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Master 2 professionnel Conseil éditorial et gestion des connaissances

               UFR Philosophie – Université Paris Sorbonne




    La narration transmedia : les enjeux d’une

                 nouvelle expérience créative



                    Mémoire de fin d’études soutenu par

                                 Sibel CEYLAN




Directeur de recherche : Eric Leguay               Promotion 2010 - 2011
Remerciements

Un mémoire n’est jamais un travail purement individuel, même si un seul nom figure

en première page. Ce mémoire est le fruit de réflexions et d’échanges menés avec

les professionnels que j’ai pu rencontrer mais également avec mes proches et mon

entourage.

Je voudrais tout d’abord remercier les enseignants du master 2 Conseil éditorial de

Paris 4 et particulièrement Monique Ollier pour ses conseils et sa capacité à

remotiver les troupes dans les moments de doutes, Jean-Michel Besnier pour sa

présence et son calme ainsi que Eric Leguay, mon directeur de mémoire.

Dans le cadre de mon stage de fin d’études au sein de la direction de la

communication de Orange, j’ai eu la chance de travailler sur un projet transmedia

(Fanfan2). Je remercie donc Sylvain Leroux (mon tuteur de stage) avec qui j’ai

beaucoup parlé de mon sujet de mémoire. Ses nombreux conseils m’ont aidé à

structurer ma réflexion. J’ai également rencontré Morgan Bouchet qui m’a éclairé sur

la vision de la marque Orange dans le milieu du transmedia.

Je tiens à remercier également Mathias Gimeno (directeur de la société transmedia

Prospexity et auteur d’un mémoire de fin d’études sur le transmedia) et Mathieu

Détaint (producteur chez Inflammables Productions) de m’avoir accorder du temps et

d’avoir apporté leur regard professionnel sur ce sujet.

Je dois aussi remercier mes proches qui ont supporté mes doutes et qui ont fait en

sorte que ces quelques mois se passent dans la sérénité. Un très grand merci à

Thibaut qui m’a soutenue, écoutée et motivée jour après jour, à mes sœurs, et à mes

grands-parents (même s’ils n’ont certainement pas tout compris au sujet de mon

mémoire).


                                                                                  2
Ce mémoire n’aurait pas eu la même dimension sans la précieuse aide de Amélie

Sudrot, étudiante à l’Ecole supérieure de gestion et de médiation des Arts et auteure

d’un mémoire sur les enjeux des fictions audiovisuelles interactives. Bravo pour ton

travail !

Enfin, je ne pourrais pas clore ces remerciements sans citer mes camarades de la

promotion Conseil éditorial 2010-2011. Merci à vous tous pour votre soutien !




                                                                                   3
SOMMAIRE

 Introduction                                                                  p.8

  • Définition et contextualisation

  • Intérêt du sujet

  • Problématique et annonce du plan



CHAPITRE 1                                                                p.12-25

QUELLE NARRATION A L’HEURE DE LA CONVERGENCE MEDIATIQUE ?

   I) Permanences et évolutions de la narration                               p.12

        1) Au commencement était le verbe

        2) La narration transmedia : une nouvelle façon de raconter des histoires ?



   II) Convergence des supports et cohérence narrative                        p.16

        1) La convergence des supports au service d’une fiction transmedia

        2) Les différentes typologies de narration transmedia

             a) le transmedia natif

             b) le transmedia de fidélisation

             c) le transmedia promotionnel



  III) La pluridisciplinarité narrative : une exigence de nouveaux métiers ?p.21

        1) Le décloisonnement des domaines d’activité

        2) Au cœur du projet : le producteur transmedia

        3) Le « story architect » et les métiers de l’animation




                                                                                 4
CHAPITRE 2                                                              p.26-41

L’INTERACTIVITE EN QUESTION : QUEL PUBLICS POUR LE TRANSMEDIA ?

  I) Quels supports pour l’interactivité ?                                p.27

        1) L’ARG : un modèle d’interactivité

        2) L’interactivité à la télévision

             a) Les séries télévisées transmedia

             b) Les enjeux de la télévision connectée

        3) Les nouvelles formes de « transmedia activism »

             a) Le webdocumentaire : l’information interactive

             b) Susciter l’engagement grâce au transmedia

             c) les jeux sérieux : un apprentissage par l’immersion ?



  II) L’univers transmedia : vers une ouverture au grand public ?         p.35

        1) Les raisons d’un faible engagement

             a) « Transmedia » : un terme peu connu du grand public

             b) …et des univers encore peu accessibles

        2) Apprentissage et médiation du transmedia

             a) La multiplication des journées dédiées au transmedia

             b) Un festival national du transmedia ?

             c) Des formations universitaires dédiées

             d) Les « curateurs » et les « community managers »




                                                                              5
CHAPITRE 3                                                                 p. 42-57

QUELS MODELES ECONOMIQUES A L’ERE DU TRANSMEDIA ?

   I) Des modèles économiques en cours de définition                          p.43

         1) Les nouveaux besoins de la création transmedia

             a) Les financements traditionnels

             b) Le financement participatif ou « crowdfunding »

             c) Les abonnements et autres formes de financements

             d) Le modèle gratuit est-il recevable ?

             e) La rentabilisation et la mutualisation des coûts

         2) Les politiques publiques étrangères pour le financement de la création

             a) Le réseau « Creative England » : un financement régionalisé

             b) Le modèle économique du Canada (IRIS, FMC)

             c) Un fonds européen pour la création ?



   II) Le transmedia : quelle opportunité pour les marques ?                  p.52

         1) Le « brand content » : une nouvelle image de(s) marques(s)

         2) Le placement de produit et le sponsoring



Conclusion                                                                    p.56

Bibliographie                                                                 p.58

Webographie                                                                   p.58

      1) Sites internet dédiés aux problématiques transmedia

      2) Articles d’analyse



                                                                                     6
3) Podcasts et vidéos

Conférences                                                             p.61



Annexes                                                                 p.62

- Annexe 1                                                              p.62

Glossaire

- Annexe 2                                                              p.70

             Entretiens réalisés

             •   Mathieu Détaint, producteur Inflammables productions   p.70

             •   Morgan Bouchet, direction des contenus Orange          p.75

             •   Mathias Gimeno, directeur de Prospexity                p.79

- Annexe 3                                                              p.81

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                                                                           7
INTRODUCTION


               •   Définition et contextualisation

Cité pour la première fois en 2003 par Henry Jenkins dans un article de la

Technology Review1, le terme « transmedia » consiste à développer un univers

narratif sur différents supports médiatiques. Au croisement du jeu, de la réalité et de

la fiction, l’univers narratif interactif semble pouvoir être démultiplié. Contrairement au

plurimédia (ou encore cross média) qui décline un même contenu sur des supports

médiatiques divers et complémentaires, le transmedia développe des contenus

différents et complémentaires sur différents media (application, TV, site web,

webdoc, film), lesquels contribuent à la création d’une seule et même histoire. De

nombreux acteurs du transmedia choisissent la métaphore du puzzle pour définir le

concept. Un projet transmedia est constitué de morceaux de puzzle indépendants

(on peut ne consulter qu’une pièce du puzzle) mais qui, assemblés, dévoilent

l’intégralité de l’univers narratif et invitent à une expérience plus riche. En ce sens,

l’expérience transmedia remet en cause les techniques narratives, éditoriales mais

aussi économiques du secteur du divertissement.

Pour comprendre le terme transmedia, il est nécessaire d’expliquer le contexte dans

lequel il est né. L’écosystème complexe qui s’est mis en place depuis une dizaine

d’années via internet laisse une grande place au divertissement. Les grandes

chaînes de télévision ont vu leur taux d’audience chuter de 15% à 30% ces dix

dernières années notamment avec l’arrivée de la TNT. Contrairement aux idées


1
  Technology Review (published by MIT) 15 janvier 2003, Henry Jenkins
http://www.technologyreview.com/biomedicine/13052/page1/


                                                                                         8
reçues, internet n’a pas détourné les téléspectateurs de leurs postes de télévision.

Les usages se sont simplement diversifiés et délinéarisés. Le développement de

Youtube (2 milliards de vidéos vues par jour), la démocratisation de Facebook (300

millions de pages vues par mois) et l’émergence de Twitter (90 millions de tweets par

jour) impactent les médias traditionnels (télévision, presse, radio, portails internet) et

remettent en question les modèles économiques du divertissement. En cinq ans, le

temps passé par semaine sur le web a été multiplié par deux. L’attention du

consommateur est désormais à la fois fractionnée, multiple et soumise à des stimuli

numériques qui appellent une réactivité augmentée. On parle de comportements

multitâches quand un téléspectateur est en même temps connecté au web pour

changer son statut Facebook ou livetweeter, qu’il envoie des sms tout en regardant

une série télévisée.       Les acteurs du divertissement doivent faire face à la

fragmentation et la délinéarisation des usages. Il convient alors de lui proposer une

expérience à l’image de son comportement. Les projets transmedia s’attachent à

offrir un divertissement plus interactif, plus tourné vers le spectateur.

Le transmedia peut donc être présenté comme une pratique nouvelle qui cherche à

intégrer le spectateur dans une expérience immersive et ainsi mêler le réel et la

fiction. Du webdocumentaire à la websérie en passant par les ARG (« Alternative

Reality Games »), les séries télévisées, les films, les applications sur smartphone

(iPhone ou Androïd), les sites internet, les blogs et les événements IRL (« In Real

Life »), le transmedia regroupe des supports médiatiques multiples dans le but de

toucher l’audience la plus large grâce à la fidélisation et l’interactivité.



              •   Intérêt du sujet




                                                                                        9
Cet objet d’étude revêt un intérêt indéniable dans la mesure où il est en pleine

émergence. Tout reste encore à imaginer, à découvrir, à créer. Le transmedia

représente une opportunité considérable pour les auteurs de laisser place à leur

imagination pour réinventer la façon d’écrire des histoires et pour casser les

frontières narratives prédéfinies. L’avantage d’un secteur en pleine émergence

réside également dans son ouverture aux profils professionnels multiples. L’intérêt

de ce mémoire est double. Il permet d’approfondir un sujet actuel dont la

bibliographie est encore naissante et d’avoir un regard neuf et prospectif. Il présente

également un intérêt professionnel puisque le secteur du transmedia est un domaine

d’activité ouvert et en plein essor.

Si un « incommensurable champ des possibles » (Jeff Gomez) semble s’ouvrir avec

la notion de transmedia, les opportunités se heurtent parfois à un manque de cadre

notamment financier, juridique ou communicationnel. Car « les projets purement

transmedia restent aujourd’hui assez rare, pour des raisons de coûts, de

compétences et d’absence de modèles économiques. Une création originale

transmedia est un projet complexe, qui requiert de la vision, une maîtrise des

différents supports, et peut s’avérer risqué ».2 C’est pourquoi ce mémoire s’attachera

à développer des pistes de réflexions tout en s’appliquant à prendre le recul

nécessaire pour ne pas succomber à l’effet de mode que représente aussi le

transmedia.



               •   Problématique et annonce du plan




2
  WebTelevisionObserver, interview réalisée par la TransmediaLab
http://webtelevisionobserver.com/2011/02/contenus-web-et-transmedia-notre-interview-au-
transmedialab/


                                                                                          10
La narration transmedia implique une nouvelle expérience créative. Ses codes et ses

genres sont encore en définition. Le transmedia peut être utilisé par les marques

dans le cadre de stratégies marketing novatrices pour toucher une cible prédéfinie.

En quoi les univers transmedia permettent-ils de fédérer et de fidéliser un public ?

Comment l’ensemble des producteurs de contenus réagissent-ils face à l’évolution

des comportements et des usages médiatiques ? Quels en sont les enjeux ? Quel

avenir peut-on envisager pour ce phénomène encore embryonnaire ? Deviendra-t-il

seulement un support de communication dédié aux annonceurs ou peut-on

envisager l’émergence d’une créativité narrative enrichie ?

La remise en cause d’un modèle économique établi pour chaque media est un des

enjeux actuels qu’il convient d’expliquer et d’approfondir.

Ce mémoire présentera un état des lieux de ce phénomène en plein essor à travers

des comparaisons internationales de projets divers. Le modèle économique du

transmedia fera l’objet d’une étude articulée autour de la stratégie de communication

des marques. Cette partie sera bien détaillée dans la mesure où elle décrira l’existant

tout en proposant des pistes de réflexions relatives à l’avenir économique du

transmedia.

Si la bibliographie sur le sujet se limite encore à quelques ouvrages de référence, la

webographie     quant à elle prolifère (sites spécialisés, blogs, réseaux sociaux,

curation).




                                                                                      11
CHAPITRE 1

   QUELLE NARRATION A L’HEURE DE LA CONVERGENCE MEDIATIQUE ?



       I)     Permanences et évolutions de la narration

              1) Au commencement était le verbe



Loin de nous l’idée de développer une histoire de l’écriture ou de la narration. Il

s’agira plutôt de dérouler une brève chronologie des différents supports liés à la

narration et d’y intégrer les nouveaux enjeux d’une écriture transmedia.

Historiquement, l’homme s’est construit avec et dans la narration. Des mythes, des

contes,     des   légendes,   des   récits   (historiques,   biographiques,    fictionnels,

surréalistes…) ont pris différentes formes tout au long de l’Histoire.

D’abord orale, la transmission des histoires se faisait dans le cadre d’une

communauté définie. La verticalité de la transmission orale a laissé place à celle de

la transmission écrite. La démocratisation de la lecture grâce à la technique de

l’imprimerie ouvre la voie à la créativité. Au XIIIème siècle, l’écriture romanesque

adopte la prose en s’inspirant du modèle des textes juridiques. La notion de

crédibilité de l’histoire intéresse particulièrement les auteurs de fiction pour attirer le

lecteur et lui faire vivre une expérience fictive nouvelle qui intègre la réalité. La

presse inaugure le feuilleton pour fidéliser le lecteur d’un jour à l’autre. La fin du

XIXème et le début du XXème siècle voient l’apparition de la radio (1893), du cinéma

(1895) et de la télévision (1926). Ces medias instaurent de nouvelles formes

d’écritures, des règles et des enjeux narratifs différents de ceux de la presse. La

parole, le livre, la presse, la radio, la télévision, le cinéma, et les nouvelles

technologies sont indissociables de la narration. Loin de créer une segmentation des



                                                                                        12
différents supports médiatiques, la narration les rassemble et les fait converger.

Selon l’analyse de Genette, les moments de la narration peuvent être répartis ainsi :

le moment ultérieur ou analepse (on raconte après ce qui s'est passé avant), le

moment antérieur ou prolepse (on raconte avant ce qui va se passer), le moment

simultané (on raconte directement ce qui se passe) et le moment intercalé (on

mélange présent et passé).3 Ces différentes techniques narratives sont utilisées

simultanément dans un univers transmedia.

Au cœur de cette convergence médiatique apparait une nouvelle forme de

« storytelling » (littéralement « raconter des histoires »). Le défi de l’écriture

transmedia se trouve dans la création d’une histoire cohérente à travers des

supports différents. Selon Michel Reilhac (directeur cinéma chez Arte France), le

transmedia ne va tuer ni le cinéma, ni la télévision, cependant « nous sommes à

l’aube d’un moment absolument passionnant, où l’art de la narration lui-même va

changer »4



             2) La narration transmedia : une nouvelle façon de raconter des

                 histoires ?

Si le transmedia s’inscrit évidemment dans la continuité de l’histoire du récit et de

ses supports, il réinvente en même temps totalement la façon d’écrire voire de

penser la narration. L’écriture transmédia implique une connaissance de tous les

supports sur lesquels l’histoire sera déclinée. La délinéarisation du récit rejoint la

notion d’intercomposition, c’est-à-dire l’expression d’un univers complet et complexe

à travers plusieurs œuvres mono-medium. Cette intercomposition narrative doit


3
 Gérard Genette, Figures III, Éditions du Seuil, Paris, 1972; page 280
4
 Interview de Michel Reilhac dans Palmarès Magazine n°4, 20/04/2011 ;
http://michelreilhac.blogs.arte.tv/

                                                                                   13
également tenir compte des règles du storytelling. Souvent associé au domaine de la

communication politique, notamment depuis l’ouvrage de Christian Salmon5

(Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits), le

« storytelling » se définit simplement comme la capacité à raconter des histoires, à

produire de nouvelles formes de récit en fonction d’un environnement technique et

culturel spécifique. Dans ce sens, cette technique narrative doit s’adapter à

l’évolution des pratiques numériques et des dispositifs liés aux médias digitaux.

Selon Christian Salmon, « les consommateurs ne seraient plus attirés par un produit,

ni même par un style de vie mais par un univers narratif »6. En ce sens, la narration

transmedia consiste bien en une nouvelle façon d’écrire des histoires pour

correspondre aux attentes du spectateur et aux évolutions liées aux nouveaux

medias. Le flux d’information permanent dans lequel est plongé l’utilisateur,

symbolisé par le smartphone en situation de mobilité (autrement appelé écran

embarqué), oblige à repenser la façon dont sont écrites les histoires fictionnelles.

La métaphore du puzzle pour décrire les projets transmedia doit être prise en compte

dans le processus d’écriture. Chaque « device » (support médiatique) rend compte

d’un élément de l’histoire. Tout en étant indépendants, ces éléments narratifs doivent

être cohérents entre eux et constituer une histoire à part entière. Du point de vue du

spectateur, chaque expérience réalisée doit se suffire à elle-même. L’expérience

d’un seul média est limitée par rapport à celle du tout mais elle doit être possible.

L’expérience transmedia se caractérise par cette architecture narrative dans laquelle

le spectateur accède à différents contenus selon le support qu’il utilise. Ces points

d’entrée (« rabbit hole ») sont prédéfinis par les créateurs de l’univers en fonction de

5
  Christian Salmon, Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits.
La Découverte Poche/Essais, novembre 2008.
6
  Christian Salmon, Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits.
La Découverte Poche/Essais, novembre 2008. p 37


                                                                                              14
l’univers proposé. Le public entre dans un monde narratif par un ou plusieurs

supports à travers lesquels il interagit (particulièrement via les plateformes web, les

smartphone et les événements dans la vie réelle).

Selon Eric Viennot, fondateur de Lexis Numérique et créateur du jeu In Memoriam,

l’histoire doit toujours constituer le point de départ de la création transmedia. La

structure narrative reste la base du projet. « Le transmédia, c’est une écriture pensée

très en amont par rapport à tous les médias, à leur complémentarité, au fait que l’un

ne peut pas se passer de l’autre, de pouvoir entrer dans un univers en étant

réactif. »7

Le principe même du transmedia implique la synchronicité des médias. L’écriture doit

prendre en compte les différents supports et le spectateur dans la réalisation de

l’histoire. Pour faciliter l’interactivité, les barrières technologiques doivent être

minimisées. Le travail d’ergonomie participe au bon déroulement de l’expérience

pour, ce que l’on pourrait appeler, « le spectacteur ». L’interactivité découle de la

simplicité du mécanisme. Pour en accentuer l’effet, les limites doivent rester floues

entre la réalité et la fiction pour immerger entièrement le spectateur dans l’univers.

Un engagement n’est possible que s’il y a une ambiguïté entre la fiction et la réalité.

Ces notions exigent une très bonne connaissance des outils technologiques. Selon

Nicolas Bry,     directeur du TransmediaLab d’Orange : « l’idéal transmédia a pour

objectif de créer une expérience unifiée entre différents médias donnant le sentiment

d’entrer dans un univers ».8 Un nouveau storytelling émerge avec les nouvelles

technologies. Par conséquent, l’écriture narrative transmedia pose la question de la

synchronicité des medias et de la convergence des supports. La question des

7
  WebTelevisionObserver, entretien avec Eric Viennot
http://webtelevisionobserver.com/2011/03/entretien-avec-eric-viennot-auteur-et-game-designer/
8
 Meridianes, territoires et culture, Qu’est-ce-que le transmedia ?
http://meridianes.org/2011/06/07/quest-ce-que-le-transmedia/

                                                                                                15
supports numériques représente un enjeu incontournable dans la narration

transmedia.



      II)     Convergence des supports et cohérence narrative

              1) La convergence des supports au service d’une fiction

                 transmedia



La multiplication des supports technologiques constitue un réel défi pour rendre le

contenu accessible à tous. La convergence des technologies est désormais un fait.

Cependant peut-on parler d’une convergence totale ? Un contenu ne peut pas être

le même sur chaque support. Il doit être adapté aux usages et aux technologies. Par

exemple un univers fermé du type Apple ne peut pas être appréhendé de la même

façon qu’un univers plus ouvert du type Android. Les règles à respecter ne sont pas

les   mêmes    sur   un    écran   de   Smartphone      ou   sur   un   écran   d’iPad.

