationnel en priorité Ce point porte certainement en lui les germes d’un débat important, mais je con- sidère que nous devons inscrire les nouvelles écritures dans ce mouvement plus large dont je parlais précédemment et que d’une façon ou d’une autre les créations subventionnées soient plus « civilement responsables », c’est à dire plus encline à inciter le public à agir. Tout comme Johannes Gutenberg ou Georges Mélies l’ont fait en leur temps quand ils ont créé un écosystème autour de leur art, il est temps pour nous de compléter notre voyage et de commencer une conversation sur les modèles économiques et les pratiques à créer autour des nouvelles écritures. Il est temps que nous nous re- joignons pour créer les conditions dans lesquels les auteurs, les producteurs, les dif- fuseurs soient d’avantage partenaires et se retrouvent autour de valeurs communes. Je ne prétends pas apporter de réponse définitive ou de solutions miracle, tout au plus un questionnement sur l’avenir des nouvelles écritures et sur les conditions de leur développement. Ce texte est une invitation au débat et à la réflexion entre les différents acteurs français et internationaux, passionnés par les nouvelles écritures et convaincus de leur avenir. En dépit des récentes évolutions concernant la neutralité du net et les implications qu’elles supposent - potentiellement dangereuses pour chacun d’entre nous - je reste convaincu que nous avons une opportunité unique de créer un dia- logue et les conditions d’épanouissement d’un secteur qui porte en lui ces notions essentielles que sont le partage, la collaboration, l’éducation et l’information. Gerald Holubowicz Avril 2014
  • 14. Gerald Holubowicz est le fondateur de Chewbahat Storytelling Lab. Il a passé 12 ans à travailler comme photographe de pres- se pour diverses agences de photo de renommée mondiale en France et aux Etats-Unis où il a vécu pendant 5 ans. Depuis 2008, Gerald se penche sur les questions liées aux web documen- taires et à la narration transmedia, et la recherche de nouvelles techniques pour raconter de meilleures histoires. De retour à Paris en 2010, Gerald s’est profondément impliqué dans l’anima- tion de la communauté Transmedia en France et au-delà. Depuis 2012, il est responsable de la formation documentaires interactifs (webdoc) à l’EMI-CFD à Paris et a co- fondé la section française de Story- code Paris. © Gerald Holubowicz - 2014 - The Trilby