Les outils numériques utilisés dans le cadre de projet transmedia sont multiples : la

télévision connectée, les mobiles avec des terminaux différents (Apple, Android,

Nokia), les tablettes (iPad, Samsung Galaxy), les ordinateurs (Mac ou PC), les livres

avec des QR code, les DVDs contenant des informations qui renvoient vers un site

internet dédié. Tous ces outils convergent puisqu’ils renvoient souvent l’utilisateur

d’un support à un autre afin de lui proposer plus de contenus et une immersion plus

profonde dans l’univers transmedia. Pourtant la convergence des technologies ne

suppose pas essentiellement la convergence des contenus.


Les usages doivent être pris en compte dans l’écriture d’une fiction transmedia. Les

contenus sont à adapter à l’utilisateur. Si celui-ci est en situation de mobilité, il ne

consommera pas la fiction transmedia de la même façon que s’il est chez lui devant



                                                                                     16
son ordinateur. La répartition des contenus sur les supports doit être pensée en

amont de l’écriture du projet. Si le « spectacteur » est appelé à interagir voire à

produire du contenu pour enrichir le projet, il le fera sans doute plus sur un site

internet ou une application iPad que sur une application iPhone/Android.


Le transmedia est à la fois une narration, une mécanique d’engagement (issue du

jeu vidéo) mais aussi une manière de transmettre une histoire. Selon Steeve Plu,

game designer à la R&D d’Orange, le transmedia est un « méta-media ». Une

narration transmedia accomplie se distingue par sa capacité à faire abstraction de la

technologie. L’écriture devient interactive lorsqu’elle oublie la technologie. Le réseau

s’entend alors comme un pont entre le monde réel et le monde numérique. La

narration transmedia, indissociable de la technologie, sera amenée à évoluer en

même temps que celle-ci. Si la convergence des technologies n’est pas directement

synonyme de convergence des contenus, les auteurs transmedia s’adapteront de

plus en plus aux fournisseurs de technologie.




             2) les différentes typologies de narration transmedia



Les stratégies transmedia révèlent différentes typologies de narration. Les projets

transmedia peuvent relever de stratégies marketing plus ou moins développées. On

distingue trois grands types de narration transmedia.



                    a) Le transmedia natif

Il apparaît sur les réseaux sociaux, sur le web en général. Il désigne des

programmes originaux crées pour le web. On peut citer par exemple « Detective

Avenue », un jeu en ligne proposé par Orange. Inspiré de Cluedo et de Fenêtre sur


                                                                                     17
cour, « Detective Avenue » propose à l’internaute d’aider Gaëlle (le personnage

principal) à résoudre l’énigme de la mort de sa sœur. Cette enquête policière se joue

sur téléphones mobiles et sur le web. Le transmedia natif se définit souvent comme

une websérie interactive.




L’utilisateur entre dans l’univers de « Detective Avenue » en espionnant les habitants

de l’immeuble qui cachent tous un secret. Durant cinq semaines, il visionne 58

vidéos, il répond à des énigmes, il fouille des appartements. La vidéo, l’application

iPhone, les sms, les mails lui rappellent à quel niveau du jeu il se situe. Les joueurs

cumulent des points et les trois premiers joueurs à avoir cumulé le plus de points

gagnent un cadeau (téléviseur Samsung LG 3D, ordinateur Sony VAIO, caméscope

Canon). Après l’arrêt du jeu, l’internaute peut continuer à jouer en différé avec des

indices différents.




                                                                                    18
Ce modèle présente une originalité narrative puisque chaque élément de l’univers

est voué à être découvert sur le site. Tous les éléments doivent être anticipés en

amont du tournage. 58 épisodes et 5 vidéos bonus ont donc été tournés en 13 jours

avec une équipe technique de 12 personnes.



                    b) Le transmedia « de fidélisation »

Il permet de maintenir l’intérêt du spectateur, notamment pendant la période qui

s’intercale entre la diffusion de deux saisons d’une série télévisée, mais aussi de

capter l’audience des adolescents, de moins en moins intéressés par la télévision.

L’exemple le plus souvent cité est celui de la série « Dexter ». Avec l’aide d’agences

marketing et numérique, les créateurs de la série ont organisé des événements dans

plusieurs villes des Etats-Unis pour le lancement de la saison 2, puis développé une

websérie animée intitulée « Early Cuts » pour le lancement de la saison 4. La

websérie explore le personnage de Dexter, tente d’expliquer ces agissements et

dévoile les débuts de la série. Fin 2010, Dexter Interactive Investigation » est lancé

sur Youtube. Les internautes, dans la peau de Dexter, peuvent à leur tour résoudre

des enquêtes, trouver des indices et arrêter le meurtrier. Un site internet

« Showtime »,    des applications mobiles (iPhone, iPad) et des événements sont

proposés toute l’année pour tenir le spectateur en haleine. Un ARG (« The Hunter

Prey ») a également été crée pour le lancement de la saison 5 aux Etats-Unis. La

narration transmedia de Dexter se poursuit également et inévitablement sur les

réseaux sociaux. La page Facebook de Dexter compte 7 500 000 fans. Elle permet

notamment d’accéder à une boutique de produits dérivés en ligne. Le compte Twitter

est quant à lui suivi par 105 000 fans.




                                                                                   19
Le transmedia de fidélisation utilise tous les médias (numériques, sociaux,

traditionnels) disponibles pour entretenir le rapport avec les fans de la série, les

fidéliser et en toucher d’autres.




                     c) Le transmedia promotionnel

Il annonce la sortie d’un film et met en scène l’univers de ce film dans un processus

de promotion et de communication. Le film « The Dark Knight », deuxième opus des

débuts de Batman sortie en 2008 représente l’exemple type de transmedia

promotionnel. Cette hyperproduction hollywoodienne a bénéfice d’un budget

marketing dédié uniquement au développement de composantes transmedia. Au

lancement de la promotion du film, un ARG a crée l’événement. Puis une

quarantaine     de    sites   web   ont   été   développés,     dont   le   principal

«www.whysoserious.com ». Ces sites donnaient aux internautes les plus fidèles des

indices (sous forme d’énigme laissées par le Joker) pour découvrir en avant-

première des contenus du film (bande-annonce, extraits, teaser). Une campagne



                                                                                  20
marketing virale a été organisée pour entretenir l’impatience des fans de Batman

grâce à un jeu de pistes via de nombreux sites viraux crées à l’occasion. Cette

forme de transmedia dite promotionnelle relève alors plutôt du marketing que de la

production de contenus même si des contenus additionnels viennent enrichir le projet

en amont.




Les structures transmedia diffèrent donc selon le sujet et les intentions de leurs

auteurs. Quelque soit le type de projet, la multiplicité et la richesse des métiers sont

nécessaires à son bon déroulement.

La narration transmedia est par définition pluridisciplinaire et requiert des profils

multiples et complémentaires.



      III)   La pluridisciplinarité narrative : une exigence de « nouveaux

             métiers » ?

             1) le décloisonnement des domaines d’activité




                                                                                     21
L’écriture transmedia peut être lue à l’aune de ce que Pierre Lévy définit en 1994

comme l’ère de « l’intelligence collective »9. Les nouvelles structures sociales

permettent la production et la circulation des connaissances dans une société

réticulaire. Les connexions donnent lieu à une mise en commun de l'information et

des connaissances. Chacun peut ainsi puiser dans l'expertise de l’autre pour

résoudre les problèmes de manière collective. Pierre Lévy affirme que dans cette ère

de connaissance collective, chacun peut transmettre ce qu’il sait dans son domaine

pour enrichir les connaissances des autres. L’enjeu n’est plus celui de l’accès mais

bien de        la reconnaissance des savoirs de chacun. L’écriture transmedia se

rapproche de ce concept dans la mesure où elle fait appel à des connaissances

interdépendantes.

Un projet transmedia existe uniquement si de nouvelles collaborations entre

informaticiens, producteurs « classiques » et designers issus du jeu vidéo se créent.

Chaque acteur détient une pièce du puzzle. Ces partenariats sont fondamentaux

pour aboutir à des œuvres qui ne relèvent pas uniquement d’effets techniques ni

d’un scénario bien amené mais qui réussissent à allier un style d’écriture, une

ergonomie, un design, des personnages, une histoire. Plutôt que de parler de

« nouveaux » métiers, il serait plus juste de parler de nouvelles méthodes de travail

et de nouvelles collaborations. Les métiers sont pour ainsi dire les mêmes, c’est la

façon dont ils se rencontrent qui est nouvelle.




9
    Pierre Lévy, L’intelligence collective, La Découverte, Paris, 1994


                                                                                  22
2) Au cœur du projet : le producteur transmedia



En 2010, la PGA10 (« Producer Guilde of America » : association des producteurs

américains) a reconnu le métier de « producteur transmedia ». Ce nouveau métier

s’applique à celui qui produit un univers narratif sur plusieurs plateformes (film,

téléfilm, livre, BD, film ou série d’animation, contenus pour mobile, etc.) Ce nouveau

rôle officialisé marque un tournant important pour le secteur. Selon les termes du

PGA, le crédit de producteur transmédia est donné à la personne responsable

d’une partie     significative de la gestion du projet, de son développement, de sa

production et/ou de l’entretien de la continuité narrative à travers différents supports.

L’écriture doit anticiper le principe d’interactivité qui fait l’objet même des projets

transmedia. Peu à peu les auteurs pensent donc aussi la création et la narration de

manière interactive. A l’image de l’interactivité proposée dans l’univers transemdia

créé, le travail en équipe doit être collaboratif, proche et interactif. Un scénariste peut

par exemple travailler avec un spécialiste du jeu vidéo ou un ingénieur informatique.

Un projet transmedia exige des postes stratégiques pour organiser une équipe

cohérente et complémentaire. Ainsi, le producteur transmédia gère-t-il le budget et

surtout le relationnel. Même s’il s’agit d’un processus collectif, il joue le rôle du chef

d’équipe. Il doit maîtriser l’ensemble de la création transmédia : conception,

réalisation, production, animation de communauté et conception interactive. Il est le

garant de la cohésion du projet tout au long de sa réalisation ainsi que de son

exploitation. Il doit connaître les nouveaux modes de distribution pour travailler avec




10
   Producers Guild of America (PGA) : La guilde des producteurs américains est une association qui
réunit les producteurs de films, les producteurs de télévision et les producteurs des Nouveaux
Médias. Elle compte plus de 4000 membres à qui elle fait profiter de nombreux services
(d’assurances, d’accompagnement et d’aide à la gestion des droits et crédits de production)


                                                                                                 23
plusieurs diffuseurs : sites web, diffuseurs mobiles, cinéma, télévision, fabricants de

consoles de jeu.


                3) Le strory architect et les métiers de l’animation



A l’image de Lance Weiler, un « story architect » est à la fois auteur, réalisateur,

producteur, chef de projet, designer d’architectures web, expert des médias sociaux,

spécialiste des nouveaux moyens de distribution et animateur de communautés. Ce

profil reste très rare puisqu’il nécessite une connaissance complète de l’écosystème

transmedia. Aujourd’hui, ces profils existent indépendamment les uns des autres et

coexistent sur des projets transmedia. Néanmoins, la génération Y (celle qui a

toujours connue Internet et les nouvelles technologies) commence à lancer des

projets de ce type grâce à des profils complets et riches d’étudiants formés à

l’informatique mais aussi à la conception, à l’écriture, à la production. Des sociétés

comme Prospexity11 ou Bigger than Fiction12 se lancent dans la réalisation et la

production de fictions transmedia et sont souvent codirigées par des jeunes issus de

la génération Y. L’envie de créer de nouvelles expériences, de proposer de nouvelles

histoires au public et d’inventer une nouvelle façon de raconter et de vivre des

fictions pousse cette génération à développer leurs propres sociétés.



Le projet transmedia évolue grâce et autour d’une communauté réunie autour d’une

même passion pour la thématique abordée. Cette communauté active attend d’être

guidée pour pouvoir interagir. L’animation de communauté est donc indispensable

dans des projets dits transmedia. Le community management se développe de

manière exponentielle à mesure que foisonnent les projets de ce type. Des
11
     http://www.prospexity.net/
12
     http://www.biggerthanfiction.com/

                                                                                    24
formations se multiplient pour apprendre aux community manager à bien gérer leur

communauté en ligne puisqu’ils représentent virtuellement la voix du projet. Dans

certains cas, ils incarnent les personnages de la webfiction. Leur rôle devient tout

aussi important que celui de l’auteur avec qu’ils travaillent étroitement. En effet, ils

sont chargés de faire vivre la communauté, de la faire interagir, de créer du contenu,

de modérer et de répondre aux attentes des internautes. Certains aspects de ce

nouveau métier s’apparentent à celui d’acteur qui donnerait la réplique à de

nombreux autres via une fiction transmedia. En ce sens, il semble être en passe de

devenir incontournable.



La narration transmedia modifie profondément le rapport du public à la fiction. Cette

nouvelle forme narrative inclut intrinsèquement le public (internaute, mobinaute,

spectateur,..) dans le processus transmedia. La ludification des contenus transforme

le spectateur passif en suiveur, passeur, créateur de contenus voire acteur du projet.

L’interactivité est le fer de lance de ces nouvelles formes narratives.




                                                                                     25
CHAPITRE 2

L’INTERACTIVITE EN QUESTION : QUELS PUBLICS POUR LE TRANSMEDIA ?



L’intention des projets transmedia n’est pas seulement de créer une histoire mais de

faire vivre une expérience. Dans ce sens, le spectateur-joueur ou « spectacteur » est

accompagné dans l’univers narratif. Il se crée alors une tension qui l’encourage à

rebondir sur tous les écrans pour suivre l’intrigue et en découvrir des éléments

inédits. L’interdépendance des supports médiatiques constitue la base des projets

transmedia. Un univers transmedia ne peut trouver et fidéliser une audience sur le

web uniquement s’il est parallèlement produits et diffusés sur d’autres écrans (TV,

cinéma, smartphones). Le spectateur se considère aujourd’hui comme son propre

directeur des programmes. Sa volonté de contrôler ce qu’il regarde, ce qu’il lit et ce

qu’il écoute redéfinit les rôles traditionnels des métiers du multimédia. Selon Eric

Viennot, l’expérience transmedia peut se résumer ainsi : c’est le film dont vous êtes

le héros ». Pour associer les termes « narration » et « interaction », David Cage

(créateur français de jeux vidéo) a développé le concept imagé de « narration

élastique ». Il propose une nouvelle forme d’arborescence. Selon lui, il ne faut pas

imaginer un arbre mais un élastique. « L’histoire écrite reste la colonne vertébrale

mais elle est élastique et le joueur, en fonction de ses actions, va pouvoir étirer cet

élastique, le rendre plus ou moins court, long mais aussi le déformer. L’élastique

conservera son milieu, son début et sa fin ».14

L’interaction totale est-elle envisageable, souhaitable ? A qui s’adresse ces types de

contenus interactifs transmedia ?




14
   Podcast « La narration dans le jeu vidéo », http://www.gameblog.fr/podcast_137_podcast-134-narration-
et-jeu-video-avec-david-cage-et-eric-v ; consulté le 10/06/2011


                                                                                                           26
I)     Quels supports pour l’interactivité ?

              1) L’ ARG : un modèle d’interactivité



Un Alternate Reality Game (ARG) est une fiction qui se joue dans la vie réelle et dont

les éléments narratifs nous parviennent par différents canaux. Ce type de jeu déploie

la logique transmedia à l’extrême puisqu’il s’agit d’une fiction qui se joue dans la

réalité et qui utilise tous les modes de communication (vidéos, blogs, sms, mails,

appels téléphoniques). « This is not a game » annonce l’ARG « The Beast »,

développé pour la sortie du film de Steven Speilberg « A.I. Intellgence Artificielle ».

Ce slogan mêle l’interactivité, la stratégie transmedia et la notion de « spectacteur ».

Chaque partie de l’histoire s’appuie sur les forces de chaque média. Les participants

peuvent avoir le pouvoir d’influencer le cours de cette histoire, comme dans un jeu

de piste. Ce procédé implique donc le déroulement interactif de l’histoire, les

nouvelles technologies et les joueurs en ligne.

Eric Viennot, créateur de l’ARG In Memoriam, parle de « fiction totale » pour définir

ce concept puisqu’il mêle le plus de media possible en mettant toujours le joueur au

centre de la narration. La fiction totale « tente de rompre avec l’esprit élitiste ou

amateur des ARG. Elle tente de les rendre plus accessibles et plus populaires.

Complémentarité des différents médias, simultanéité, cohérence, immersion, en sont

les principaux ressorts. »15

Les jeux vidéos et notamment les ARG semblent les plus adaptés pour mettre le

joueur au centre de la fiction et du jeu. Néanmoins, ces formats restent encore

réservés aux inconditionnels du jeu vidéo. L’immersion semble devenir le modèle de

production et de captation de l’attention. Un joueur vit une expérience immersive

15
 http://ericviennot.blogs.liberation.fr/ericviennot/2009/11/du-transm%C3%A9dia-
%C3%A0-la-fiction-totale.html

                                                                                     27
d’autant plus forte qu’il est lui-même actif dans le jeu. Il joue alors un rôle

déterminant dans la création, la transformation de l’univers fictif dans lequel il évolue.

Les jeux vidéo réussissent donc à allier l’immersion et la fidélisation de leur cible. Le

défi du transmedia réside alors dans la capacité à faire évoluer le « spectacteur »

dans un univers fictif proposé sur différents média et à capter son attention malgré

ces différents supports. Les ARG constituent donc a priori la forme le plus appropriée

pour vivre une expérience interactive quasi totale.



              2) L’interactivité à la télévision



                 a) Les séries télévisées transmedia

L’interactivité à la télévision commence à émerger timidement. Les chaînes tentent

de reconquérir l’audience des jeunes générations qu’elles ont perdues petit à petit au

profit du web. En ce sens, la série télévisée semble le programme privilégié en

raison de sa capacité à créer des rendez-vous quotidiens avec l’audience. La

diffusion de séries télévisées interactives est de plus en plus fréquente, notamment

sous la forme d’épisodes courts.

Début 2010, TF1 lance sa première série transmedia : « Clem ». Le synopsis est le

suivant : Clem’, une lycéenne de 16 ans, apprend qu’elle est enceinte. Elle décide

alors d’allier sa vie de lycéenne et de mère. A travers son blog, elle partage les

événements de sa nouvelle vie. L’internaute est amené à participer en répondant à

des questions ouvertes sur les personnages et les choix qu’ils doivent faire. Des

teasers sont mis en ligne sur www.tf1.fr. Le public peut également suivre les vidéos

de Clem sur l’ensemble des plateformes de la chaine (My TF1, les applications TF1

IPhone et IPad, la chaine dédiée de Wat.tv), échanger avec les créateurs de la série



                                                                                       28
et les autres fans sur la page « fans de Clem » de Facebook, et accéder sur TF1

Vision à Clem saison 1. Avec 9,5 millions de téléspectateurs et 2,5 millions

d’internautes, la série connaît un réel succès. L’écriture de la saison 2 prend alors en

compte les internautes, leurs attentes et leurs centres d’intérêts. Ces nouvelles

formes d’écriture partagées émergent aujourd’hui à la télévision française. L’intérêt

transmedia de cette série est autant dans la multiplication des supports que dans

l’interaction avec les internautes. Quoique stratégiques pour leur avenir, les chaines

de télévision françaises n’ont semble-t-il pas pleinement intégré ces nouvelles

formes de narration dans leur modèle. Une série comme « Clem », même si elle se

définie comme transmedia, utilise les codes classiques d’une série télévisée. Le

scénario et le principe de narration ne se distinguent pas vraiment d’une série

classique. En France, les chaines de télévision créent des services nouveaux médias

pour s’adapter aux nouveaux usages des téléspectateurs.

En 2007, la chaine publique suédoise « Sveriges Television » lance une fiction

transmedia alliant série télévisée et ARG : « The Truth About Marika ». L’histoire met

en scène un homme à la recherche de sa jeune femme disparue le jour de son

mariage. Cette disparition semble faire écho à des dizaines d’autres qui se sont

produites dans les dernières décennies. Relayée par la télévision publique et par un

blog actif, les spectateurs étaient appelés à aider le jeune homme à retrouver sa

femme et à résoudre l’enquête. La frontière très mince entre la réalité et la fiction a

fait de ce programme une fiction totale dans la mesure où il impliquait directement

les spectateurs/joueurs avec une dimension participative très forte. La production a

été déployée sur les médias disponibles : télévision, radio, Internet et téléphones

mobiles. L’année suivante, le dispositif transmedia déployé a été récompensé par en

Emmy Award et un prix Europa.



                                                                                     29
b) Les enjeux de la télévision connectée

Avec l’apparition de la télévision connectée, de nouveaux services sont proposés

aux téléspectateurs. La personnalisation des programmes et l’interactivité transforme

profondément le rapport à la télévision. Le spectateur passe d’une relation

individuelle et passive à une relation interconnectée et active. La télévision

connectée    constitue   un    nouveau    débouché      pour    les   diffuseurs   et   les

programmateurs des chaines. Il s’agit désormais pour elles de développer des

programmes spécifiques, de les reformater pour ce nouveau mode de diffusion. « Ce

qu’il va être intéressant de voir se développer est la télévision connectée, avec des

programmes conçus pour Internet au sens large mais sur un média plutôt passif

d’usage collectif16 » soutient Nicolas Bry du TransmediaLab d’Orange. Même si la

télévision connectée reste encore minoritaire aujourd’hui, elle tend à devenir de plus

en plus présente et incontournable.




              3) Les nouvelles formes de « transmedia activism»



                 a) Le webdocumentaire : l’information interactive

Le webdocumentaire n’est pas directement comparable à un projet transmedia dans

la mesure où le mot webdocumentaire « regroupe toutes les nouvelles formes de

reportage ou de documentaire interactif sur le web. S’il fallait proposer une définition,

se serait peut-être : un documentaire (film didactique), adapté au web, c’est à dire



16
  Propos tenus par Nicolas Bry le 15/06/11 aux Cross Vidéo Days pour la conférence «
L’écriture numérique, révolution en marche »

                                                                                        30
qui utilise les outils du web (multimédia, interactivité) au service d’une narration. »17.

Le webdocumentaire pourrait faire l’objet d’un mémoire à part entière et il ne s’agit

pas ici de développer tous les enjeux de cette nouvelle forme de documentaire. Nous

dirons simplement que le webdocumentaire revêt un grand intérêt de participation de

l’audience en temps réel. L’internaute découvre les contenus au fur et mesure de son

exploration du site, objet artistique à part entière. Il peut en découvrir une partie puis

y revenir pour aller plus loin. Il peut interagir avec les autres internautes, partager

son avis sur le sujet traité. Les webdocumentaires les plus souvent cités comme

exemple de nouveau modèle d’information interactive sont Gaza/Sderot ou Prison

Valley. Quant au webdocumentaire de Bruno Masi et Guillaume Herbaut La Zone,

consacré à Tchernobyl et notamment au no man’s land qui entoure aujourd’hui les

restes de la centrale nucléaire, il se décline dans une installation photo-vidéo à la

Gaité Lyrique à Paris, un livre, une série de photoreportage dans Paris Match et un

blog.

Ces nouvelles formes d’écritures interactives et informatives promettent d’éveiller un

nouveau regard et donnent à voir des sujets parfois difficiles d’accès.



              b) Susciter l’engagement grâce au transmedia

Le « transmedia activism » prend forme dans des projets multiplateformes qui visent

la prise de conscience et l’engagement pour une cause. Lina Srivastava, consultante

en stratégie transmedia, théorise ainsi le « transmedia activism »: « Il existe une

vraie opportunité pour les activists transmedia de sensibiliser et d’inciter à agir en




17
  http://webdocu.fr/web-documentaire/2010/08/10/quest-ce-quun-webdocumentaire/ :
consulté le 15 septembre 2011

                                                                                       31
proposant des contenus sur des plateformes multiples à travers lesquelles le public

participe à une création » 18

Ces projets mettent en avant des causes humanitaires et sensibilisent aux

problèmes de société. Le projet I am this land, lancée par l’association humanitaire

Breakthrough, invite les citoyens à produire des vidéos sur le thème de la diversité

en Inde et aux Etats-Unis. Sous la forme d’un concours (les internautes votent pour

leurs vidéos préférées et le gagnant remporte 2,500$), ce projet incite le public à

participer, et à interagir pour l’égalité, la justice et la diversité.

L’association Invisible People propose de sensibiliser le public à l’histoire des sans-

abris aux Etats-Unis. Mark Horvath (lui-même un ancien sans-abri) diffuse les

témoignages des populations SDF sur plusieurs plateformes et invite les internautes

à réagir aussi bien virtuellement (Facebook, FlickR, Youtube) que dans leur vie

quotidienne. Ces projets humanitaires utilisent tous les ressorts du transmedia pour

toucher le plus grand nombre et ainsi susciter l’intérêt et l’engagement. Ces

exemples prouvent que le virtuel peut avoir un impact sur le réel.



               c) Les jeux sérieux : un apprentissage par l’immersion ?

Le jeu sérieux est une « application informatique qui combine une intention sérieuse

de type pédagogique, informatif, communicationnel, idéologique ou autre, avec un

environnement d'apprentissage prenant la forme d’un jeu vidéo, afin de transmettre

un savoir pratique ou de sensibiliser à un enjeu social. Ils sont classés selon cinq

catégories : les jeux publicitaires, les jeux ludoéducatifs, les jeux de marché, les jeux

engagés et les jeux d'entraînement et de simulation. »19


18
  http://www.movements.org/blog/entry/transmedia-activism/ , consulté le 15 septembre
19
  Définition du grand dictionnaire terminologique
http://www.granddictionnaire.com/btml/fra/r_motclef/index800_1.asp

                                                                                        32
Ecrivain, game designer et producteur de télévision, Lee Sheldon s’intéresse au

mécanisme narratif. Il travaille actuellement sur un jeu multi-joueurs pour joueurs

occasionnels (casual games) basé sur l’univers de Star Trek. Selon lui, le transmédia

consiste effectivement à écrire pour différentes plateformes en s’adaptant aux

spécificités de chacune. L’écriture transmedia doit prendre en compte l’utilisateur et

lui   proposer   une   cohérence    narrative,   visuelle   et   fonctionnelle.   L’aspect

communautaire et collaboratif, voire compétitif stimule le joueur et l’implique

davantage dans l’univers transmedia. Les jeux sérieux posent la question de

l’éducation ludique. Dans son livre, The Multiplayer Classroom, Lee Shaldon

s’intéresse justement à l’utilisation des jeux sérieux multi-joueurs en classe. Il

constate qu’il faut élaborer la compétition et la collaboration entre les joueurs, c’est-

à-dire les interactions entre les gens. Les jeux sérieux se fondent sur le principe de

l’immersion. Ce principe immersif implique totalement le joueur dans l’univers. Dans

ce cadre immersif, il serait plus facile d’apprendre une langue puisque le joueur

serait entrainé dans un souk de Marrakech pour apprendre l’arabe ou chez un

marchand de thé chinois pour apprendre le mandarin.

James Bower, d’abord scientifique, (études sur le cerveau et sur le comportement

animal) a développé un programme éducatif scientifique. Il dirige également la

société Numedeon qui produit la plateforme de jeux sérieux scientifiques pour les 8-

12 ans : Whyville. Pour lui, le transmedia ouvre la voie à la création et à la

nouveauté. Sans stratégie marketing, Whyville totalise 7 millions d’utilisateurs qui

restent en moyenne 35 minutes par session (contre 10 minutes sur Habbo.).

« L’apprentissage doit être actif, car c’est un processus actif qui agit sur sa propre




                                                                                       33
mémoire. La simulation permet d’interagir avec les choses ».20 Pour James Bower,

le transmedia storytelling n’est pas adapté à l’apprentissage pédagogique car il est

construit comme un cours. L’immersion proposée par les jeux sérieux allient

simulation, création et interaction pour inciter les joueurs à « trouver leurs propres

solutions plutôt que d’être confrontés à une évolution trop programmée, comme on la

trouve dans Sim City par exemple où l’on ne peut pas faire grand-chose d’autre que

suivre les étapes prévues par le jeu”.21




                          Image : simulation de récif corallien.

Dans ce jeu, les enfants sont invités à identifier les espèces du récif corallien. En

faisant disparaitre l’une des espèces, les concepteurs ont introduit un jeu et une

compétition entre les enfants pour sauver le récif. Avec 2,3 millions de visites en

deux mois, le jeu a suscité un fort intérêt de la part des enfants qui ont appris à

reconnaitre 1 million d’espèces et se sont mobilisés activement pour sauver le récif




20
   http://www.internetactu.net/2011/05/18/transmedia-12-la-convergence-des-contenus/,
consulté le 15 septembre
21
   idem

                                                                                        34
corallien virtuel. Pour James Bower, « ce n’est pas le contenu qui compte ou son

design, mais le processus d’apprentissage ».22

Pour Monique de Haas, présidente de www.dondersteen.net, la simulation est un

critère nécessaire mais insuffisant. Les concepteurs de projets transmedia doivent se

poser la question des publics qu’ils veulent toucher. Ils doivent être en empathie

avec leurs cibles, c’est-à-dire comprendre leurs attentes, leurs besoins et leurs

comportements.

Comment faire en sorte que les projets transmedia s’ouvre à un public plus large ?

Cette ouverture est-elle souhaitée par les producteurs transmedia ?




          II)   L’univers transmedia : vers une ouverture au grand public ?

                1) Les raisons d’un faible engagement



                   a) « Transmedia » : un terme peu connu du grand public

Beaucoup de projets transmedia ne s’intéressent encore qu’au cœur des fans déjà

acquis, au détriment du public occasionnel ou de masse. Dans ce contexte, il

apparaît évident que les projets transmedia touchent avant tout un cœur de cible

minoritaire : les fans qui suivront assidûment et sur plusieurs écrans les aventures de

leurs héros ou personnages préférés, les gameurs pour les ARG...



Le terme même de « transmedia » ne jouit pas d’une grande popularité auprès du

grand public dans la mesure où il s’agit d’un terme plus ou moins marketé, utilisé

surtout par les acteurs du secteur. Dans le cadre de cette recherche, j’ai mené un


22
     ibidem

                                                                                    35
sondage et interrogé un échantillon de 50 personnes. Les résultats mettent en avant

plusieurs points intéressants. D’abord, le mot « transmedia » n’évoque rien à 30%

des sondés et 40% disent savoir vaguement ce que ce terme signifie. Les univers

transmedia attirent particulièrement des cibles jeunes entre 16 et 30 ans. Pour la

moitié des personnes ayant répondu au sondage, l’expérience transmedia doit avant

tout permettre de se divertir. Pour 45 % de ces personnes, un projet transmedia doit

être interactif (via des commentaires, un partage, une action de l’internaute) mais

aussi leur apprendre de nouvelles choses sur une thématique précise. Cependant, à

la question, « quelles activités interactives voudriez-vous pouvoir réaliser dans le

cadre d’un univers transmedia ? », seulement trois personnes ont répondu en

mettant l’accent sur les outils de partage et l’ergonomie. Pour seulement 20% des

sondés, un projet transmedia doit être réaliste (histoire, cadre, personnages).

Finalement lorsqu’on leur demande comment pourrait se résumer le transmedia,

50% répondent qu’il s’agit ni plus ni moins d’un contenu de base avec des produit

dérivés, quand 40% pensent qu’il s’agit d’une réelle innovation pour le spectateur.

Ces réponses montrent une certaine confusion quant à la définition de ce qu’est

réellement le transmedia. La plupart des personnes interrogées pensent que c’est

une innovation importante mais ne sont pas convaincue que cette nouveauté

changera leur mode de consommation de contenus fictionnels.



                    b) … et des univers encore peu accessibles

Paradoxalement, le public est souvent immergé dans un univers transmedia sans le

savoir. La grande majorité des consommateurs de divertissements (cinéma, séries

télévisées, musique, jeux vidéo) quelque soit le support qu’ils utilisent (ordinateur,

Smartphone, tablettes, DVD) est déjà plongée dans l’univers transmedia. Un fan de



                                                                                      36
la série télévisée Dexter qui s’inscrit sur la page Facebook de la série et achète les

coffrets DVD en attendant la saison suivante consomme cet univers transmedia sans

s’en apercevoir et surtout sans se dire qu’il gravite dans un projet transmedia. Peut-

être est-ce justement cet méconnaissance du terme « transmedia » qui est

recherchée par les créateurs de programmes. Le propre d’un projet transmedia

consiste justement à plonger le public dans un univers multiplateforme sans qu’il en

soit réellement conscient. Le grand public expérimente rarement les univers

transmedia dans leur totalité. Parfois, le public ignore qu’il peut découvrir des

contenus sur d’autres plateformes. S’il a aimé un film, il ne sait peut-être pas qu’il

peut découvrir des scènes inédites sur un site ou qu’il peut participer à un

événement dans la vie réel en lien avec ce film. L’univers transmedia dans sa totalité

est connu des grands fans, un noyau qui représente le cœur de cible des créateurs

du projet.

En effet, la déstructuration narrative proposée par le transmedia peut déstabiliser le

spectateur voire le décourager. Le public est-il prêt à une consommation délinéarisée

et engageante, comme le propose le transmedia ?

Selon Stephan Jost, responsable business et innovation des nouveaux contenus

chez Orange, le public français n’est pas encore prêt à cette forme de contenu qui

l’invite à s’engager et qui brouille les frontières entre fiction et réalité. Il faut se méfier

du microcosme parisien qui connaît les rouages de ce secteur et ne pas oublier que

ces modes de consommation restent encore minoritaires. Un travail d’éducation est

nécessaire. La stratégie de communication du groupe Orange s’appuie sur cette

volonté d’accompagnement dans la vie numérique du grand public. L’entreprise

propose d’être le coach numérique de ses clients en leur offrant l’expérience la plus

« fluide et sécurisée possible ».



                                                                                            37
En effet, tant pour les concepteurs et producteurs d’univers transmedia que pour le

public, un accompagnement s’avère nécessaire à la compréhension des nouveaux

enjeux liés à cette nouvelle façon d’écrire des histoires.



              2) Apprentissage et médiation du transmedia

L’effervescence et le bouillonnement d’idées liés au sujet du transmedia laissent

entrevoir de la confusion dans un secteur encore imprécis. Ce manque de cohésion

dû à la nouveauté et au caractère inédit de chaque projet va à l’encontre de la

richesse des possibilités que proposent d’offrir le transmedia. De plus, cela ne

favorise pas la visibilité des projets pour le grand public.

Il s’agit alors d’imaginer des événements dédiés aux professionnels (cela est de plus

en plus le cas) pour inventer de nouvelles façons de travailler ensemble dans le but

de faire connaître ces projets au public le plus large.



                 a) La multiplication des journées dédiées au transmedia

Sur le modèle des TEDx Transmedia              ou des DIY Days aux Etats-Unis, les

Transmedia International Masterclass ont eu lieu à Marseille en mai dernier.

Organisées par le CNAM (Centre National des Arts et Métiers), ces trois journées de

conférences ont permis aux professionnels du secteur de se rencontrer, d’échanger

sur les enjeux du transmedia, et d’imaginer de nouvelles collaborations. De

nombreuses autres journées dédiées à la production et la création transmedia se

sont déroulées en France, notamment à Paris : les Cross Vidéo Days, les

conférences du TransmediaLab d’Orange ou de l’INA Sup, celles de Paris 2.0…

Toutes ces journées de conférences, de débats et de retour d’expériences prouvent

que le secteur est en pleine ébullition et en plein foisonnement. La multiplication de



                                                                                   38
ces conférences prouve également que les nouveaux enjeux liés au transmedia sont

en train d’être façonné et que la création française est riche d’idées à mettre en

œuvre.



                    b) Un festival national du transmedia ?

Il manque néanmoins en France un événement majeur et fédérateur autour du

transmedia. A l’image du festival des scénaristes de Bourges ou du Festival du

cinéma de Cannes, il serait envisageable de créer un festival annuel du transmedia

qui deviendrait le rendez-vous incontournable des acteurs du secteur, et le ferait en

même temps connaître du grand public. Des débats, conférences, ateliers d’écriture,

recherche de financement et présentation de projets, organisation d’un palmarès,

peuvent être imaginé pour fédérer le milieu du transmedia. Ce rendez-vous serait

l’occasion de découvrir de jeunes talents et de donner leurs chances à de nouveaux

projets.



             c) Des formations universitaires dédiées

Faute de formation et d’encadrement, les professionnels du secteur se réfèrent

souvent aux modèles américains pour imaginer leurs projets. Il serait intéressant

d’imaginer des formations dédiées au transmedia dans les écoles et les universités

françaises. Des masters professionnels qui associeraient écriture, réalisation,

production pour des publics sensibles aux enjeux artistiques et économiques du

numérique. Ainsi, une personne pourrait maitriser tous les enjeux de la production

transmedia et travailler avec des spécialistes de domaines qu’il maitrise moins.




                                                                                   39
d) Les « curateurs » et les « community managers »


Pour favoriser la solidarité et la cohésion d’une communauté autour du transmédia,

les curateurs sont indispensables. Ils utilisent les nouveaux médias pour partager et

diffuser des contenus de qualité puisque choisis, sélectionnés et vérifiés.

La curation permet de communiquer sur un projet tout en s’assurant de la qualité de

la diffusion de l’information grâce au statut d’expert du curateur auprès des membres

de la communauté. Le curateur met en valeur les différents talents dans l’écriture, le

design ou la production transmedia. Les projets transmedia doivent également être

relayés sur les réseaux sociaux par des community managers. Les personnages des

univers transmedia ont souvent une présence sur les réseaux sociaux (Facebook,

Twitter, FlickR) pour pouvoir interagir avec le « spectacteur ». Le travail de

modération peut alors s’avérer essentiel. Pour pallier la « peur de s’impliquer » dont

parle Michel Reilhac, il est nécessaire d’accompagner le public et de proposer des

expériences nouvelles et originales.



La création transmedia vit sa genèse. Pour imaginer le futur des univers transmedia,

il faut expérimenter différents modèles économiques, mixer les financements et

travailler avec de nouveaux acteurs. Ainsi, le modèle économique du transmedia

connaît-il une phase d’exploration. Quels acteurs peuvent intervenir légitimement

dans le financement de production transmedia ? Faut-il plutôt développer des univers

« grand public » ou des univers plus fermés qui toucheront des niches ? La

problématique marketing se pose aussi pour le transmedia car le rôle des

annonceurs s’affirme de plus en plus. Pour les marques, le transmedia est un enjeu

de communication actuel et décisif ; il est moins coûteux de fidéliser un public que

d’en acquérir un nouveau ou de l’élargir.



                                                                                   40
Il ne fait pas de doute qu’il n’existe pas de modèle unique pour le transmedia et que

chaque projet doit, pour respecter la cohérence du fond et de la forme, trouver son

modèle parmi différentes solutions économiques.




                                                                                  41
CHAPITRE 3

         QUELS MODELES ECONOMIQUES A L’ERE DU TRANSMEDIA ?



Le rapport du public aux contenus de divertissement change. Le spectateur ne veut

plus être passif devant un écran ; il devient acteur et maitre de ce qu’il regarde. La

création et la production de contenus transmedia sont en plein foisonnement. Les

acteurs des secteurs du divertissement s’accordent pour affirmer qu’un nouvel

univers médiatique commence à émerger avec le transmedia et qu’il est important de

s’adapter aux nouveaux usages et attentes du public.

Or, par définition, un projet transmedia touche différentes industries créatives en

même temps ; la multiplication des supports est l’essence même d’un projet

transmedia. La production transmedia a cela de novateur qu’elle doit produire des

contenus de qualité adaptés à chaque support. Cette particularité est à la fois une

force et une faiblesse. Une production transmedia peut en effet être source de

revenus à partir de plusieurs types de produits d’univers (film, du jeu vidéo, web

sériie, bandes dessinées) qui ne sont pas de simples produits dérivés de l’œuvre

originale. C’est pour cette raison qu’il n’existe pas un modèle économique unique

mais que chaque production transmedia doit faire l’objet d’une réflexion en amont

pour définir la meilleure façon de la financer et de la rentabiliser.

Les modèles économiques peuvent aussi se compléter pour répondre aux exigences

de coût d’une production. Une marque peut intervenir dans le financement d’une

production transmedia : le « brand content » semble devenir une solution

économique qui profite aussi bien aux producteurs (dans certaines mesures, nous y

reviendrons) qu’aux annonceurs eux-mêmes. Mais de nombreux autres modes de

financement sont possibles et à imaginer.



                                                                                   42
Alors, comment créer des projets riches, innovants et pertinents avec des modèles

économiques divers ? Quels sont les nouveaux modes de financement liés à la

narration transmedia ?



                I)     Des modèles économiques en cours de définition

                        1) Les nouveaux besoins de la création transmedia



La création transmedia appelle une redéfinition des enjeux du paysage médiatique

traditionnel. En s’adaptant aux nouveaux usages, elle crée en même temps de

nouveaux besoins, notamment financiers. De nouveaux outils de financement

commencent à se développer : le « branding » ou « co-branding » (financement par

une marque), le placement de produit, le « crowdfunding » (financement par le

public), les régies publicitaires, les éditeurs mobiles... Ces nouveaux acteurs

viennent s’ajouter aux acteurs traditionnels de la production audiovisuelle.




     Acteurs traditionnels et nouveaux acteurs dans le financement des programmes23


23
   Inspire du slide du power point cree pour le keynote Cross Vidéo Days, keynot d’ouverture de
Romain Drosne de la societe Plinkers, aux Cross video days du 15/06/2011,
http://www.slideshare.net/plinkers/prezcrossvideodaysstage?from=ss_embed


                                                                                                  43
a) Les financements traditionnels

Si la création transmedia appelle à un renouveau du modèle économique des

secteurs du divertissement, celle-ci peut aussi compter sur les modèles traditionnels

existants. Une structure publique comme le CNC (Centre National de la

Cinématographie, aujourd’hui Centre national du cinéma et de l’image animée)

s’adaptent aux nouvelles formes de création liées aux nouvelles technologies.

Comment cette structure contribue-t-elle au financement de la création numérique ?

En 2007, le CNC a ouvert un fonds dédié spécialement aux nouveaux médias et à la

création numérique pour aider les producteurs mais aussi les auteurs de contenus

dédiés au web. Depuis la création de ce fonds, 700 projets ont été déposés parmi

lesquels environ 200 projets (dont la moitié transmedia) ont été financés pour un

montant total de six millions d’euros. Guillaume Blanchot, directeur multimédia et

industries techniques au CNC, rend compte d’une seconde évolution importante du

CNC, à savoir « la parution de textes sur le mécanisme du COSIP, mécanisme quasi

industriel mis en place à la fin des années 80 pour soutenir l’industrie de la

production télévisuelle. »24 Depuis peu, un producteur n’est plus obligé d’être

soutenu par une chaine de télévision pour disposer d’un compte de soutien

automatique au CNC, il peut l’être par un ou plusieurs services Internet.



Fondée en 1777 par Beaumarchais, la SACD (Société des Auteurs et Compositeurs

Dramatiques) gère les droits de 48 000 auteurs de manière collective. Cette société

s’attache également à soutenir et à promouvoir la création contemporaine et les

nouveaux formats web. A travers un partenariat avec Orange, l’association


24
     Conférence Cross vidéo Days du 16/06/2011


                                                                                  44
Beaumarchais - SACD, soutient financièrement les auteurs de formats innovants et

transmedia. Cette bourse récompense une dizaine de projets favorisant une écriture

novatrice, mêlant interactivité, éléments linéaires et non linéaires et multi-supports.

Les premières bourses, d’un montant de 7 000€ chacune ont été attribuées en avril

2010 à dix projets interactifs, trans- ou cross-media.



                        b) Le financement participatif ou crowdfunding

Le crowd-funding est une « approche permettant le financement de projets en faisant

appel à un grand nombre de personnes ordinaires (internautes, réseaux de contact,

amis, etc.) pour faire de petits investissements. Une fois cumulés, ces

investissements permettront de financer des projets qui auraient potentiellement eu

de la difficulté à recevoir un financement traditionnel (banques, investisseurs, etc.).

Grace aux réseaux sociaux et aux communautés en ligne, il devient aujourd'hui facile

et peu couteux de rejoindre un grand nombre de personnes potentiellement

intéressées à soutenir des projets. »25

Les sites dédiés à l’économie contributive de projets culturels fleurissent sur le web.

A l’image des sites de « crowdfunding » « MyMajorCompany » pour la musique et

« MyMajorCompanyBooks » pour le livre, il pourrait être envisageable de créer une

plateforme de financement par les internautes dédiée aux projets transmedia. Ce

système de financement serait d’autant plus cohérent que le principe du transmedia

est d’intégrer le public dans son univers. En amont de la production d’une œuvre

transmedia, le public pourrait donc aider le financement du projet pour accéder en

exclusivité à des informations, des avant-premières, des indices… La phase de

production ferait alors partie intégrante de l’histoire.


25
     http://fr.ekopedia.org/Crowdfunding, consulté le 22 septembre

                                                                                    45
Dans cette idée, le site de production collaborative www.kisskisskankkank.fr propose

aux créateurs (photographes, réalisateurs, journalistes indépendants, musiciens,

écrivains…) de collecter des fonds pour mener à bien leurs projets. En fonction de

son investissement, l’internaute reçoit une contrepartie (son nom dans les

remerciements, une dédicace, un exemplaire du projet, une invitation). Il s’agit

d’ouvrir la production à d’autres modes de financements et de faire des internautes

les sociétaires du projet. Ces nouvelles formes de financement, même s’il s’agit de

micro financement, montrent un réel engouement et une volonté de soutenir la

création numérique et sont vouées à se développer de manière significative.



                     c) Les abonnements et autres formes de financements

Le financement de projets transmedia intervient en amont de la production mais doit

pouvoir continuer après la sortie du projet pour le rentabiliser. Les modèles payants

se déclinent sur plusieurs formes.

        La VAD (vidéo à la demande) permet à l’utilisateur d’acheter ce qu’il veut

regarder de manière illimitée. Dans le cas de projets transmedia, il pourrait être

envisageable de faire payer un accès aux contenus sur certaines plateformes, soit

sous forme d’achat soit sous forme de location.

        Laisser le spectateur payer ce qu’il veut peut être une autre forme de modèle

économique. Néanmoins, celui-ci exige de définir en amont les demandes et les

comportements du spectateur. Les modèles économiques doivent également être

pensé en rapport au temps de la narration. Un internaute ne s’engagera pas à payer

s’il sait qu’il ne reviendra pas dans l’univers de la fiction. La contribution du

spectateur peut dans ce cas intervenir de manière sporadique tout au long de

l’histoire.



                                                                                  46
Le micro paiement semble être une solution pour les projets transmedia qui ne

peuvent pas garantir un bon retour sur investissement. L’internaute paye alors une

petite somme par période. En France on compte 59 millions d’abonnés mobiles et 39

millions d’internautes. Un utilisateur mobile sur 3 se connecte à l’Internet mobile

régulièrement et même plusieurs fois par jour s’il possède un smartphone. L’achat de

contenus et de services mobiles s’intensifie : un mobinaute sur deux (48%) a déjà

effectué un achat sur l’Internet mobile. La solution du micro paiement est

envisageable selon trois types différents : le paiement à partir d’une carte bancaire ;

le paiement sur facture opérateur, le paiement via un compte (iTunes, Paypal,

Amazon). Le micro paiement sur facture semble une bonne solution. Elle permettrait

aux producteurs de travailler avec un opérateur mobile et chaque partie prenante y

trouverait un intérêt : fidélisation et simplicité de paiement.

       Le paiement par contrepartie est une déclinaison plus incitative du micro

paiement. Le consommateur paye pour obtenir quelque chose d’inédit. Un système

de point peut être imaginé pour fidéliser le spectateur. Plus il participe à l’univers

transmedia (via une simple connexion, une participation ou une interaction), plus

l’accès à d’autres contenus est enrichi. Dans tous les cas, le paiement ne doit pas

venir interrompre la relation entre le joueur et l’univers ; il doit rester discret et

incitatif. L’internaute aura peut-être besoin de temps pour passer au modèle payant

dans l’univers du tout accessible et gratuit qu’est le web, mais s’il s’agit de contenus

créatifs de qualités, il n’est pas sûr qu’il ne suive pas le processus.



                     d) Le modèle gratuit est-il recevable ?

Plusieurs raisons sont avancées en faveur du modèle gratuit pour un projet

transmedia. C’est d’abord une manière de valoriser l’image de la société qui a conçu



                                                                                     47
le programme. La reconnaissance, le prestige obtenu, gage de qualité et d’originalité,

peuvent faciliter l’attraction de « participants » dans le projet et donc favoriser la

naissance d’une communauté. C’est également un moyen de valoriser les personnes

qui ont fait naitre et vivre le projet. Des équipes qui travaillent parfois pour une faible

rémunération sont reconnues pour leur expertise et leur savoir-faire. Ce modèle

s’applique surtout aux projets initiés par des étudiants qui débutent et qui n’ont pas

nécessairement les moyens de développer un budget conséquent dans un premier

projet.

Mais le modèle gratuit s’applique aussi en fonction du thème développé par le projet.

S’il s’agit d’un projet de diffusion du patrimoine intellectuel au plus grand nombre,

alors il paraît peu probable d’envisager un autre modèle que celui de la gratuité.



                         e) La rentabilisation et la mutualisation des coûts

Le coût d’une production d’un projet transmedia reste encore très élevé. Des

solutions peuvent être trouvées pour rentabiliser et mutualiser ces coûts.

Il est important de produire un projet transmedia réutilisable et exploitable à nouveau

pour un autre projet. Plusieurs sociétés ou agences développent donc des solutions

informatiques et des logiciels qu’elles revendent à d’autres. Cela permet en fait

d’assurer un revenu pour continuer à créer de nouveaux projets. Honkytonk (société

spécialisée dans la création web) a développé un logiciel de montage appelé Klynt.

D’abord utilisé en interne puis ouvert à des non-initiés pour briser la barrière

technique qui représente un frein à la création, le logiciel leur aurait permis de «

diviser par trois les coûts du développement web de chaque création, coûts qui
                                                                        26
représentent, en général, 30% à 40% du budget global ».                      Certaines sociétés de


26
     Propos d’Arnaud Dressen, cofondateur de Honkytonk, http://numerico.wordpress.com/, consulté le


                                                                                                 48
production deviennent éditrices de logiciels de montage à destination des

professionnels. Honkytonk projette de commercialiser le logiciel Klynt au prix d’autres

logiciels professionnels du même type (Final Cut Pro ou Photoshop).

Cette méthode permet à ces sociétés de gagner du temps, de mutualiser le savoir-

faire et de rentabiliser leur production.



La coproduction présente une solution très intéressante dans le cadre de projet à

très grand budget. Plusieurs pays peuvent s’associer (avec un investissement plus

ou moins grand) pour coproduire un projet transmedia. On pourrait alors imaginer

une coproduction entre la France (CNC) et le Canda (FMC, Fonds des Medias du

Canada) sur un sujet de francophonie ou un sujet de fiction novateur.

L’idée d’une coproduction permettrait d’ouvrir la création à la diversité et à la

richesse des expériences étrangères. En effet, étudier les exemples de production

transmedia à l’étranger en matière de création et de modèle économique est

essentielle pour enrichir son propre propos.



                     2) Les politiques publiques étrangères pour le financement

                         de la création

                     a) Le réseau « creative england » : un financement régionalisé

Après la suppression en juillet 2010 du « UK Film Council » qui finançait le

développement de l’accès du public au cinéma via les « Screen Agencies », les

agences régionales de soutien au cinéma ont crée le réseau « Creative England ».

Le 1er décembre 2010, le ministre de la culture, de la communication et des

industries créatives Ed Vaizey annonce la création d’une structure plus simple, plus

efficace dotée d’attributions élargies pour soutenir l’industrie créative en Angleterre.



                                                                                     49
Cette structure sera opérationnelle dans le courant du mois d’octobre 2011.

S’appuyant sur le travail des « Regional Screen Agencies », « Creative England »

aura pour mission de soutenir et d’encourager la création de film, de programmes

télévisuels, de l’industrie du jeu et des medias digitaux, en dehors de Londres. Le

budget 2011-2012 de cette nouvelle structure se construit en deux temps. « Creative

England » reçoit un budget initial de £900.000 de la part de la BFI (British Film

Institute) et £1M de la part de la Big Lottery Funds (une institution crée par le

gouvernement en 2004 et dotée d’un fonds de £630M destiné aux « bonnes

causes »).



                      b) Le modèle économique du Canada (FMC et INIS)

Véronique Marino, consultante en développement d’affaires électroniques et

directrice du programme Médias interactifs à l’INIS (centre de formation

professionnel) au Québec, explique : « au Canada, avant 2009, le web était

directement rattaché aux programmes TV. Pour pouvoir créer des sites internet, il

fallait développer aussi des programmes TV. En 2009, le gouvernement fédéral

instaure le contraire. Les producteurs de télévision doivent donc proposer aussi du
                                                                                        27
web       enrichi.       C’est       un       traumatisme         pour        eux ».

L’INIS essaye d’accompagner les professionnels de l’audiovisuel dans le

changement lié aux nouveaux médias. A travers des programmes d’écritures de

réalisation, de production exclusivement orientés vers les nouveaux médias, les

étudiants et les professionnels peuvent approfondir leurs talents tout au long de leur

carrière. L’INIS peut être comparable à l’INA Sup en France.



27
   Propos de Véronique Marino, conférence InaSup « Transversalité de l’écriture et du
financement : le transmedia est-il l’avenir de la télévision » ? , le 26 avril 2011

                                                                                        50
Quant au fonds des médias du Canada (FMC), il verse des aides précises pour des

projets transmedia. En 2011, la dotation s’est élevée à 100M$. Néanmoins, ce

fonctionnement pose un problème : la création est conditionnée en fonction du

nombre d’élus gouvernementaux. S’il n’y a pas de dotation, il n’y a pas de travail de

création possible.



                     c) Un fonds européen de la création ?

Le programme européen MEDIA existe depuis 1996. De 1996 à 2000 les projets

multimédia étaient soutenus grâce à des avances sur revenus. Les sommes

pouvaient atteindre 250 000 euros pour la production de projets multimédia. Mais ce

modèle a échoué car il n’était pas adapté aux productions de l’époque. Le nouveau

programme mis en place de 2000 à 2006 était basé sur un soutien à des projets

individuels. Mais en 2007, le programme n’a reçu que 17 candidatures. En 2008, un

plan particulier est crée : c’est le soutien aux travaux interactifs. Le budget de ce

nouveau plan s’élève à 2,5 millions d’euros. Des bourses allant de 10 000 à 150 00

euros   sont   destinées   à   soutenir   directement   les   producteurs   européens

indépendants. Plusieurs critères de sélection régissent ce nouveau programme.

MEDIA vise à renforcer et à développer l’industrie cinématographique et

audiovisuelle ainsi que les œuvres interactives en Europe. Il cherche donc

l’originalité artistique et technique à travers des prototypes. Les projets doivent être

interactifs et faire preuve d’un potentiel de commercialisation européen. Le

producteur doit également garantir les droits sur le concept de son projet. L’essentiel

des activités du programme Media se concentre sur les projets interactifs

numériques transmedia qui complètent des projets audiovisuels traditionnels




                                                                                     51
(cinéma, télévision, livre). Le programme a notamment soutenu le projet

« Prodigies », développé par Orange.

En France, trois structures du programme MEDIA existent : Media Desk France,

Media Strasbourg, Media Marseille.



       II) Le transmedia : quelle opportunité pour les marques ?

              1) Le brand content : une nouvelle image de(s) marque(s)



Le « brand content » fait partie des nouvelles formes de financement de la création

de contenus. En finançant la production d’un jeu, d’un univers transmedia ou d’une

websérie, une marque valorise son image et s’assure une visibilité sur plusieurs

medias. En mars 2011, SFR participe au financement de l’ARG « Can you stop

it ? » dans le cadre de Lille 3000 (grand projet culturel lancé par la métropole depuis

2004). L’enjeu est simple : sauver la ville d’une prophétie destructrice. L’aventure se

joue sur le web, sur mobile mais aussi dans la réalité de la ville de Lille. L’idée est

de faire découvrir la ville en se servant des différents médias de l’ARG. Pour SFR, la

participation à un tel projet transmedia représente un atout de communication et

d’image indéniable. SFR est une marque résolument tournée vers une cible jeune.

Leur rôle dans le financement d’un ARG est cohérent avec leur positionnement

marketing. L’idée de la marque, au-delà de la participation à un projet novateur en

France, est aussi de valoriser son image et a fortiori de fidéliser ses clients voire d’en

recruter de nouveaux.

Riad Sattouf, réalisateur du film Les Beaux Gosses et auteur de BD s’associait en

juin 2010 à la BNP Paribas pour sa nouvelle websérie « Mes Colocs ». Les

aventures de quatre colocataires (Valentine, Sacha, Mustapha et Simon) ont été



                                                                                       52
suivies sur Youtube, Dailymotion et Facebook (qui totalise 46 000 fans aujourd’hui).

Les épisodes ont été visionnés plus de 15 millions de fois depuis leur sortie. Le

dispositif de communication de BNP Paribas s’adresse avant tout aux jeunes. En

parallèle, une campagne de publicité (déclinée sur Youtube, Hotmail, Deezer,

Skyrock, Letudiant.fr) met en avant les offres bancaires à destination des jeunes, de

juin à septembre : moment de rentrée scolaire et d’installation pour les étudiants.

Aider à financer la production d’une websérie s’avère une stratégie de

communication innovante pour une banque. Le logo de la BNP n’est apparu qu’au

neuvième épisode comme pour créer un effet de surprise tout en conservant un

certain recul.

Un autre exemple de « brand content » à citer est celui du groupe Orange. La

marque déploie en effet de nombreux partenariats dans ce sens. L’expérience

transmedia Fanfan2, développée avec Alexandre Jardin, peut être citée comme

exemple. La parution du roman Fanfan2 a fait l’objet d’une suite numérique et

transmedia dans laquelle les internautes (renommés fanfanautes pour l’occasion)

pouvaient suivre et participer tous les jours et en direct aux aventures romanesques

et amoureuses du personnage principal. Les internautes pouvaient interagir via un

site internet, une application iPhone, iPad, plusieurs comptes Facebook et Twitter. A

travers cette expérience transmedia, Orange prouve qu’il devient un acteur majeur et

incontournable du « brand content » qui souhaite développer son soutien à la

création numérique.

Le « brand content » est donc une nouvelle façon pour les auteurs et les producteurs

de mener à bien ensemble des projets numériques innovants. Cette solution semble

satisfaire les deux parties prenantes : le producteur peut aller au bout de son projet

grâce au soutien financier d’une marque qui valorise son image. Mais cette solution



                                                                                   53
n’est pas toujours acceptée par les producteurs qui craignent que la marque impose

ou refuse des choix éditoriaux contraires à ses valeurs.



                 2) Le placement de produit et le sponsoring



Une marque peut financer un projet transmedia par le système du « brand content »

mais également par celui du placement de produit. Selon un sondage YouGov,

commandé par l’agence anglaise « Social Media » paru en août 2010 au Royaume-

Uni, 42% des 18/24 ans veulent savoir quels sont les produits dans leurs

programmes préférés (vêtements, musique, accessoires).28 Cette technique du

placement de produit semble donc une opportunité non négligeable pour les

marques. Très utilisé dans la production cinématographique, il permet de compléter

les budgets de production. Cette technique consiste à mettre en scène un ou

plusieurs produits identifiables à une marque au sein d’un univers narratif, lui

assurant par ce biais une grande visibilité en échange d’une participation financière.

Il va sans dire que la cohérence entre l’univers narratif, la cible et la marque choisie

est indispensable. Un exemple significatif est celui du projet The Inside Experience

financé par Intel et Toshiba. Film social dans lequel l’héroïne séquestrée n’a d’autres

moyens de communication avec l’extérieur qu’un ordinateur portable Toshiba

Satellite P775.



Le sponsoring d’événements peut également être une solution plus ponctuelle pour

un projet transmedia. Il s’agirait en effet pour une entreprise de financer

matériellement ou techniquement un événement interactif lié à un projet transmedia.

28
     http://www.plinkers.fr/2011/06/15/presentation-keynote-douverture-des-cross-video-days/;



                                                                                           54
Par exemple, une marque comme Ikea pourrait financer la mise à disposition de

meubles ou d’éléments de décoration dans le cadre du lancement d’un projet

transmedia. Une entreprise pourrait financer matériellement et/ou techniquement une

partie plus événementielle de l’expérience interactive. Tout en valorisant son image,

elle collabore à une mise en scène originale et de qualité sur un projet transmedia

événementiel plus facilement accessible par les gens

Toutes ces pistes de réflexion peuvent être prise en compte et approfondies pour la

réalisation de projets concrets. Ces modes de financement peuvent se conjuguer

pour assurer le succès de projets transmedia créatifs.




                                                                                  55
CONCLUSION



Si la narration transmedia marque un profond changement dans le mode de création

et de consommation de projets interactifs numériques, il reste encore en pleine

élaboration. Entre enthousiasme et incertitude, les acteurs du transmedia ne peuvent

nier qu’il existe un nouvel enjeu lié aux usages et aux attentes du public.

L’interactivité fait partie de ces nouveaux enjeux. Loin d’être un simple effet de mode

marketing, la narration transmedia répond aux nouveaux besoins de consommateurs

de contenus culturels, informatifs et interactifs. Si l’audience n’est peut-être pas

encore prête à s’engager pleinement dans des projets transmedia purement

interactifs, elle cherche en tout cas à s’impliquer dans ce qu’elle regarde, écoute ou

lit. La genèse de cette nouvelle expérience créative laisse entrevoir des opportunités

d’avenir tant pour les auteurs et producteurs que pour les diffuseurs et les marques.

Des projets transmedia de plus en plus novateurs voient le jour dans le but de créer

des changements de comportements, de sensibiliser l’audience à des causes, de

développer l’apprentissage. L’activiste Jane McGonial préconise par exemple de

convertir l’engagement virtuel des joueurs en engagement social réel. A travers son

projet Evoke, elle essaye de promouvoir l’entreprenariat social en Afrique. La

narration transmedia ne servira pas seulement l’intérêt marketing des marques, mais

proposera un nouveau mode de consommation de contenus : un mode participatif et

interactif. Ces nouvelles méthodes restent encore à créer et à produire car la

narration transmedia exige des connaissances élargies dans les domaines du

numérique, de la création et de la production de contenus.

La production transmedia en France doit également faire face à une phase

d’exploration liée à son modèle économique. Un modèle unique ne peut être


                                                                                    56
privilégié. Il s’agit surtout d’expérimenter plusieurs formes de financement et peut-

être aussi, de la part des diffuseurs, de prendre plus de risque. La narration

transmedia ne sera mise en valeur que lorsque les créateurs eux-mêmes (auteurs,

producteurs..) auront su faire connaître leurs projets à travers une médiation et une

communication claire. Mais surtout lorsque les modèles économiques auront fait leur

preuve.

L’avenir réside sans aucun doute dans la multiplication des sources de financement :

le cofinancement de différents pays, le crowdfundind, le crowdinvestment. A l’image

du nouveau projet australo germano-finlandais Iron Sky. La narration transmedia

ouvre une porte aux entreprises qui souhaitent valoriser leur image en finançant des

nouveaux projets interactifs. La stratégie de communication des marques évolue

avec le transmedia. Néanmoins, pour le moment, seules les grandes marques à fort

capital peuvent s’associer à des projets à gros budget.

A l’avenir, la narration transmedia se transformera peut-être en ce que Michel

Reilhac appelle la « réappropriation du récit par la collectivité ».




                                                                                  57
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La narration transmedia : les enjeux d'une nouvelle expérience créative. Sibel Ceylan

  • 1. Master 2 professionnel Conseil éditorial et gestion des connaissances UFR Philosophie – Université Paris Sorbonne La narration transmedia : les enjeux d’une nouvelle expérience créative Mémoire de fin d’études soutenu par Sibel CEYLAN Directeur de recherche : Eric Leguay Promotion 2010 - 2011
  • 2. Remerciements Un mémoire n’est jamais un travail purement individuel, même si un seul nom figure en première page. Ce mémoire est le fruit de réflexions et d’échanges menés avec les professionnels que j’ai pu rencontrer mais également avec mes proches et mon entourage. Je voudrais tout d’abord remercier les enseignants du master 2 Conseil éditorial de Paris 4 et particulièrement Monique Ollier pour ses conseils et sa capacité à remotiver les troupes dans les moments de doutes, Jean-Michel Besnier pour sa présence et son calme ainsi que Eric Leguay, mon directeur de mémoire. Dans le cadre de mon stage de fin d’études au sein de la direction de la communication de Orange, j’ai eu la chance de travailler sur un projet transmedia (Fanfan2). Je remercie donc Sylvain Leroux (mon tuteur de stage) avec qui j’ai beaucoup parlé de mon sujet de mémoire. Ses nombreux conseils m’ont aidé à structurer ma réflexion. J’ai également rencontré Morgan Bouchet qui m’a éclairé sur la vision de la marque Orange dans le milieu du transmedia. Je tiens à remercier également Mathias Gimeno (directeur de la société transmedia Prospexity et auteur d’un mémoire de fin d’études sur le transmedia) et Mathieu Détaint (producteur chez Inflammables Productions) de m’avoir accorder du temps et d’avoir apporté leur regard professionnel sur ce sujet. Je dois aussi remercier mes proches qui ont supporté mes doutes et qui ont fait en sorte que ces quelques mois se passent dans la sérénité. Un très grand merci à Thibaut qui m’a soutenue, écoutée et motivée jour après jour, à mes sœurs, et à mes grands-parents (même s’ils n’ont certainement pas tout compris au sujet de mon mémoire). 2
  • 3. Ce mémoire n’aurait pas eu la même dimension sans la précieuse aide de Amélie Sudrot, étudiante à l’Ecole supérieure de gestion et de médiation des Arts et auteure d’un mémoire sur les enjeux des fictions audiovisuelles interactives. Bravo pour ton travail ! Enfin, je ne pourrais pas clore ces remerciements sans citer mes camarades de la promotion Conseil éditorial 2010-2011. Merci à vous tous pour votre soutien ! 3
  • 4. SOMMAIRE Introduction p.8 • Définition et contextualisation • Intérêt du sujet • Problématique et annonce du plan CHAPITRE 1 p.12-25 QUELLE NARRATION A L’HEURE DE LA CONVERGENCE MEDIATIQUE ? I) Permanences et évolutions de la narration p.12 1) Au commencement était le verbe 2) La narration transmedia : une nouvelle façon de raconter des histoires ? II) Convergence des supports et cohérence narrative p.16 1) La convergence des supports au service d’une fiction transmedia 2) Les différentes typologies de narration transmedia a) le transmedia natif b) le transmedia de fidélisation c) le transmedia promotionnel III) La pluridisciplinarité narrative : une exigence de nouveaux métiers ?p.21 1) Le décloisonnement des domaines d’activité 2) Au cœur du projet : le producteur transmedia 3) Le « story architect » et les métiers de l’animation 4
  • 5. CHAPITRE 2 p.26-41 L’INTERACTIVITE EN QUESTION : QUEL PUBLICS POUR LE TRANSMEDIA ? I) Quels supports pour l’interactivité ? p.27 1) L’ARG : un modèle d’interactivité 2) L’interactivité à la télévision a) Les séries télévisées transmedia b) Les enjeux de la télévision connectée 3) Les nouvelles formes de « transmedia activism » a) Le webdocumentaire : l’information interactive b) Susciter l’engagement grâce au transmedia c) les jeux sérieux : un apprentissage par l’immersion ? II) L’univers transmedia : vers une ouverture au grand public ? p.35 1) Les raisons d’un faible engagement a) « Transmedia » : un terme peu connu du grand public b) …et des univers encore peu accessibles 2) Apprentissage et médiation du transmedia a) La multiplication des journées dédiées au transmedia b) Un festival national du transmedia ? c) Des formations universitaires dédiées d) Les « curateurs » et les « community managers » 5
  • 6. CHAPITRE 3 p. 42-57 QUELS MODELES ECONOMIQUES A L’ERE DU TRANSMEDIA ? I) Des modèles économiques en cours de définition p.43 1) Les nouveaux besoins de la création transmedia a) Les financements traditionnels b) Le financement participatif ou « crowdfunding » c) Les abonnements et autres formes de financements d) Le modèle gratuit est-il recevable ? e) La rentabilisation et la mutualisation des coûts 2) Les politiques publiques étrangères pour le financement de la création a) Le réseau « Creative England » : un financement régionalisé b) Le modèle économique du Canada (IRIS, FMC) c) Un fonds européen pour la création ? II) Le transmedia : quelle opportunité pour les marques ? p.52 1) Le « brand content » : une nouvelle image de(s) marques(s) 2) Le placement de produit et le sponsoring Conclusion p.56 Bibliographie p.58 Webographie p.58 1) Sites internet dédiés aux problématiques transmedia 2) Articles d’analyse 6
  • 7. 3) Podcasts et vidéos Conférences p.61 Annexes p.62 - Annexe 1 p.62 Glossaire - Annexe 2 p.70 Entretiens réalisés • Mathieu Détaint, producteur Inflammables productions p.70 • Morgan Bouchet, direction des contenus Orange p.75 • Mathias Gimeno, directeur de Prospexity p.79 - Annexe 3 p.81 Sondage envoyé 7
  • 8. INTRODUCTION • Définition et contextualisation Cité pour la première fois en 2003 par Henry Jenkins dans un article de la Technology Review1, le terme « transmedia » consiste à développer un univers narratif sur différents supports médiatiques. Au croisement du jeu, de la réalité et de la fiction, l’univers narratif interactif semble pouvoir être démultiplié. Contrairement au plurimédia (ou encore cross média) qui décline un même contenu sur des supports médiatiques divers et complémentaires, le transmedia développe des contenus différents et complémentaires sur différents media (application, TV, site web, webdoc, film), lesquels contribuent à la création d’une seule et même histoire. De nombreux acteurs du transmedia choisissent la métaphore du puzzle pour définir le concept. Un projet transmedia est constitué de morceaux de puzzle indépendants (on peut ne consulter qu’une pièce du puzzle) mais qui, assemblés, dévoilent l’intégralité de l’univers narratif et invitent à une expérience plus riche. En ce sens, l’expérience transmedia remet en cause les techniques narratives, éditoriales mais aussi économiques du secteur du divertissement. Pour comprendre le terme transmedia, il est nécessaire d’expliquer le contexte dans lequel il est né. L’écosystème complexe qui s’est mis en place depuis une dizaine d’années via internet laisse une grande place au divertissement. Les grandes chaînes de télévision ont vu leur taux d’audience chuter de 15% à 30% ces dix dernières années notamment avec l’arrivée de la TNT. Contrairement aux idées 1 Technology Review (published by MIT) 15 janvier 2003, Henry Jenkins http://www.technologyreview.com/biomedicine/13052/page1/ 8
  • 9. reçues, internet n’a pas détourné les téléspectateurs de leurs postes de télévision. Les usages se sont simplement diversifiés et délinéarisés. Le développement de Youtube (2 milliards de vidéos vues par jour), la démocratisation de Facebook (300 millions de pages vues par mois) et l’émergence de Twitter (90 millions de tweets par jour) impactent les médias traditionnels (télévision, presse, radio, portails internet) et remettent en question les modèles économiques du divertissement. En cinq ans, le temps passé par semaine sur le web a été multiplié par deux. L’attention du consommateur est désormais à la fois fractionnée, multiple et soumise à des stimuli numériques qui appellent une réactivité augmentée. On parle de comportements multitâches quand un téléspectateur est en même temps connecté au web pour changer son statut Facebook ou livetweeter, qu’il envoie des sms tout en regardant une série télévisée. Les acteurs du divertissement doivent faire face à la fragmentation et la délinéarisation des usages. Il convient alors de lui proposer une expérience à l’image de son comportement. Les projets transmedia s’attachent à offrir un divertissement plus interactif, plus tourné vers le spectateur. Le transmedia peut donc être présenté comme une pratique nouvelle qui cherche à intégrer le spectateur dans une expérience immersive et ainsi mêler le réel et la fiction. Du webdocumentaire à la websérie en passant par les ARG (« Alternative Reality Games »), les séries télévisées, les films, les applications sur smartphone (iPhone ou Androïd), les sites internet, les blogs et les événements IRL (« In Real Life »), le transmedia regroupe des supports médiatiques multiples dans le but de toucher l’audience la plus large grâce à la fidélisation et l’interactivité. • Intérêt du sujet 9
  • 10. Cet objet d’étude revêt un intérêt indéniable dans la mesure où il est en pleine émergence. Tout reste encore à imaginer, à découvrir, à créer. Le transmedia représente une opportunité considérable pour les auteurs de laisser place à leur imagination pour réinventer la façon d’écrire des histoires et pour casser les frontières narratives prédéfinies. L’avantage d’un secteur en pleine émergence réside également dans son ouverture aux profils professionnels multiples. L’intérêt de ce mémoire est double. Il permet d’approfondir un sujet actuel dont la bibliographie est encore naissante et d’avoir un regard neuf et prospectif. Il présente également un intérêt professionnel puisque le secteur du transmedia est un domaine d’activité ouvert et en plein essor. Si un « incommensurable champ des possibles » (Jeff Gomez) semble s’ouvrir avec la notion de transmedia, les opportunités se heurtent parfois à un manque de cadre notamment financier, juridique ou communicationnel. Car « les projets purement transmedia restent aujourd’hui assez rare, pour des raisons de coûts, de compétences et d’absence de modèles économiques. Une création originale transmedia est un projet complexe, qui requiert de la vision, une maîtrise des différents supports, et peut s’avérer risqué ».2 C’est pourquoi ce mémoire s’attachera à développer des pistes de réflexions tout en s’appliquant à prendre le recul nécessaire pour ne pas succomber à l’effet de mode que représente aussi le transmedia. • Problématique et annonce du plan 2 WebTelevisionObserver, interview réalisée par la TransmediaLab http://webtelevisionobserver.com/2011/02/contenus-web-et-transmedia-notre-interview-au- transmedialab/ 10
  • 11. La narration transmedia implique une nouvelle expérience créative. Ses codes et ses genres sont encore en définition. Le transmedia peut être utilisé par les marques dans le cadre de stratégies marketing novatrices pour toucher une cible prédéfinie. En quoi les univers transmedia permettent-ils de fédérer et de fidéliser un public ? Comment l’ensemble des producteurs de contenus réagissent-ils face à l’évolution des comportements et des usages médiatiques ? Quels en sont les enjeux ? Quel avenir peut-on envisager pour ce phénomène encore embryonnaire ? Deviendra-t-il seulement un support de communication dédié aux annonceurs ou peut-on envisager l’émergence d’une créativité narrative enrichie ? La remise en cause d’un modèle économique établi pour chaque media est un des enjeux actuels qu’il convient d’expliquer et d’approfondir. Ce mémoire présentera un état des lieux de ce phénomène en plein essor à travers des comparaisons internationales de projets divers. Le modèle économique du transmedia fera l’objet d’une étude articulée autour de la stratégie de communication des marques. Cette partie sera bien détaillée dans la mesure où elle décrira l’existant tout en proposant des pistes de réflexions relatives à l’avenir économique du transmedia. Si la bibliographie sur le sujet se limite encore à quelques ouvrages de référence, la webographie quant à elle prolifère (sites spécialisés, blogs, réseaux sociaux, curation). 11
  • 12. CHAPITRE 1 QUELLE NARRATION A L’HEURE DE LA CONVERGENCE MEDIATIQUE ? I) Permanences et évolutions de la narration 1) Au commencement était le verbe Loin de nous l’idée de développer une histoire de l’écriture ou de la narration. Il s’agira plutôt de dérouler une brève chronologie des différents supports liés à la narration et d’y intégrer les nouveaux enjeux d’une écriture transmedia. Historiquement, l’homme s’est construit avec et dans la narration. Des mythes, des contes, des légendes, des récits (historiques, biographiques, fictionnels, surréalistes…) ont pris différentes formes tout au long de l’Histoire. D’abord orale, la transmission des histoires se faisait dans le cadre d’une communauté définie. La verticalité de la transmission orale a laissé place à celle de la transmission écrite. La démocratisation de la lecture grâce à la technique de l’imprimerie ouvre la voie à la créativité. Au XIIIème siècle, l’écriture romanesque adopte la prose en s’inspirant du modèle des textes juridiques. La notion de crédibilité de l’histoire intéresse particulièrement les auteurs de fiction pour attirer le lecteur et lui faire vivre une expérience fictive nouvelle qui intègre la réalité. La presse inaugure le feuilleton pour fidéliser le lecteur d’un jour à l’autre. La fin du XIXème et le début du XXème siècle voient l’apparition de la radio (1893), du cinéma (1895) et de la télévision (1926). Ces medias instaurent de nouvelles formes d’écritures, des règles et des enjeux narratifs différents de ceux de la presse. La parole, le livre, la presse, la radio, la télévision, le cinéma, et les nouvelles technologies sont indissociables de la narration. Loin de créer une segmentation des 12
  • 13. différents supports médiatiques, la narration les rassemble et les fait converger. Selon l’analyse de Genette, les moments de la narration peuvent être répartis ainsi : le moment ultérieur ou analepse (on raconte après ce qui s'est passé avant), le moment antérieur ou prolepse (on raconte avant ce qui va se passer), le moment simultané (on raconte directement ce qui se passe) et le moment intercalé (on mélange présent et passé).3 Ces différentes techniques narratives sont utilisées simultanément dans un univers transmedia. Au cœur de cette convergence médiatique apparait une nouvelle forme de « storytelling » (littéralement « raconter des histoires »). Le défi de l’écriture transmedia se trouve dans la création d’une histoire cohérente à travers des supports différents. Selon Michel Reilhac (directeur cinéma chez Arte France), le transmedia ne va tuer ni le cinéma, ni la télévision, cependant « nous sommes à l’aube d’un moment absolument passionnant, où l’art de la narration lui-même va changer »4 2) La narration transmedia : une nouvelle façon de raconter des histoires ? Si le transmedia s’inscrit évidemment dans la continuité de l’histoire du récit et de ses supports, il réinvente en même temps totalement la façon d’écrire voire de penser la narration. L’écriture transmédia implique une connaissance de tous les supports sur lesquels l’histoire sera déclinée. La délinéarisation du récit rejoint la notion d’intercomposition, c’est-à-dire l’expression d’un univers complet et complexe à travers plusieurs œuvres mono-medium. Cette intercomposition narrative doit 3 Gérard Genette, Figures III, Éditions du Seuil, Paris, 1972; page 280 4 Interview de Michel Reilhac dans Palmarès Magazine n°4, 20/04/2011 ; http://michelreilhac.blogs.arte.tv/ 13
  • 14. également tenir compte des règles du storytelling. Souvent associé au domaine de la communication politique, notamment depuis l’ouvrage de Christian Salmon5 (Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits), le « storytelling » se définit simplement comme la capacité à raconter des histoires, à produire de nouvelles formes de récit en fonction d’un environnement technique et culturel spécifique. Dans ce sens, cette technique narrative doit s’adapter à l’évolution des pratiques numériques et des dispositifs liés aux médias digitaux. Selon Christian Salmon, « les consommateurs ne seraient plus attirés par un produit, ni même par un style de vie mais par un univers narratif »6. En ce sens, la narration transmedia consiste bien en une nouvelle façon d’écrire des histoires pour correspondre aux attentes du spectateur et aux évolutions liées aux nouveaux medias. Le flux d’information permanent dans lequel est plongé l’utilisateur, symbolisé par le smartphone en situation de mobilité (autrement appelé écran embarqué), oblige à repenser la façon dont sont écrites les histoires fictionnelles. La métaphore du puzzle pour décrire les projets transmedia doit être prise en compte dans le processus d’écriture. Chaque « device » (support médiatique) rend compte d’un élément de l’histoire. Tout en étant indépendants, ces éléments narratifs doivent être cohérents entre eux et constituer une histoire à part entière. Du point de vue du spectateur, chaque expérience réalisée doit se suffire à elle-même. L’expérience d’un seul média est limitée par rapport à celle du tout mais elle doit être possible. L’expérience transmedia se caractérise par cette architecture narrative dans laquelle le spectateur accède à différents contenus selon le support qu’il utilise. Ces points d’entrée (« rabbit hole ») sont prédéfinis par les créateurs de l’univers en fonction de 5 Christian Salmon, Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits. La Découverte Poche/Essais, novembre 2008. 6 Christian Salmon, Storytelling, la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits. La Découverte Poche/Essais, novembre 2008. p 37 14
  • 15. l’univers proposé. Le public entre dans un monde narratif par un ou plusieurs supports à travers lesquels il interagit (particulièrement via les plateformes web, les smartphone et les événements dans la vie réelle). Selon Eric Viennot, fondateur de Lexis Numérique et créateur du jeu In Memoriam, l’histoire doit toujours constituer le point de départ de la création transmedia. La structure narrative reste la base du projet. « Le transmédia, c’est une écriture pensée très en amont par rapport à tous les médias, à leur complémentarité, au fait que l’un ne peut pas se passer de l’autre, de pouvoir entrer dans un univers en étant réactif. »7 Le principe même du transmedia implique la synchronicité des médias. L’écriture doit prendre en compte les différents supports et le spectateur dans la réalisation de l’histoire. Pour faciliter l’interactivité, les barrières technologiques doivent être minimisées. Le travail d’ergonomie participe au bon déroulement de l’expérience pour, ce que l’on pourrait appeler, « le spectacteur ». L’interactivité découle de la simplicité du mécanisme. Pour en accentuer l’effet, les limites doivent rester floues entre la réalité et la fiction pour immerger entièrement le spectateur dans l’univers. Un engagement n’est possible que s’il y a une ambiguïté entre la fiction et la réalité. Ces notions exigent une très bonne connaissance des outils technologiques. Selon Nicolas Bry, directeur du TransmediaLab d’Orange : « l’idéal transmédia a pour objectif de créer une expérience unifiée entre différents médias donnant le sentiment d’entrer dans un univers ».8 Un nouveau storytelling émerge avec les nouvelles technologies. Par conséquent, l’écriture narrative transmedia pose la question de la synchronicité des medias et de la convergence des supports. La question des 7 WebTelevisionObserver, entretien avec Eric Viennot http://webtelevisionobserver.com/2011/03/entretien-avec-eric-viennot-auteur-et-game-designer/ 8 Meridianes, territoires et culture, Qu’est-ce-que le transmedia ? http://meridianes.org/2011/06/07/quest-ce-que-le-transmedia/ 15
  • 16. supports numériques représente un enjeu incontournable dans la narration transmedia. II) Convergence des supports et cohérence narrative 1) La convergence des supports au service d’une fiction transmedia La multiplication des supports technologiques constitue un réel défi pour rendre le contenu accessible à tous. La convergence des technologies est désormais un fait. Cependant peut-on parler d’une convergence totale ? Un contenu ne peut pas être le même sur chaque support. Il doit être adapté aux usages et aux technologies. Par exemple un univers fermé du type Apple ne peut pas être appréhendé de la même façon qu’un univers plus ouvert du type Android. Les règles à respecter ne sont pas les mêmes sur un écran de Smartphone ou sur un écran d’iPad. Les outils numériques utilisés dans le cadre de projet transmedia sont multiples : la télévision connectée, les mobiles avec des terminaux différents (Apple, Android, Nokia), les tablettes (iPad, Samsung Galaxy), les ordinateurs (Mac ou PC), les livres avec des QR code, les DVDs contenant des informations qui renvoient vers un site internet dédié. Tous ces outils convergent puisqu’ils renvoient souvent l’utilisateur d’un support à un autre afin de lui proposer plus de contenus et une immersion plus profonde dans l’univers transmedia. Pourtant la convergence des technologies ne suppose pas essentiellement la convergence des contenus. Les usages doivent être pris en compte dans l’écriture d’une fiction transmedia. Les contenus sont à adapter à l’utilisateur. Si celui-ci est en situation de mobilité, il ne consommera pas la fiction transmedia de la même façon que s’il est chez lui devant 16
  • 17. son ordinateur. La répartition des contenus sur les supports doit être pensée en amont de l’écriture du projet. Si le « spectacteur » est appelé à interagir voire à produire du contenu pour enrichir le projet, il le fera sans doute plus sur un site internet ou une application iPad que sur une application iPhone/Android. Le transmedia est à la fois une narration, une mécanique d’engagement (issue du jeu vidéo) mais aussi une manière de transmettre une histoire. Selon Steeve Plu, game designer à la R&D d’Orange, le transmedia est un « méta-media ». Une narration transmedia accomplie se distingue par sa capacité à faire abstraction de la technologie. L’écriture devient interactive lorsqu’elle oublie la technologie. Le réseau s’entend alors comme un pont entre le monde réel et le monde numérique. La narration transmedia, indissociable de la technologie, sera amenée à évoluer en même temps que celle-ci. Si la convergence des technologies n’est pas directement synonyme de convergence des contenus, les auteurs transmedia s’adapteront de plus en plus aux fournisseurs de technologie. 2) les différentes typologies de narration transmedia Les stratégies transmedia révèlent différentes typologies de narration. Les projets transmedia peuvent relever de stratégies marketing plus ou moins développées. On distingue trois grands types de narration transmedia. a) Le transmedia natif Il apparaît sur les réseaux sociaux, sur le web en général. Il désigne des programmes originaux crées pour le web. On peut citer par exemple « Detective Avenue », un jeu en ligne proposé par Orange. Inspiré de Cluedo et de Fenêtre sur 17
  • 18. cour, « Detective Avenue » propose à l’internaute d’aider Gaëlle (le personnage principal) à résoudre l’énigme de la mort de sa sœur. Cette enquête policière se joue sur téléphones mobiles et sur le web. Le transmedia natif se définit souvent comme une websérie interactive. L’utilisateur entre dans l’univers de « Detective Avenue » en espionnant les habitants de l’immeuble qui cachent tous un secret. Durant cinq semaines, il visionne 58 vidéos, il répond à des énigmes, il fouille des appartements. La vidéo, l’application iPhone, les sms, les mails lui rappellent à quel niveau du jeu il se situe. Les joueurs cumulent des points et les trois premiers joueurs à avoir cumulé le plus de points gagnent un cadeau (téléviseur Samsung LG 3D, ordinateur Sony VAIO, caméscope Canon). Après l’arrêt du jeu, l’internaute peut continuer à jouer en différé avec des indices différents. 18
  • 19. Ce modèle présente une originalité narrative puisque chaque élément de l’univers est voué à être découvert sur le site. Tous les éléments doivent être anticipés en amont du tournage. 58 épisodes et 5 vidéos bonus ont donc été tournés en 13 jours avec une équipe technique de 12 personnes. b) Le transmedia « de fidélisation » Il permet de maintenir l’intérêt du spectateur, notamment pendant la période qui s’intercale entre la diffusion de deux saisons d’une série télévisée, mais aussi de capter l’audience des adolescents, de moins en moins intéressés par la télévision. L’exemple le plus souvent cité est celui de la série « Dexter ». Avec l’aide d’agences marketing et numérique, les créateurs de la série ont organisé des événements dans plusieurs villes des Etats-Unis pour le lancement de la saison 2, puis développé une websérie animée intitulée « Early Cuts » pour le lancement de la saison 4. La websérie explore le personnage de Dexter, tente d’expliquer ces agissements et dévoile les débuts de la série. Fin 2010, Dexter Interactive Investigation » est lancé sur Youtube. Les internautes, dans la peau de Dexter, peuvent à leur tour résoudre des enquêtes, trouver des indices et arrêter le meurtrier. Un site internet « Showtime », des applications mobiles (iPhone, iPad) et des événements sont proposés toute l’année pour tenir le spectateur en haleine. Un ARG (« The Hunter Prey ») a également été crée pour le lancement de la saison 5 aux Etats-Unis. La narration transmedia de Dexter se poursuit également et inévitablement sur les réseaux sociaux. La page Facebook de Dexter compte 7 500 000 fans. Elle permet notamment d’accéder à une boutique de produits dérivés en ligne. Le compte Twitter est quant à lui suivi par 105 000 fans. 19
  • 20. Le transmedia de fidélisation utilise tous les médias (numériques, sociaux, traditionnels) disponibles pour entretenir le rapport avec les fans de la série, les fidéliser et en toucher d’autres. c) Le transmedia promotionnel Il annonce la sortie d’un film et met en scène l’univers de ce film dans un processus de promotion et de communication. Le film « The Dark Knight », deuxième opus des débuts de Batman sortie en 2008 représente l’exemple type de transmedia promotionnel. Cette hyperproduction hollywoodienne a bénéfice d’un budget marketing dédié uniquement au développement de composantes transmedia. Au lancement de la promotion du film, un ARG a crée l’événement. Puis une quarantaine de sites web ont été développés, dont le principal «www.whysoserious.com ». Ces sites donnaient aux internautes les plus fidèles des indices (sous forme d’énigme laissées par le Joker) pour découvrir en avant- première des contenus du film (bande-annonce, extraits, teaser). Une campagne 20
  • 21. marketing virale a été organisée pour entretenir l’impatience des fans de Batman grâce à un jeu de pistes via de nombreux sites viraux crées à l’occasion. Cette forme de transmedia dite promotionnelle relève alors plutôt du marketing que de la production de contenus même si des contenus additionnels viennent enrichir le projet en amont. Les structures transmedia diffèrent donc selon le sujet et les intentions de leurs auteurs. Quelque soit le type de projet, la multiplicité et la richesse des métiers sont nécessaires à son bon déroulement. La narration transmedia est par définition pluridisciplinaire et requiert des profils multiples et complémentaires. III) La pluridisciplinarité narrative : une exigence de « nouveaux métiers » ? 1) le décloisonnement des domaines d’activité 21
  • 22. L’écriture transmedia peut être lue à l’aune de ce que Pierre Lévy définit en 1994 comme l’ère de « l’intelligence collective »9. Les nouvelles structures sociales permettent la production et la circulation des connaissances dans une société réticulaire. Les connexions donnent lieu à une mise en commun de l'information et des connaissances. Chacun peut ainsi puiser dans l'expertise de l’autre pour résoudre les problèmes de manière collective. Pierre Lévy affirme que dans cette ère de connaissance collective, chacun peut transmettre ce qu’il sait dans son domaine pour enrichir les connaissances des autres. L’enjeu n’est plus celui de l’accès mais bien de la reconnaissance des savoirs de chacun. L’écriture transmedia se rapproche de ce concept dans la mesure où elle fait appel à des connaissances interdépendantes. Un projet transmedia existe uniquement si de nouvelles collaborations entre informaticiens, producteurs « classiques » et designers issus du jeu vidéo se créent. Chaque acteur détient une pièce du puzzle. Ces partenariats sont fondamentaux pour aboutir à des œuvres qui ne relèvent pas uniquement d’effets techniques ni d’un scénario bien amené mais qui réussissent à allier un style d’écriture, une ergonomie, un design, des personnages, une histoire. Plutôt que de parler de « nouveaux » métiers, il serait plus juste de parler de nouvelles méthodes de travail et de nouvelles collaborations. Les métiers sont pour ainsi dire les mêmes, c’est la façon dont ils se rencontrent qui est nouvelle. 9 Pierre Lévy, L’intelligence collective, La Découverte, Paris, 1994 22
  • 23. 2) Au cœur du projet : le producteur transmedia En 2010, la PGA10 (« Producer Guilde of America » : association des producteurs américains) a reconnu le métier de « producteur transmedia ». Ce nouveau métier s’applique à celui qui produit un univers narratif sur plusieurs plateformes (film, téléfilm, livre, BD, film ou série d’animation, contenus pour mobile, etc.) Ce nouveau rôle officialisé marque un tournant important pour le secteur. Selon les termes du PGA, le crédit de producteur transmédia est donné à la personne responsable d’une partie significative de la gestion du projet, de son développement, de sa production et/ou de l’entretien de la continuité narrative à travers différents supports. L’écriture doit anticiper le principe d’interactivité qui fait l’objet même des projets transmedia. Peu à peu les auteurs pensent donc aussi la création et la narration de manière interactive. A l’image de l’interactivité proposée dans l’univers transemdia créé, le travail en équipe doit être collaboratif, proche et interactif. Un scénariste peut par exemple travailler avec un spécialiste du jeu vidéo ou un ingénieur informatique. Un projet transmedia exige des postes stratégiques pour organiser une équipe cohérente et complémentaire. Ainsi, le producteur transmédia gère-t-il le budget et surtout le relationnel. Même s’il s’agit d’un processus collectif, il joue le rôle du chef d’équipe. Il doit maîtriser l’ensemble de la création transmédia : conception, réalisation, production, animation de communauté et conception interactive. Il est le garant de la cohésion du projet tout au long de sa réalisation ainsi que de son exploitation. Il doit connaître les nouveaux modes de distribution pour travailler avec 10 Producers Guild of America (PGA) : La guilde des producteurs américains est une association qui réunit les producteurs de films, les producteurs de télévision et les producteurs des Nouveaux Médias. Elle compte plus de 4000 membres à qui elle fait profiter de nombreux services (d’assurances, d’accompagnement et d’aide à la gestion des droits et crédits de production) 23
  • 24. plusieurs diffuseurs : sites web, diffuseurs mobiles, cinéma, télévision, fabricants de consoles de jeu. 3) Le strory architect et les métiers de l’animation A l’image de Lance Weiler, un « story architect » est à la fois auteur, réalisateur, producteur, chef de projet, designer d’architectures web, expert des médias sociaux, spécialiste des nouveaux moyens de distribution et animateur de communautés. Ce profil reste très rare puisqu’il nécessite une connaissance complète de l’écosystème transmedia. Aujourd’hui, ces profils existent indépendamment les uns des autres et coexistent sur des projets transmedia. Néanmoins, la génération Y (celle qui a toujours connue Internet et les nouvelles technologies) commence à lancer des projets de ce type grâce à des profils complets et riches d’étudiants formés à l’informatique mais aussi à la conception, à l’écriture, à la production. Des sociétés comme Prospexity11 ou Bigger than Fiction12 se lancent dans la réalisation et la production de fictions transmedia et sont souvent codirigées par des jeunes issus de la génération Y. L’envie de créer de nouvelles expériences, de proposer de nouvelles histoires au public et d’inventer une nouvelle façon de raconter et de vivre des fictions pousse cette génération à développer leurs propres sociétés. Le projet transmedia évolue grâce et autour d’une communauté réunie autour d’une même passion pour la thématique abordée. Cette communauté active attend d’être guidée pour pouvoir interagir. L’animation de communauté est donc indispensable dans des projets dits transmedia. Le community management se développe de manière exponentielle à mesure que foisonnent les projets de ce type. Des 11 http://www.prospexity.net/ 12 http://www.biggerthanfiction.com/ 24
  • 25. formations se multiplient pour apprendre aux community manager à bien gérer leur communauté en ligne puisqu’ils représentent virtuellement la voix du projet. Dans certains cas, ils incarnent les personnages de la webfiction. Leur rôle devient tout aussi important que celui de l’auteur avec qu’ils travaillent étroitement. En effet, ils sont chargés de faire vivre la communauté, de la faire interagir, de créer du contenu, de modérer et de répondre aux attentes des internautes. Certains aspects de ce nouveau métier s’apparentent à celui d’acteur qui donnerait la réplique à de nombreux autres via une fiction transmedia. En ce sens, il semble être en passe de devenir incontournable. La narration transmedia modifie profondément le rapport du public à la fiction. Cette nouvelle forme narrative inclut intrinsèquement le public (internaute, mobinaute, spectateur,..) dans le processus transmedia. La ludification des contenus transforme le spectateur passif en suiveur, passeur, créateur de contenus voire acteur du projet. L’interactivité est le fer de lance de ces nouvelles formes narratives. 25
  • 26. CHAPITRE 2 L’INTERACTIVITE EN QUESTION : QUELS PUBLICS POUR LE TRANSMEDIA ? L’intention des projets transmedia n’est pas seulement de créer une histoire mais de faire vivre une expérience. Dans ce sens, le spectateur-joueur ou « spectacteur » est accompagné dans l’univers narratif. Il se crée alors une tension qui l’encourage à rebondir sur tous les écrans pour suivre l’intrigue et en découvrir des éléments inédits. L’interdépendance des supports médiatiques constitue la base des projets transmedia. Un univers transmedia ne peut trouver et fidéliser une audience sur le web uniquement s’il est parallèlement produits et diffusés sur d’autres écrans (TV, cinéma, smartphones). Le spectateur se considère aujourd’hui comme son propre directeur des programmes. Sa volonté de contrôler ce qu’il regarde, ce qu’il lit et ce qu’il écoute redéfinit les rôles traditionnels des métiers du multimédia. Selon Eric Viennot, l’expérience transmedia peut se résumer ainsi : c’est le film dont vous êtes le héros ». Pour associer les termes « narration » et « interaction », David Cage (créateur français de jeux vidéo) a développé le concept imagé de « narration élastique ». Il propose une nouvelle forme d’arborescence. Selon lui, il ne faut pas imaginer un arbre mais un élastique. « L’histoire écrite reste la colonne vertébrale mais elle est élastique et le joueur, en fonction de ses actions, va pouvoir étirer cet élastique, le rendre plus ou moins court, long mais aussi le déformer. L’élastique conservera son milieu, son début et sa fin ».14 L’interaction totale est-elle envisageable, souhaitable ? A qui s’adresse ces types de contenus interactifs transmedia ? 14 Podcast « La narration dans le jeu vidéo », http://www.gameblog.fr/podcast_137_podcast-134-narration- et-jeu-video-avec-david-cage-et-eric-v ; consulté le 10/06/2011 26
  • 27. I) Quels supports pour l’interactivité ? 1) L’ ARG : un modèle d’interactivité Un Alternate Reality Game (ARG) est une fiction qui se joue dans la vie réelle et dont les éléments narratifs nous parviennent par différents canaux. Ce type de jeu déploie la logique transmedia à l’extrême puisqu’il s’agit d’une fiction qui se joue dans la réalité et qui utilise tous les modes de communication (vidéos, blogs, sms, mails, appels téléphoniques). « This is not a game » annonce l’ARG « The Beast », développé pour la sortie du film de Steven Speilberg « A.I. Intellgence Artificielle ». Ce slogan mêle l’interactivité, la stratégie transmedia et la notion de « spectacteur ». Chaque partie de l’histoire s’appuie sur les forces de chaque média. Les participants peuvent avoir le pouvoir d’influencer le cours de cette histoire, comme dans un jeu de piste. Ce procédé implique donc le déroulement interactif de l’histoire, les nouvelles technologies et les joueurs en ligne. Eric Viennot, créateur de l’ARG In Memoriam, parle de « fiction totale » pour définir ce concept puisqu’il mêle le plus de media possible en mettant toujours le joueur au centre de la narration. La fiction totale « tente de rompre avec l’esprit élitiste ou amateur des ARG. Elle tente de les rendre plus accessibles et plus populaires. Complémentarité des différents médias, simultanéité, cohérence, immersion, en sont les principaux ressorts. »15 Les jeux vidéos et notamment les ARG semblent les plus adaptés pour mettre le joueur au centre de la fiction et du jeu. Néanmoins, ces formats restent encore réservés aux inconditionnels du jeu vidéo. L’immersion semble devenir le modèle de production et de captation de l’attention. Un joueur vit une expérience immersive 15 http://ericviennot.blogs.liberation.fr/ericviennot/2009/11/du-transm%C3%A9dia- %C3%A0-la-fiction-totale.html 27
  • 28. d’autant plus forte qu’il est lui-même actif dans le jeu. Il joue alors un rôle déterminant dans la création, la transformation de l’univers fictif dans lequel il évolue. Les jeux vidéo réussissent donc à allier l’immersion et la fidélisation de leur cible. Le défi du transmedia réside alors dans la capacité à faire évoluer le « spectacteur » dans un univers fictif proposé sur différents média et à capter son attention malgré ces différents supports. Les ARG constituent donc a priori la forme le plus appropriée pour vivre une expérience interactive quasi totale. 2) L’interactivité à la télévision a) Les séries télévisées transmedia L’interactivité à la télévision commence à émerger timidement. Les chaînes tentent de reconquérir l’audience des jeunes générations qu’elles ont perdues petit à petit au profit du web. En ce sens, la série télévisée semble le programme privilégié en raison de sa capacité à créer des rendez-vous quotidiens avec l’audience. La diffusion de séries télévisées interactives est de plus en plus fréquente, notamment sous la forme d’épisodes courts. Début 2010, TF1 lance sa première série transmedia : « Clem ». Le synopsis est le suivant : Clem’, une lycéenne de 16 ans, apprend qu’elle est enceinte. Elle décide alors d’allier sa vie de lycéenne et de mère. A travers son blog, elle partage les événements de sa nouvelle vie. L’internaute est amené à participer en répondant à des questions ouvertes sur les personnages et les choix qu’ils doivent faire. Des teasers sont mis en ligne sur www.tf1.fr. Le public peut également suivre les vidéos de Clem sur l’ensemble des plateformes de la chaine (My TF1, les applications TF1 IPhone et IPad, la chaine dédiée de Wat.tv), échanger avec les créateurs de la série 28
  • 29. et les autres fans sur la page « fans de Clem » de Facebook, et accéder sur TF1 Vision à Clem saison 1. Avec 9,5 millions de téléspectateurs et 2,5 millions d’internautes, la série connaît un réel succès. L’écriture de la saison 2 prend alors en compte les internautes, leurs attentes et leurs centres d’intérêts. Ces nouvelles formes d’écriture partagées émergent aujourd’hui à la télévision française. L’intérêt transmedia de cette série est autant dans la multiplication des supports que dans l’interaction avec les internautes. Quoique stratégiques pour leur avenir, les chaines de télévision françaises n’ont semble-t-il pas pleinement intégré ces nouvelles formes de narration dans leur modèle. Une série comme « Clem », même si elle se définie comme transmedia, utilise les codes classiques d’une série télévisée. Le scénario et le principe de narration ne se distinguent pas vraiment d’une série classique. En France, les chaines de télévision créent des services nouveaux médias pour s’adapter aux nouveaux usages des téléspectateurs. En 2007, la chaine publique suédoise « Sveriges Television » lance une fiction transmedia alliant série télévisée et ARG : « The Truth About Marika ». L’histoire met en scène un homme à la recherche de sa jeune femme disparue le jour de son mariage. Cette disparition semble faire écho à des dizaines d’autres qui se sont produites dans les dernières décennies. Relayée par la télévision publique et par un blog actif, les spectateurs étaient appelés à aider le jeune homme à retrouver sa femme et à résoudre l’enquête. La frontière très mince entre la réalité et la fiction a fait de ce programme une fiction totale dans la mesure où il impliquait directement les spectateurs/joueurs avec une dimension participative très forte. La production a été déployée sur les médias disponibles : télévision, radio, Internet et téléphones mobiles. L’année suivante, le dispositif transmedia déployé a été récompensé par en Emmy Award et un prix Europa. 29
  • 30. b) Les enjeux de la télévision connectée Avec l’apparition de la télévision connectée, de nouveaux services sont proposés aux téléspectateurs. La personnalisation des programmes et l’interactivité transforme profondément le rapport à la télévision. Le spectateur passe d’une relation individuelle et passive à une relation interconnectée et active. La télévision connectée constitue un nouveau débouché pour les diffuseurs et les programmateurs des chaines. Il s’agit désormais pour elles de développer des programmes spécifiques, de les reformater pour ce nouveau mode de diffusion. « Ce qu’il va être intéressant de voir se développer est la télévision connectée, avec des programmes conçus pour Internet au sens large mais sur un média plutôt passif d’usage collectif16 » soutient Nicolas Bry du TransmediaLab d’Orange. Même si la télévision connectée reste encore minoritaire aujourd’hui, elle tend à devenir de plus en plus présente et incontournable. 3) Les nouvelles formes de « transmedia activism» a) Le webdocumentaire : l’information interactive Le webdocumentaire n’est pas directement comparable à un projet transmedia dans la mesure où le mot webdocumentaire « regroupe toutes les nouvelles formes de reportage ou de documentaire interactif sur le web. S’il fallait proposer une définition, se serait peut-être : un documentaire (film didactique), adapté au web, c’est à dire 16 Propos tenus par Nicolas Bry le 15/06/11 aux Cross Vidéo Days pour la conférence « L’écriture numérique, révolution en marche » 30
  • 31. qui utilise les outils du web (multimédia, interactivité) au service d’une narration. »17. Le webdocumentaire pourrait faire l’objet d’un mémoire à part entière et il ne s’agit pas ici de développer tous les enjeux de cette nouvelle forme de documentaire. Nous dirons simplement que le webdocumentaire revêt un grand intérêt de participation de l’audience en temps réel. L’internaute découvre les contenus au fur et mesure de son exploration du site, objet artistique à part entière. Il peut en découvrir une partie puis y revenir pour aller plus loin. Il peut interagir avec les autres internautes, partager son avis sur le sujet traité. Les webdocumentaires les plus souvent cités comme exemple de nouveau modèle d’information interactive sont Gaza/Sderot ou Prison Valley. Quant au webdocumentaire de Bruno Masi et Guillaume Herbaut La Zone, consacré à Tchernobyl et notamment au no man’s land qui entoure aujourd’hui les restes de la centrale nucléaire, il se décline dans une installation photo-vidéo à la Gaité Lyrique à Paris, un livre, une série de photoreportage dans Paris Match et un blog. Ces nouvelles formes d’écritures interactives et informatives promettent d’éveiller un nouveau regard et donnent à voir des sujets parfois difficiles d’accès. b) Susciter l’engagement grâce au transmedia Le « transmedia activism » prend forme dans des projets multiplateformes qui visent la prise de conscience et l’engagement pour une cause. Lina Srivastava, consultante en stratégie transmedia, théorise ainsi le « transmedia activism »: « Il existe une vraie opportunité pour les activists transmedia de sensibiliser et d’inciter à agir en 17 http://webdocu.fr/web-documentaire/2010/08/10/quest-ce-quun-webdocumentaire/ : consulté le 15 septembre 2011 31
  • 32. proposant des contenus sur des plateformes multiples à travers lesquelles le public participe à une création » 18 Ces projets mettent en avant des causes humanitaires et sensibilisent aux problèmes de société. Le projet I am this land, lancée par l’association humanitaire Breakthrough, invite les citoyens à produire des vidéos sur le thème de la diversité en Inde et aux Etats-Unis. Sous la forme d’un concours (les internautes votent pour leurs vidéos préférées et le gagnant remporte 2,500$), ce projet incite le public à participer, et à interagir pour l’égalité, la justice et la diversité. L’association Invisible People propose de sensibiliser le public à l’histoire des sans- abris aux Etats-Unis. Mark Horvath (lui-même un ancien sans-abri) diffuse les témoignages des populations SDF sur plusieurs plateformes et invite les internautes à réagir aussi bien virtuellement (Facebook, FlickR, Youtube) que dans leur vie quotidienne. Ces projets humanitaires utilisent tous les ressorts du transmedia pour toucher le plus grand nombre et ainsi susciter l’intérêt et l’engagement. Ces exemples prouvent que le virtuel peut avoir un impact sur le réel. c) Les jeux sérieux : un apprentissage par l’immersion ? Le jeu sérieux est une « application informatique qui combine une intention sérieuse de type pédagogique, informatif, communicationnel, idéologique ou autre, avec un environnement d'apprentissage prenant la forme d’un jeu vidéo, afin de transmettre un savoir pratique ou de sensibiliser à un enjeu social. Ils sont classés selon cinq catégories : les jeux publicitaires, les jeux ludoéducatifs, les jeux de marché, les jeux engagés et les jeux d'entraînement et de simulation. »19 18 http://www.movements.org/blog/entry/transmedia-activism/ , consulté le 15 septembre 19 Définition du grand dictionnaire terminologique http://www.granddictionnaire.com/btml/fra/r_motclef/index800_1.asp 32
  • 33. Ecrivain, game designer et producteur de télévision, Lee Sheldon s’intéresse au mécanisme narratif. Il travaille actuellement sur un jeu multi-joueurs pour joueurs occasionnels (casual games) basé sur l’univers de Star Trek. Selon lui, le transmédia consiste effectivement à écrire pour différentes plateformes en s’adaptant aux spécificités de chacune. L’écriture transmedia doit prendre en compte l’utilisateur et lui proposer une cohérence narrative, visuelle et fonctionnelle. L’aspect communautaire et collaboratif, voire compétitif stimule le joueur et l’implique davantage dans l’univers transmedia. Les jeux sérieux posent la question de l’éducation ludique. Dans son livre, The Multiplayer Classroom, Lee Shaldon s’intéresse justement à l’utilisation des jeux sérieux multi-joueurs en classe. Il constate qu’il faut élaborer la compétition et la collaboration entre les joueurs, c’est- à-dire les interactions entre les gens. Les jeux sérieux se fondent sur le principe de l’immersion. Ce principe immersif implique totalement le joueur dans l’univers. Dans ce cadre immersif, il serait plus facile d’apprendre une langue puisque le joueur serait entrainé dans un souk de Marrakech pour apprendre l’arabe ou chez un marchand de thé chinois pour apprendre le mandarin. James Bower, d’abord scientifique, (études sur le cerveau et sur le comportement animal) a développé un programme éducatif scientifique. Il dirige également la société Numedeon qui produit la plateforme de jeux sérieux scientifiques pour les 8- 12 ans : Whyville. Pour lui, le transmedia ouvre la voie à la création et à la nouveauté. Sans stratégie marketing, Whyville totalise 7 millions d’utilisateurs qui restent en moyenne 35 minutes par session (contre 10 minutes sur Habbo.). « L’apprentissage doit être actif, car c’est un processus actif qui agit sur sa propre 33
  • 34. mémoire. La simulation permet d’interagir avec les choses ».20 Pour James Bower, le transmedia storytelling n’est pas adapté à l’apprentissage pédagogique car il est construit comme un cours. L’immersion proposée par les jeux sérieux allient simulation, création et interaction pour inciter les joueurs à « trouver leurs propres solutions plutôt que d’être confrontés à une évolution trop programmée, comme on la trouve dans Sim City par exemple où l’on ne peut pas faire grand-chose d’autre que suivre les étapes prévues par le jeu”.21 Image : simulation de récif corallien. Dans ce jeu, les enfants sont invités à identifier les espèces du récif corallien. En faisant disparaitre l’une des espèces, les concepteurs ont introduit un jeu et une compétition entre les enfants pour sauver le récif. Avec 2,3 millions de visites en deux mois, le jeu a suscité un fort intérêt de la part des enfants qui ont appris à reconnaitre 1 million d’espèces et se sont mobilisés activement pour sauver le récif 20 http://www.internetactu.net/2011/05/18/transmedia-12-la-convergence-des-contenus/, consulté le 15 septembre 21 idem 34
  • 35. corallien virtuel. Pour James Bower, « ce n’est pas le contenu qui compte ou son design, mais le processus d’apprentissage ».22 Pour Monique de Haas, présidente de www.dondersteen.net, la simulation est un critère nécessaire mais insuffisant. Les concepteurs de projets transmedia doivent se poser la question des publics qu’ils veulent toucher. Ils doivent être en empathie avec leurs cibles, c’est-à-dire comprendre leurs attentes, leurs besoins et leurs comportements. Comment faire en sorte que les projets transmedia s’ouvre à un public plus large ? Cette ouverture est-elle souhaitée par les producteurs transmedia ? II) L’univers transmedia : vers une ouverture au grand public ? 1) Les raisons d’un faible engagement a) « Transmedia » : un terme peu connu du grand public Beaucoup de projets transmedia ne s’intéressent encore qu’au cœur des fans déjà acquis, au détriment du public occasionnel ou de masse. Dans ce contexte, il apparaît évident que les projets transmedia touchent avant tout un cœur de cible minoritaire : les fans qui suivront assidûment et sur plusieurs écrans les aventures de leurs héros ou personnages préférés, les gameurs pour les ARG... Le terme même de « transmedia » ne jouit pas d’une grande popularité auprès du grand public dans la mesure où il s’agit d’un terme plus ou moins marketé, utilisé surtout par les acteurs du secteur. Dans le cadre de cette recherche, j’ai mené un 22 ibidem 35
  • 36. sondage et interrogé un échantillon de 50 personnes. Les résultats mettent en avant plusieurs points intéressants. D’abord, le mot « transmedia » n’évoque rien à 30% des sondés et 40% disent savoir vaguement ce que ce terme signifie. Les univers transmedia attirent particulièrement des cibles jeunes entre 16 et 30 ans. Pour la moitié des personnes ayant répondu au sondage, l’expérience transmedia doit avant tout permettre de se divertir. Pour 45 % de ces personnes, un projet transmedia doit être interactif (via des commentaires, un partage, une action de l’internaute) mais aussi leur apprendre de nouvelles choses sur une thématique précise. Cependant, à la question, « quelles activités interactives voudriez-vous pouvoir réaliser dans le cadre d’un univers transmedia ? », seulement trois personnes ont répondu en mettant l’accent sur les outils de partage et l’ergonomie. Pour seulement 20% des sondés, un projet transmedia doit être réaliste (histoire, cadre, personnages). Finalement lorsqu’on leur demande comment pourrait se résumer le transmedia, 50% répondent qu’il s’agit ni plus ni moins d’un contenu de base avec des produit dérivés, quand 40% pensent qu’il s’agit d’une réelle innovation pour le spectateur. Ces réponses montrent une certaine confusion quant à la définition de ce qu’est réellement le transmedia. La plupart des personnes interrogées pensent que c’est une innovation importante mais ne sont pas convaincue que cette nouveauté changera leur mode de consommation de contenus fictionnels. b) … et des univers encore peu accessibles Paradoxalement, le public est souvent immergé dans un univers transmedia sans le savoir. La grande majorité des consommateurs de divertissements (cinéma, séries télévisées, musique, jeux vidéo) quelque soit le support qu’ils utilisent (ordinateur, Smartphone, tablettes, DVD) est déjà plongée dans l’univers transmedia. Un fan de 36
  • 37. la série télévisée Dexter qui s’inscrit sur la page Facebook de la série et achète les coffrets DVD en attendant la saison suivante consomme cet univers transmedia sans s’en apercevoir et surtout sans se dire qu’il gravite dans un projet transmedia. Peut- être est-ce justement cet méconnaissance du terme « transmedia » qui est recherchée par les créateurs de programmes. Le propre d’un projet transmedia consiste justement à plonger le public dans un univers multiplateforme sans qu’il en soit réellement conscient. Le grand public expérimente rarement les univers transmedia dans leur totalité. Parfois, le public ignore qu’il peut découvrir des contenus sur d’autres plateformes. S’il a aimé un film, il ne sait peut-être pas qu’il peut découvrir des scènes inédites sur un site ou qu’il peut participer à un événement dans la vie réel en lien avec ce film. L’univers transmedia dans sa totalité est connu des grands fans, un noyau qui représente le cœur de cible des créateurs du projet. En effet, la déstructuration narrative proposée par le transmedia peut déstabiliser le spectateur voire le décourager. Le public est-il prêt à une consommation délinéarisée et engageante, comme le propose le transmedia ? Selon Stephan Jost, responsable business et innovation des nouveaux contenus chez Orange, le public français n’est pas encore prêt à cette forme de contenu qui l’invite à s’engager et qui brouille les frontières entre fiction et réalité. Il faut se méfier du microcosme parisien qui connaît les rouages de ce secteur et ne pas oublier que ces modes de consommation restent encore minoritaires. Un travail d’éducation est nécessaire. La stratégie de communication du groupe Orange s’appuie sur cette volonté d’accompagnement dans la vie numérique du grand public. L’entreprise propose d’être le coach numérique de ses clients en leur offrant l’expérience la plus « fluide et sécurisée possible ». 37
  • 38. En effet, tant pour les concepteurs et producteurs d’univers transmedia que pour le public, un accompagnement s’avère nécessaire à la compréhension des nouveaux enjeux liés à cette nouvelle façon d’écrire des histoires. 2) Apprentissage et médiation du transmedia L’effervescence et le bouillonnement d’idées liés au sujet du transmedia laissent entrevoir de la confusion dans un secteur encore imprécis. Ce manque de cohésion dû à la nouveauté et au caractère inédit de chaque projet va à l’encontre de la richesse des possibilités que proposent d’offrir le transmedia. De plus, cela ne favorise pas la visibilité des projets pour le grand public. Il s’agit alors d’imaginer des événements dédiés aux professionnels (cela est de plus en plus le cas) pour inventer de nouvelles façons de travailler ensemble dans le but de faire connaître ces projets au public le plus large. a) La multiplication des journées dédiées au transmedia Sur le modèle des TEDx Transmedia ou des DIY Days aux Etats-Unis, les Transmedia International Masterclass ont eu lieu à Marseille en mai dernier. Organisées par le CNAM (Centre National des Arts et Métiers), ces trois journées de conférences ont permis aux professionnels du secteur de se rencontrer, d’échanger sur les enjeux du transmedia, et d’imaginer de nouvelles collaborations. De nombreuses autres journées dédiées à la production et la création transmedia se sont déroulées en France, notamment à Paris : les Cross Vidéo Days, les conférences du TransmediaLab d’Orange ou de l’INA Sup, celles de Paris 2.0… Toutes ces journées de conférences, de débats et de retour d’expériences prouvent que le secteur est en pleine ébullition et en plein foisonnement. La multiplication de 38
  • 39. ces conférences prouve également que les nouveaux enjeux liés au transmedia sont en train d’être façonné et que la création française est riche d’idées à mettre en œuvre. b) Un festival national du transmedia ? Il manque néanmoins en France un événement majeur et fédérateur autour du transmedia. A l’image du festival des scénaristes de Bourges ou du Festival du cinéma de Cannes, il serait envisageable de créer un festival annuel du transmedia qui deviendrait le rendez-vous incontournable des acteurs du secteur, et le ferait en même temps connaître du grand public. Des débats, conférences, ateliers d’écriture, recherche de financement et présentation de projets, organisation d’un palmarès, peuvent être imaginé pour fédérer le milieu du transmedia. Ce rendez-vous serait l’occasion de découvrir de jeunes talents et de donner leurs chances à de nouveaux projets. c) Des formations universitaires dédiées Faute de formation et d’encadrement, les professionnels du secteur se réfèrent souvent aux modèles américains pour imaginer leurs projets. Il serait intéressant d’imaginer des formations dédiées au transmedia dans les écoles et les universités françaises. Des masters professionnels qui associeraient écriture, réalisation, production pour des publics sensibles aux enjeux artistiques et économiques du numérique. Ainsi, une personne pourrait maitriser tous les enjeux de la production transmedia et travailler avec des spécialistes de domaines qu’il maitrise moins. 39
  • 40. d) Les « curateurs » et les « community managers » Pour favoriser la solidarité et la cohésion d’une communauté autour du transmédia, les curateurs sont indispensables. Ils utilisent les nouveaux médias pour partager et diffuser des contenus de qualité puisque choisis, sélectionnés et vérifiés. La curation permet de communiquer sur un projet tout en s’assurant de la qualité de la diffusion de l’information grâce au statut d’expert du curateur auprès des membres de la communauté. Le curateur met en valeur les différents talents dans l’écriture, le design ou la production transmedia. Les projets transmedia doivent également être relayés sur les réseaux sociaux par des community managers. Les personnages des univers transmedia ont souvent une présence sur les réseaux sociaux (Facebook, Twitter, FlickR) pour pouvoir interagir avec le « spectacteur ». Le travail de modération peut alors s’avérer essentiel. Pour pallier la « peur de s’impliquer » dont parle Michel Reilhac, il est nécessaire d’accompagner le public et de proposer des expériences nouvelles et originales. La création transmedia vit sa genèse. Pour imaginer le futur des univers transmedia, il faut expérimenter différents modèles économiques, mixer les financements et travailler avec de nouveaux acteurs. Ainsi, le modèle économique du transmedia connaît-il une phase d’exploration. Quels acteurs peuvent intervenir légitimement dans le financement de production transmedia ? Faut-il plutôt développer des univers « grand public » ou des univers plus fermés qui toucheront des niches ? La problématique marketing se pose aussi pour le transmedia car le rôle des annonceurs s’affirme de plus en plus. Pour les marques, le transmedia est un enjeu de communication actuel et décisif ; il est moins coûteux de fidéliser un public que d’en acquérir un nouveau ou de l’élargir. 40
  • 41. Il ne fait pas de doute qu’il n’existe pas de modèle unique pour le transmedia et que chaque projet doit, pour respecter la cohérence du fond et de la forme, trouver son modèle parmi différentes solutions économiques. 41
  • 42. CHAPITRE 3 QUELS MODELES ECONOMIQUES A L’ERE DU TRANSMEDIA ? Le rapport du public aux contenus de divertissement change. Le spectateur ne veut plus être passif devant un écran ; il devient acteur et maitre de ce qu’il regarde. La création et la production de contenus transmedia sont en plein foisonnement. Les acteurs des secteurs du divertissement s’accordent pour affirmer qu’un nouvel univers médiatique commence à émerger avec le transmedia et qu’il est important de s’adapter aux nouveaux usages et attentes du public. Or, par définition, un projet transmedia touche différentes industries créatives en même temps ; la multiplication des supports est l’essence même d’un projet transmedia. La production transmedia a cela de novateur qu’elle doit produire des contenus de qualité adaptés à chaque support. Cette particularité est à la fois une force et une faiblesse. Une production transmedia peut en effet être source de revenus à partir de plusieurs types de produits d’univers (film, du jeu vidéo, web sériie, bandes dessinées) qui ne sont pas de simples produits dérivés de l’œuvre originale. C’est pour cette raison qu’il n’existe pas un modèle économique unique mais que chaque production transmedia doit faire l’objet d’une réflexion en amont pour définir la meilleure façon de la financer et de la rentabiliser. Les modèles économiques peuvent aussi se compléter pour répondre aux exigences de coût d’une production. Une marque peut intervenir dans le financement d’une production transmedia : le « brand content » semble devenir une solution économique qui profite aussi bien aux producteurs (dans certaines mesures, nous y reviendrons) qu’aux annonceurs eux-mêmes. Mais de nombreux autres modes de financement sont possibles et à imaginer. 42
  • 43. Alors, comment créer des projets riches, innovants et pertinents avec des modèles économiques divers ? Quels sont les nouveaux modes de financement liés à la narration transmedia ? I) Des modèles économiques en cours de définition 1) Les nouveaux besoins de la création transmedia La création transmedia appelle une redéfinition des enjeux du paysage médiatique traditionnel. En s’adaptant aux nouveaux usages, elle crée en même temps de nouveaux besoins, notamment financiers. De nouveaux outils de financement commencent à se développer : le « branding » ou « co-branding » (financement par une marque), le placement de produit, le « crowdfunding » (financement par le public), les régies publicitaires, les éditeurs mobiles... Ces nouveaux acteurs viennent s’ajouter aux acteurs traditionnels de la production audiovisuelle. Acteurs traditionnels et nouveaux acteurs dans le financement des programmes23 23 Inspire du slide du power point cree pour le keynote Cross Vidéo Days, keynot d’ouverture de Romain Drosne de la societe Plinkers, aux Cross video days du 15/06/2011, http://www.slideshare.net/plinkers/prezcrossvideodaysstage?from=ss_embed 43
  • 44. a) Les financements traditionnels Si la création transmedia appelle à un renouveau du modèle économique des secteurs du divertissement, celle-ci peut aussi compter sur les modèles traditionnels existants. Une structure publique comme le CNC (Centre National de la Cinématographie, aujourd’hui Centre national du cinéma et de l’image animée) s’adaptent aux nouvelles formes de création liées aux nouvelles technologies. Comment cette structure contribue-t-elle au financement de la création numérique ? En 2007, le CNC a ouvert un fonds dédié spécialement aux nouveaux médias et à la création numérique pour aider les producteurs mais aussi les auteurs de contenus dédiés au web. Depuis la création de ce fonds, 700 projets ont été déposés parmi lesquels environ 200 projets (dont la moitié transmedia) ont été financés pour un montant total de six millions d’euros. Guillaume Blanchot, directeur multimédia et industries techniques au CNC, rend compte d’une seconde évolution importante du CNC, à savoir « la parution de textes sur le mécanisme du COSIP, mécanisme quasi industriel mis en place à la fin des années 80 pour soutenir l’industrie de la production télévisuelle. »24 Depuis peu, un producteur n’est plus obligé d’être soutenu par une chaine de télévision pour disposer d’un compte de soutien automatique au CNC, il peut l’être par un ou plusieurs services Internet. Fondée en 1777 par Beaumarchais, la SACD (Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques) gère les droits de 48 000 auteurs de manière collective. Cette société s’attache également à soutenir et à promouvoir la création contemporaine et les nouveaux formats web. A travers un partenariat avec Orange, l’association 24 Conférence Cross vidéo Days du 16/06/2011 44
  • 45. Beaumarchais - SACD, soutient financièrement les auteurs de formats innovants et transmedia. Cette bourse récompense une dizaine de projets favorisant une écriture novatrice, mêlant interactivité, éléments linéaires et non linéaires et multi-supports. Les premières bourses, d’un montant de 7 000€ chacune ont été attribuées en avril 2010 à dix projets interactifs, trans- ou cross-media. b) Le financement participatif ou crowdfunding Le crowd-funding est une « approche permettant le financement de projets en faisant appel à un grand nombre de personnes ordinaires (internautes, réseaux de contact, amis, etc.) pour faire de petits investissements. Une fois cumulés, ces investissements permettront de financer des projets qui auraient potentiellement eu de la difficulté à recevoir un financement traditionnel (banques, investisseurs, etc.). Grace aux réseaux sociaux et aux communautés en ligne, il devient aujourd'hui facile et peu couteux de rejoindre un grand nombre de personnes potentiellement intéressées à soutenir des projets. »25 Les sites dédiés à l’économie contributive de projets culturels fleurissent sur le web. A l’image des sites de « crowdfunding » « MyMajorCompany » pour la musique et « MyMajorCompanyBooks » pour le livre, il pourrait être envisageable de créer une plateforme de financement par les internautes dédiée aux projets transmedia. Ce système de financement serait d’autant plus cohérent que le principe du transmedia est d’intégrer le public dans son univers. En amont de la production d’une œuvre transmedia, le public pourrait donc aider le financement du projet pour accéder en exclusivité à des informations, des avant-premières, des indices… La phase de production ferait alors partie intégrante de l’histoire. 25 http://fr.ekopedia.org/Crowdfunding, consulté le 22 septembre 45
  • 46. Dans cette idée, le site de production collaborative www.kisskisskankkank.fr propose aux créateurs (photographes, réalisateurs, journalistes indépendants, musiciens, écrivains…) de collecter des fonds pour mener à bien leurs projets. En fonction de son investissement, l’internaute reçoit une contrepartie (son nom dans les remerciements, une dédicace, un exemplaire du projet, une invitation). Il s’agit d’ouvrir la production à d’autres modes de financements et de faire des internautes les sociétaires du projet. Ces nouvelles formes de financement, même s’il s’agit de micro financement, montrent un réel engouement et une volonté de soutenir la création numérique et sont vouées à se développer de manière significative. c) Les abonnements et autres formes de financements Le financement de projets transmedia intervient en amont de la production mais doit pouvoir continuer après la sortie du projet pour le rentabiliser. Les modèles payants se déclinent sur plusieurs formes. La VAD (vidéo à la demande) permet à l’utilisateur d’acheter ce qu’il veut regarder de manière illimitée. Dans le cas de projets transmedia, il pourrait être envisageable de faire payer un accès aux contenus sur certaines plateformes, soit sous forme d’achat soit sous forme de location. Laisser le spectateur payer ce qu’il veut peut être une autre forme de modèle économique. Néanmoins, celui-ci exige de définir en amont les demandes et les comportements du spectateur. Les modèles économiques doivent également être pensé en rapport au temps de la narration. Un internaute ne s’engagera pas à payer s’il sait qu’il ne reviendra pas dans l’univers de la fiction. La contribution du spectateur peut dans ce cas intervenir de manière sporadique tout au long de l’histoire. 46
  • 47. Le micro paiement semble être une solution pour les projets transmedia qui ne peuvent pas garantir un bon retour sur investissement. L’internaute paye alors une petite somme par période. En France on compte 59 millions d’abonnés mobiles et 39 millions d’internautes. Un utilisateur mobile sur 3 se connecte à l’Internet mobile régulièrement et même plusieurs fois par jour s’il possède un smartphone. L’achat de contenus et de services mobiles s’intensifie : un mobinaute sur deux (48%) a déjà effectué un achat sur l’Internet mobile. La solution du micro paiement est envisageable selon trois types différents : le paiement à partir d’une carte bancaire ; le paiement sur facture opérateur, le paiement via un compte (iTunes, Paypal, Amazon). Le micro paiement sur facture semble une bonne solution. Elle permettrait aux producteurs de travailler avec un opérateur mobile et chaque partie prenante y trouverait un intérêt : fidélisation et simplicité de paiement. Le paiement par contrepartie est une déclinaison plus incitative du micro paiement. Le consommateur paye pour obtenir quelque chose d’inédit. Un système de point peut être imaginé pour fidéliser le spectateur. Plus il participe à l’univers transmedia (via une simple connexion, une participation ou une interaction), plus l’accès à d’autres contenus est enrichi. Dans tous les cas, le paiement ne doit pas venir interrompre la relation entre le joueur et l’univers ; il doit rester discret et incitatif. L’internaute aura peut-être besoin de temps pour passer au modèle payant dans l’univers du tout accessible et gratuit qu’est le web, mais s’il s’agit de contenus créatifs de qualités, il n’est pas sûr qu’il ne suive pas le processus. d) Le modèle gratuit est-il recevable ? Plusieurs raisons sont avancées en faveur du modèle gratuit pour un projet transmedia. C’est d’abord une manière de valoriser l’image de la société qui a conçu 47
  • 48. le programme. La reconnaissance, le prestige obtenu, gage de qualité et d’originalité, peuvent faciliter l’attraction de « participants » dans le projet et donc favoriser la naissance d’une communauté. C’est également un moyen de valoriser les personnes qui ont fait naitre et vivre le projet. Des équipes qui travaillent parfois pour une faible rémunération sont reconnues pour leur expertise et leur savoir-faire. Ce modèle s’applique surtout aux projets initiés par des étudiants qui débutent et qui n’ont pas nécessairement les moyens de développer un budget conséquent dans un premier projet. Mais le modèle gratuit s’applique aussi en fonction du thème développé par le projet. S’il s’agit d’un projet de diffusion du patrimoine intellectuel au plus grand nombre, alors il paraît peu probable d’envisager un autre modèle que celui de la gratuité. e) La rentabilisation et la mutualisation des coûts Le coût d’une production d’un projet transmedia reste encore très élevé. Des solutions peuvent être trouvées pour rentabiliser et mutualiser ces coûts. Il est important de produire un projet transmedia réutilisable et exploitable à nouveau pour un autre projet. Plusieurs sociétés ou agences développent donc des solutions informatiques et des logiciels qu’elles revendent à d’autres. Cela permet en fait d’assurer un revenu pour continuer à créer de nouveaux projets. Honkytonk (société spécialisée dans la création web) a développé un logiciel de montage appelé Klynt. D’abord utilisé en interne puis ouvert à des non-initiés pour briser la barrière technique qui représente un frein à la création, le logiciel leur aurait permis de « diviser par trois les coûts du développement web de chaque création, coûts qui 26 représentent, en général, 30% à 40% du budget global ». Certaines sociétés de 26 Propos d’Arnaud Dressen, cofondateur de Honkytonk, http://numerico.wordpress.com/, consulté le 48
  • 49. production deviennent éditrices de logiciels de montage à destination des professionnels. Honkytonk projette de commercialiser le logiciel Klynt au prix d’autres logiciels professionnels du même type (Final Cut Pro ou Photoshop). Cette méthode permet à ces sociétés de gagner du temps, de mutualiser le savoir- faire et de rentabiliser leur production. La coproduction présente une solution très intéressante dans le cadre de projet à très grand budget. Plusieurs pays peuvent s’associer (avec un investissement plus ou moins grand) pour coproduire un projet transmedia. On pourrait alors imaginer une coproduction entre la France (CNC) et le Canda (FMC, Fonds des Medias du Canada) sur un sujet de francophonie ou un sujet de fiction novateur. L’idée d’une coproduction permettrait d’ouvrir la création à la diversité et à la richesse des expériences étrangères. En effet, étudier les exemples de production transmedia à l’étranger en matière de création et de modèle économique est essentielle pour enrichir son propre propos. 2) Les politiques publiques étrangères pour le financement de la création a) Le réseau « creative england » : un financement régionalisé Après la suppression en juillet 2010 du « UK Film Council » qui finançait le développement de l’accès du public au cinéma via les « Screen Agencies », les agences régionales de soutien au cinéma ont crée le réseau « Creative England ». Le 1er décembre 2010, le ministre de la culture, de la communication et des industries créatives Ed Vaizey annonce la création d’une structure plus simple, plus efficace dotée d’attributions élargies pour soutenir l’industrie créative en Angleterre. 49
  • 50. Cette structure sera opérationnelle dans le courant du mois d’octobre 2011. S’appuyant sur le travail des « Regional Screen Agencies », « Creative England » aura pour mission de soutenir et d’encourager la création de film, de programmes télévisuels, de l’industrie du jeu et des medias digitaux, en dehors de Londres. Le budget 2011-2012 de cette nouvelle structure se construit en deux temps. « Creative England » reçoit un budget initial de £900.000 de la part de la BFI (British Film Institute) et £1M de la part de la Big Lottery Funds (une institution crée par le gouvernement en 2004 et dotée d’un fonds de £630M destiné aux « bonnes causes »). b) Le modèle économique du Canada (FMC et INIS) Véronique Marino, consultante en développement d’affaires électroniques et directrice du programme Médias interactifs à l’INIS (centre de formation professionnel) au Québec, explique : « au Canada, avant 2009, le web était directement rattaché aux programmes TV. Pour pouvoir créer des sites internet, il fallait développer aussi des programmes TV. En 2009, le gouvernement fédéral instaure le contraire. Les producteurs de télévision doivent donc proposer aussi du 27 web enrichi. C’est un traumatisme pour eux ». L’INIS essaye d’accompagner les professionnels de l’audiovisuel dans le changement lié aux nouveaux médias. A travers des programmes d’écritures de réalisation, de production exclusivement orientés vers les nouveaux médias, les étudiants et les professionnels peuvent approfondir leurs talents tout au long de leur carrière. L’INIS peut être comparable à l’INA Sup en France. 27 Propos de Véronique Marino, conférence InaSup « Transversalité de l’écriture et du financement : le transmedia est-il l’avenir de la télévision » ? , le 26 avril 2011 50
  • 51. Quant au fonds des médias du Canada (FMC), il verse des aides précises pour des projets transmedia. En 2011, la dotation s’est élevée à 100M$. Néanmoins, ce fonctionnement pose un problème : la création est conditionnée en fonction du nombre d’élus gouvernementaux. S’il n’y a pas de dotation, il n’y a pas de travail de création possible. c) Un fonds européen de la création ? Le programme européen MEDIA existe depuis 1996. De 1996 à 2000 les projets multimédia étaient soutenus grâce à des avances sur revenus. Les sommes pouvaient atteindre 250 000 euros pour la production de projets multimédia. Mais ce modèle a échoué car il n’était pas adapté aux productions de l’époque. Le nouveau programme mis en place de 2000 à 2006 était basé sur un soutien à des projets individuels. Mais en 2007, le programme n’a reçu que 17 candidatures. En 2008, un plan particulier est crée : c’est le soutien aux travaux interactifs. Le budget de ce nouveau plan s’élève à 2,5 millions d’euros. Des bourses allant de 10 000 à 150 00 euros sont destinées à soutenir directement les producteurs européens indépendants. Plusieurs critères de sélection régissent ce nouveau programme. MEDIA vise à renforcer et à développer l’industrie cinématographique et audiovisuelle ainsi que les œuvres interactives en Europe. Il cherche donc l’originalité artistique et technique à travers des prototypes. Les projets doivent être interactifs et faire preuve d’un potentiel de commercialisation européen. Le producteur doit également garantir les droits sur le concept de son projet. L’essentiel des activités du programme Media se concentre sur les projets interactifs numériques transmedia qui complètent des projets audiovisuels traditionnels 51
  • 52. (cinéma, télévision, livre). Le programme a notamment soutenu le projet « Prodigies », développé par Orange. En France, trois structures du programme MEDIA existent : Media Desk France, Media Strasbourg, Media Marseille. II) Le transmedia : quelle opportunité pour les marques ? 1) Le brand content : une nouvelle image de(s) marque(s) Le « brand content » fait partie des nouvelles formes de financement de la création de contenus. En finançant la production d’un jeu, d’un univers transmedia ou d’une websérie, une marque valorise son image et s’assure une visibilité sur plusieurs medias. En mars 2011, SFR participe au financement de l’ARG « Can you stop it ? » dans le cadre de Lille 3000 (grand projet culturel lancé par la métropole depuis 2004). L’enjeu est simple : sauver la ville d’une prophétie destructrice. L’aventure se joue sur le web, sur mobile mais aussi dans la réalité de la ville de Lille. L’idée est de faire découvrir la ville en se servant des différents médias de l’ARG. Pour SFR, la participation à un tel projet transmedia représente un atout de communication et d’image indéniable. SFR est une marque résolument tournée vers une cible jeune. Leur rôle dans le financement d’un ARG est cohérent avec leur positionnement marketing. L’idée de la marque, au-delà de la participation à un projet novateur en France, est aussi de valoriser son image et a fortiori de fidéliser ses clients voire d’en recruter de nouveaux. Riad Sattouf, réalisateur du film Les Beaux Gosses et auteur de BD s’associait en juin 2010 à la BNP Paribas pour sa nouvelle websérie « Mes Colocs ». Les aventures de quatre colocataires (Valentine, Sacha, Mustapha et Simon) ont été 52
  • 53. suivies sur Youtube, Dailymotion et Facebook (qui totalise 46 000 fans aujourd’hui). Les épisodes ont été visionnés plus de 15 millions de fois depuis leur sortie. Le dispositif de communication de BNP Paribas s’adresse avant tout aux jeunes. En parallèle, une campagne de publicité (déclinée sur Youtube, Hotmail, Deezer, Skyrock, Letudiant.fr) met en avant les offres bancaires à destination des jeunes, de juin à septembre : moment de rentrée scolaire et d’installation pour les étudiants. Aider à financer la production d’une websérie s’avère une stratégie de communication innovante pour une banque. Le logo de la BNP n’est apparu qu’au neuvième épisode comme pour créer un effet de surprise tout en conservant un certain recul. Un autre exemple de « brand content » à citer est celui du groupe Orange. La marque déploie en effet de nombreux partenariats dans ce sens. L’expérience transmedia Fanfan2, développée avec Alexandre Jardin, peut être citée comme exemple. La parution du roman Fanfan2 a fait l’objet d’une suite numérique et transmedia dans laquelle les internautes (renommés fanfanautes pour l’occasion) pouvaient suivre et participer tous les jours et en direct aux aventures romanesques et amoureuses du personnage principal. Les internautes pouvaient interagir via un site internet, une application iPhone, iPad, plusieurs comptes Facebook et Twitter. A travers cette expérience transmedia, Orange prouve qu’il devient un acteur majeur et incontournable du « brand content » qui souhaite développer son soutien à la création numérique. Le « brand content » est donc une nouvelle façon pour les auteurs et les producteurs de mener à bien ensemble des projets numériques innovants. Cette solution semble satisfaire les deux parties prenantes : le producteur peut aller au bout de son projet grâce au soutien financier d’une marque qui valorise son image. Mais cette solution 53
  • 54. n’est pas toujours acceptée par les producteurs qui craignent que la marque impose ou refuse des choix éditoriaux contraires à ses valeurs. 2) Le placement de produit et le sponsoring Une marque peut financer un projet transmedia par le système du « brand content » mais également par celui du placement de produit. Selon un sondage YouGov, commandé par l’agence anglaise « Social Media » paru en août 2010 au Royaume- Uni, 42% des 18/24 ans veulent savoir quels sont les produits dans leurs programmes préférés (vêtements, musique, accessoires).28 Cette technique du placement de produit semble donc une opportunité non négligeable pour les marques. Très utilisé dans la production cinématographique, il permet de compléter les budgets de production. Cette technique consiste à mettre en scène un ou plusieurs produits identifiables à une marque au sein d’un univers narratif, lui assurant par ce biais une grande visibilité en échange d’une participation financière. Il va sans dire que la cohérence entre l’univers narratif, la cible et la marque choisie est indispensable. Un exemple significatif est celui du projet The Inside Experience financé par Intel et Toshiba. Film social dans lequel l’héroïne séquestrée n’a d’autres moyens de communication avec l’extérieur qu’un ordinateur portable Toshiba Satellite P775. Le sponsoring d’événements peut également être une solution plus ponctuelle pour un projet transmedia. Il s’agirait en effet pour une entreprise de financer matériellement ou techniquement un événement interactif lié à un projet transmedia. 28 http://www.plinkers.fr/2011/06/15/presentation-keynote-douverture-des-cross-video-days/; 54
  • 55. Par exemple, une marque comme Ikea pourrait financer la mise à disposition de meubles ou d’éléments de décoration dans le cadre du lancement d’un projet transmedia. Une entreprise pourrait financer matériellement et/ou techniquement une partie plus événementielle de l’expérience interactive. Tout en valorisant son image, elle collabore à une mise en scène originale et de qualité sur un projet transmedia événementiel plus facilement accessible par les gens Toutes ces pistes de réflexion peuvent être prise en compte et approfondies pour la réalisation de projets concrets. Ces modes de financement peuvent se conjuguer pour assurer le succès de projets transmedia créatifs. 55
  • 56. CONCLUSION Si la narration transmedia marque un profond changement dans le mode de création et de consommation de projets interactifs numériques, il reste encore en pleine élaboration. Entre enthousiasme et incertitude, les acteurs du transmedia ne peuvent nier qu’il existe un nouvel enjeu lié aux usages et aux attentes du public. L’interactivité fait partie de ces nouveaux enjeux. Loin d’être un simple effet de mode marketing, la narration transmedia répond aux nouveaux besoins de consommateurs de contenus culturels, informatifs et interactifs. Si l’audience n’est peut-être pas encore prête à s’engager pleinement dans des projets transmedia purement interactifs, elle cherche en tout cas à s’impliquer dans ce qu’elle regarde, écoute ou lit. La genèse de cette nouvelle expérience créative laisse entrevoir des opportunités d’avenir tant pour les auteurs et producteurs que pour les diffuseurs et les marques. Des projets transmedia de plus en plus novateurs voient le jour dans le but de créer des changements de comportements, de sensibiliser l’audience à des causes, de développer l’apprentissage. L’activiste Jane McGonial préconise par exemple de convertir l’engagement virtuel des joueurs en engagement social réel. A travers son projet Evoke, elle essaye de promouvoir l’entreprenariat social en Afrique. La narration transmedia ne servira pas seulement l’intérêt marketing des marques, mais proposera un nouveau mode de consommation de contenus : un mode participatif et interactif. Ces nouvelles méthodes restent encore à créer et à produire car la narration transmedia exige des connaissances élargies dans les domaines du numérique, de la création et de la production de contenus. La production transmedia en France doit également faire face à une phase d’exploration liée à son modèle économique. Un modèle unique ne peut être 56
  • 57. privilégié. Il s’agit surtout d’expérimenter plusieurs formes de financement et peut- être aussi, de la part des diffuseurs, de prendre plus de risque. La narration transmedia ne sera mise en valeur que lorsque les créateurs eux-mêmes (auteurs, producteurs..) auront su faire connaître leurs projets à travers une médiation et une communication claire. Mais surtout lorsque les modèles économiques auront fait leur preuve. L’avenir réside sans aucun doute dans la multiplication des sources de financement : le cofinancement de différents pays, le crowdfundind, le crowdinvestment. A l’image du nouveau projet australo germano-finlandais Iron Sky. La narration transmedia ouvre une porte aux entreprises qui souhaitent valoriser leur image en finançant des nouveaux projets interactifs. La stratégie de communication des marques évolue avec le transmedia. Néanmoins, pour le moment, seules les grandes marques à fort capital peuvent s’associer à des projets à gros budget. A l’avenir, la narration transmedia se transformera peut-être en ce que Michel Reilhac appelle la « réappropriation du récit par la collectivité ». 57